Depuis quelque temps la rengaine de la Sixième République envahit, sous l'impulsion intéressée de Jean-Luc Mélenchon, les ondes et les réseaux sociaux en tout genre, comme une échappatoire supplémentaire à notre situation économique et sociale tendue. Le changement de république serait devenu l'unique moyen de redonner de la vigueur au contrat social de notre nation, habile méthode pour ne pas parler des sujets qui fâchent, des sujets que l'on ne maîtrise plus depuis longtemps.
On a envie de répondre à cette gauche radicale qu'elle se trompe radicalement en essayant, une fois de plus, de porter au pinacle les sentiments les plus sympathiques mais les moins réalistes qui soient. Elle n'est même pas utopique cette gauche puisqu'elle se contente de réclamer un retour à la Quatrième République : a-t-on déjà vu l'Histoire faire marche arrière ?
Les adeptes de la pensée magique n'ont sans doute plus que cette méthode pour attirer les électeurs et les partisans. Prononcer les mots "Sixième République" ou "Europe" et vous verrez une minuscule frange de la population se ruer sur les plateaux de télévision, rameuter les foules sur les places de nos villes et tweeter le contenu de leurs courtes pensées dans des courts messages sans contenu. Ne se rendent-ils pas compte que toutes ces questions ne concernent qu'une petite élite et qu'elles creusent un peu plus le fossé avec le peuple que la Gauche est censée représenter ? Auprès de la population, ces mots n'évoquent en effet, au mieux, qu'une molle indifférence et peuvent même susciter un mépris radical.
La Sixième République, dans l'esprit de ses promoteurs, c'est un régime parlementaire avec un Premier ministre qui gouverne et un président qui ne sert généralement à rien, et subsidiairement à résoudre des crises institutionnelles, c'est à dire à proposer au Parlement un nouveau Premier ministre qui soit agréé par lui. C'est le régime actuel de la quasi-totalité des démocraties européennes. L'Espagne, l'Italie et la Belgique pourraient nous expliquer les limites de leur régime institutionnel. La France pourrait cependant innover en proposant en plus un référendum révocatoire de ses élus. Le peuple pourrait ainsi révoquer à mi-mandat tout ceux qui ne donnent pas satisfaction. Nous devons à la vérité de dire qu'il s'agit sans conteste d'une mesure proposée par Jean-Luc Mélenchon à destination directe de François Hollande. Sauf que dans la Sixième République qu'il appelle de ses voeux, le Président de la République ne gouverne pas et on ne sait même pas s'il sera élu directement par le peuple. Autant dire que cette proposition a déjà du plomb dans l'aile faute de servir réellement à quelque chose.
Peut-on réellement soulever les masses sur un projet aussi vide et ne correspondant à aucune des attentes de la majorité de la population ? Le Président de la République a trop de pouvoirs ? Il semble que ce qui lui est reproché aujourd'hui soit bien son impuissance et son manque d'autorité. Le drame de nos démocraties en Occident est l'impuissance publique face aux puissances de l'argent, aux marchés financiers, aux multinationales prédatrices. L'époque est à une mutualisation de nos forces au niveau européen, et même mondial pour certains sujets, et la France en serait à se chamailler sur ses institutions nationales ? Ce serait une terrible erreur de stratégie.
Comment faire comprendre à cette Gauche, celle qui défile dans nos rues ce 15 novembre et qui subordonne ses réformes sociales à l'instauration d'une nouvelle république, comment lui faire comprendre qu'elle se trompe de chemin ? Qu'elle a compris nos maux d'aujourd'hui mais qu'elle ne prépare aucune des solutions de demain ?
La Gauche a la nostalgie du passé. Elle n'entrevoit plus l'avenir. On voit décidément mal au fond de son cercueil.