En cette fin d'année 2012 l'heure est au bilan. Nous avons commencé l'année avec une droite dure avec les faibles et faible avec les forts ; nous la finissons avec une gauche émolliente qui nous endort à force de palinodies et de renoncements à ses principes. La gauche semble toujours hésiter entre la justice et l'efficacité lorsqu'elle prend une décision, comme si les deux étaient dans son esprit devenues inconciliables : "ce n'est pas efficace ! Oui mais c'est juste ; ce n'est pas juste ! Oui mais c'est efficace." Tel est depuis sept mois le dialogue absurde que le gouvernement a entamé avec les français et qui risque de durer jusqu'à la fin du quinquennat de François Hollande.
Entre autres dossiers que le gouvernement aura à gérer en ce début d'année 2013, la sécurisation de l'emploi, ou la flexibilisation du travail, selon que l'on se place du côté des syndicats ou du patronat, sera sans aucun doute le dossier le plus risqué car il va apparaître comme un marqueur de la politique économique et sociale de l'équipe au pouvoir. L'opposition entre syndicats et patronat semble si profonde qu'il faudra probablement recourir à la loi. Le gouvernement devra donc trancher, ce qui n'est pas le moindre de ses problèmes.
Il faudra donc que François Hollande nous dise en quoi consiste sa politique économique et sociale, mise à part la croyance en un retour miraculeux de la croissance courant 2013. Il faudra qu'il nous dise enfin ses convictions sur la nécessaire sécurisation des parcours professionnels ; sur le fait qu'un salarié ne peut pas être licencié du jour en lendemain parce qu'il a refusé une baisse de salaire ou une augmentation de temps de travail ; que le salarié a des droits ; que le CDI est un prinicpe et le CDD une simple mesure d'assouplissement de ce principe ; qu'enfin le discours patronal sur les charges excessives accablant les entreprises ne tient pas étant entendu que les finances publiques supportent depuis dix ans un manque à gagner volontaire de cent milliards d'euros par an de niches fiscales et se privent de trente milliards d'euros par an en exonération de charges sociales afin d'employer des smicards.
Peut-être le dira-t-il. Ou peut-être non. Sa passion pour la synthèse reprendra certainement le dessus et nous arriverons à un compromis boîteux qui ne satisfera aucune des deux parties en présence : "pas assez juste" ou "pas assez efficace". Et le gouvernement se satisfera de ce jugement de Salomon qui lui permettra de gagner la sympathie des autorités européennes (nous sommes sous surveillance à présent) ainsi que du temps jusqu'à la fin de l'année 2013 qui verra un début de croissance économique revenir, juste assez pour nous faire croire à des lendemains qui chantent.
Certains plus clairvoyants que d'autres, ou plus touchés par la crise économique, auront cependant dans la bouche un goût amer après avoir avalé cette potion de gauche. Ils rejoindront le groupe, de plus en plus fourni, des déçus du socialisme (ou de l'hollandisme, si tant est que cela soit la même chose) où figurent déjà en bonne place les ouvriers de Florange. Cette région semble décidément un laboratoire expérimental des dérives de la mondialisation financière. Les ouvriers, littéralement exploités par leur employeur, se sont en plus vus signifier leur inutilité dans tous les médias du pays : usine pas rentable, activité archaïque, syndicalistes gueulards et caricaturaux... Le chien est enragé, il est bien temps de le tuer.
C'est une chose de subir les attaques de financiers sans foi ni loi, en recherche permanente de gains à très court terme, au mépris de la vie d'ouvriers tout juste bon à trimer quand on leur dit et à se taire quand on leur fait l'aumône d'une allocation chômage. Mais cette condition devient insupportable quand un gouvernement, qui plus est de gauche, refuse, par principe, de condamner de tels agissements et se targue même de refuser l'arme de la nationalisation pour aller au combat d'une négociation perdue d'avance faute de combattant. Pour le coup, la décision n'a été ni efficace, ni juste. Nous sommes maintenant suspendus aux décisions de monsieur Mittal. Assurément, il ne se privera pas, comme les grands vassaux du Moyen-âge, de provoquer à la première occasion son suzerain (l'Etat) qui n'a depuis longtemps que le pouvoir symbolique mais aucune armée pour se protéger efficacement.
Florange, la négociation sur l'emploi : deux sujets sur lesquels Hollande devrait être jugé. Car un président de gauche devrait exiger d'être jugé, non pas sur un taux de croissance ou de déficit public, mais sur sa capacité à rendre plus humaine la société dont il dirige les destinées.
Soyons vigilants, soyons exigeants avec le pouvoir. Remember Florange...