thierry bousquet

Abonné·e de Mediapart

14 Billets

0 Édition

Billet de blog 27 février 2013

thierry bousquet

Abonné·e de Mediapart

Fous les peuples qui se croient libres

thierry bousquet

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La France, l'Europe et l'Occident en général connaissent la démocratie, système marqué par des élections libres périodiques, depuis fort longtemps. Or, force est de constater que, quel que soit le parti politique vainqueur, les décisions les plus cruciales en termes économiques et sociaux vont toujours dans le sens d'une plus grande rigueur budgétaire et d'une libéralisation de plus en plus grande de nos économies afin de rendre la concurrence la plus pure et la plus parfaite possible. Nous pourrions nous féliciter de l'esprit de responsabilité des différents gouvernants de ces trente dernières années qui ont pour la plupart sacrifié leurs convictions les plus profondes pour faire perdurer une politique qui a au moins le mérite de la cohérence à défaut de l'efficacité. Il aurait été en effet si facile et si irresponsable de la part de la gauche de mener une vraie politique de gauche et de mettre à plat trente années d'effort néolibéral pour flexibiliser le travail et défiscaliser les revenus des plus riches ! Rassurez-vous bons peuples d'Europe ! Quel que soit l'improbable vainqueur qui sortira du magma compliqué des votes contradictoires de citoyens désabusés et déroutés, vous aurez une politique identique à celle que vous rejetez mais qui a le mérite d'être soutenue par tous les gouvernants d'Europe. Certains essaieront bien de vous abuser en expliquant qu'ils se montreront inflexibles face à l'Europe et sa politique d'injustice sociale, mais pas de panique ! Une fois élus, ils vous expliqueront qu'ils se sont bien battus mais que la contrainte économique est trop forte et qu'ils sont obligés de faire comme tout le monde, marquant ainsi la solidarité de la grande famille européenne.

Ils sont bien à plaindre ces gouvernants qui ne peuvent pas faire ce qu'ils veulent une fois élus et parés de la légitimité du suffrage universel. Pourtant l'Union Européenne n'existe que par la volonté des états membres. L'Europe est ce que veulent bien en faire les états. Alors, d'où vient cette terrible impression de contrainte ? Serait-ce l'Allemagne, qui semble en effet inflexible sur tous les sujets ? Il est vrai que, du point de vue des traités européens, elle est la meilleure élève de la classe européenne. Il semblerait logique qu'elle s'impose face aux autres. Mais en même temps, l'Allemagne est bien seule. Des coalitions peuvent se former contre elle pour lui imposer une réorientation des politiques européennes. Qui d'autres ? La BCE ? La Commission Européenne ? Sans les états, toutes ces institutions rigoureuses et rigoristes n'existeraient pas. Les états auraient-ils peurs de leurs propres créations ? Pourtant la BCE a montré pendant la crise financière qu'elle était capable d'une souplesse qu'on ne lui soupçonnait pas.

Non, on peut continuer à chercher longtemps sans trouver les raisons de cette contrainte si on ne regarde pas les choses simplement : les états se contraignent eux-mêmes. Eloignés du cadre national et des élections, les gouvernants se comportent à Bruxelles comme ils ne peuvent le faire dans leurs pays respectifs : c'est-à-dire comme une élite technocratique non soumise aux conséquences de leurs décisions devant les électeurs. Une fois revenus dans un cadre national, l'Europe devient pour les gouvernants un alibi, voire un bouc-émissaire, commode pour imposer des décisions dont ils ont participé étroitement à l'élaboration.

Les électeurs conscients de cette situation ne voient plus de solutions légales pour espérer changer la direction de l'Europe. Situation qui nourrit la désespérance sociale, les révoltes ainsi que le vote anti-européen, voire nationaliste. Réactions normales de la part de peuples qui se croyaient libres et même mieux défendus par la construction européenne qu'isolés face à la mondialisation, et qui s'aperçoivent que l'Europe n'est pas la muraille infranchissable espérée et que leurs appels à l'aide lancés lors des diverses élections ne risquent pas d'être entendus faute d'être relayés efficacement par leurs propres gouvernants !

Deux scénarios sont alors possibles pour les années à venir : soit la montée des nationalismes fait exploser l'Europe, avec tout ce que cela implique comme tensions entre états qui n'ont jamais cessé de se faire la guerre jusqu'en 1945 ; soit, pour remédier à l'incurie des états, une Europe fédérale est créée, avec tous les pouvoirs d'un véritable état, en espérant que toutes les garanties démocratiques soient apportées, ou alors, les peuples n'auraient pas fini de se lamenter !

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.