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Billet de blog 17 août 2010

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Sarkozy : symptôme des maux de la politique

Pour une fois, je serai anticonformiste : non, Sarkozy n'est pas un affreux xénophobe, doublé d'un vichysto-fascite, comme on peut le lire de plus en plus communément sur le net. Cette conclusion serait tellement simple et confortable intellectuellement : il suffirait d'abattre la bête immonde et la France serait à nouveau libérée de l'oppression. Ne lui faisons pas l'honneur de cet excès d'indignité. Le problème est plus vaste même s'il a pu parfois en accentuer la gravité par son comportement.

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Pour une fois, je serai anticonformiste : non, Sarkozy n'est pas un affreux xénophobe, doublé d'un vichysto-fascite, comme on peut le lire de plus en plus communément sur le net. Cette conclusion serait tellement simple et confortable intellectuellement : il suffirait d'abattre la bête immonde et la France serait à nouveau libérée de l'oppression.

Ne lui faisons pas l'honneur de cet excès d'indignité. Le problème est plus vaste même s'il a pu parfois en accentuer la gravité par son comportement.

Sarkozy est le plus habile politique de sa génération. Ne feignons pas de le découvrir maintenant : nous avons vu ses capacités en 2007. Son habileté réside essentiellement dans son pouvoir de stimuler nos plus bas instincts, à faire émerger nos instincts grégaires, nos réflexes défensifs de meutes apeurées. Sa force est d'amalgamer des idées reçues et des préjugés enfouis dans nos cerveaux et d'en extirper une synthèse qu'il nous délivre au cours de discours faussement improvisés où il n'hésite pas à imiter le populaire, aussi bien dans son phrasé que dans sa gestuelle, pour mieux faire ressortir le côté "bon sens populaire" qui est évidemment partagé par une large majorité de la population.

Sarkozy a une réponse politique très classique à une question qui ne l'est pas moins : quelle partie de l'électorat faut-il rallier à ma cause ? La gauche semble inacessible pour cause de situation économique catastrophique ; les modérés de tous bords sont très peu attachés au style sarkozyste ; reste la droite, du moins une certaine droite qui n'a qu'un lointain rapport avec le gaullisme, et qui piaffe d'impatience de pouvoir rallier à eux les électeurs très tentés par un vote Front National. C'est en effet la seule issue pour le pouvoir en place, sachant qu'un FN élevé aura toujours tendance à prendre des voix aux déçus de l'UMP.

Sarkozy se comporte donc comme un chef de parti, et n'a de cesse de poursuivre ses propres intérêts qui ne correspondent qu'approximativement avec ceux du pays (cela arrive de temps en temps, mais il faut penser à la réélection avant tout).

L'on pourrait m'objecter que ce tropisme à défendre ses propres intérêts avant l'intérêt général n'est pas propre à Sarkozy. Ses prédécesseurs n'étaient certes pas toujours irréprochables. Le problème est que le curseur était déjà très poussé à droite en 2007, et que Sarkozy est à présent obligé de faire de la surenchère pour paraître encore plus à droite. Le malheur est qu'il laisse beaucoup de place sur sa gauche, c'est à dire au centre-droit (me suivez-vous ?).

Le fond du problème que nous révèlent ces scènes de la vie politique, auxquelles nous sommes malheureusement habitués, est avant tout institutionnel. En effet, la doctrine constitutionnelle affirme que le président de la République est théoriquement l'arbitre de nos institutions, en ce sens qu'il ne prend pas part à la vie gouvernementale, pour ne pas dire partisane, durant son mandat. Sa principale fonction est d'être vigilant dans des situations de blocage que l'on pourrait constater entre les diverses institutions (notamment entre le gouvernement et le parlement) ; blocage dans la résolution duquel il peut intervenir par l'intermédiare de certaines armes constitutionnelles (référendum et dissolution notamment). Il apparaît donc, théoriquement toujours, comme un sage fixant les grandes lignes de la politique nationale et délégant la gestion quotidienne au gouvernement. Autant dire que cette version de la constitution n 'a jamais été appliquée depuis 1958. Les français semblent préférer la version du président omniscient et omnipotent qui a les mains libres pour appliquer, ou non, son programme durant les cinq ans de son mandat.

Le mandat de Sarkozy aura peut être au moins le mérite de désacraliser la fonction et de demontrer l'impuissance de l'hôte de l'Elysée à gouverner seul le pays. D'autant que pour être réélu il doit constamment ébranler les fondements de la société, en secouer les composantes pour mieux les opposer les unes aux autres par la recherche de boucs émissaires faciles, activité dans laquelle il excelle mais qui ne correspond pas à la tâche principal d'un chef d'Etat : rassembler les français autour d'un projet commun.

Au final, Sarkozy apparaît plus comme un symptôme de notre problème que le problème lui même. Se débarrasser de Sarkozy n'empêcherait pas ultèrieurement un candidat malveillant et démagogue de s'emparer du pouvoir et d'en abuser. Car rien dans les institutions telles qu'elles sont pratiquées n'empêcherait cela. Les citoyens doivent plutôt réclamer l'application de notre constitution actuelle et être plus exigeants lors des élections. La solution semble facile à énoncer mais l'exercice de nos pouvoirs de citoyen est toujours difficile car elle demande beaucoup de vertu et d'exigence avec soi même. Deux qualités également indispensables pour tous responsables politiques.

Alors avant 2012, souhaitons que Sarkozy réponde positivement à nos questions : habitera-t-il enfin la fonction suprême qu'il a mis toute sa vie à atteindre ? Sera-t-il le sage fixant le cap pour les années à venir ? l'arbitre impartial de nos institutions ? Pour l'instant, à défaut d'être seulement l'arbitre, il désire aussi être l'entraineur-capitaine-attaquant de l'équipe filant seul en direction du gardien adverse pour marquer le but de sa vie. Le problème est qu'en procédant ainsi, il arrivera un jour où plus personne ne voudra jouer ave lui...

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