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Billet de blog 24 octobre 2014

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Face au fascisme: faudra-t-il sauver l'art contemporain?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Entendons-nous bien: je n'ai rien contre l'art contemporain, mais je préfère la peinture. J'ai toujours pensé que cet art nouveau qui s'est mis en place au XXème siècle avec Duchamp et Dada et surtout avec le pop art, n'avait pas grand chose à voir avec la peinture et sa modernité. Mon souci a toujours été de désaffilier l'art conceptuel ou contemporain de l'histoire de l'art, comme un art entièrement nouveau aussi différent de la peinture et de la sculpture que la photographie et le cinéma. Or on ne le peut pas. L'exposition "Duchamp, la peinture même", le montre assez: l'entreprise de non différenciation de la modernité picturale et de l'art conceptuel se répète régulièrement, ce qui fait que la peinture est le seul art qui a subi de plein fouet l'effet de l'anti-art dans sa pratique, sa promotion et son enseignement. La littérature ou la musique s'est préservée: il n'y a pas de Duchamp de la musique ou de la littérature. Aussi lorsque les nouvelles ligues de vertu s'en prennent à un plug anal géant installé sur l'une des plus belles place de Paris, et qui me paraît en soi assez laid ( c'est pour moi un objet poétique anti-rétinien), je n'applaudis pas, mais je ne condamnerai pas. Car cet art bénéficie de tous les pouvoirs et son dogmatisme m'a toujours frappé. L'histoire (de l'art) évolue du mauvais côté disait Marx.

Une échéance nous attend: non pas l'arrivée possible de Marine Lepen au pouvoir, mais un an auparavant la possiblité plus grande encore de voir deux régions tomber dans l'escarcelle de l'extrême-droite, selon les projections électorales actuelles: la région Paca et la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie. Ce ne sera pas seulement un désastre politique, ce sera aussi un désastre culturel. Et l'art contemporain sera bien évidemment dans le collimateur des élus FN. Comme l'art contemporain ne se réforme pas, dans le sens que j'ai indiqué plus haut, comme ne s'amende pas, ou ne se réforme pas le capitalisme financier, la catastrophe paraît inévitable: autant un crack boursier qu'une action "politique" nous en débarrassera, en visant les Centres d'art contemporain, qui dépendent de la manne des régions. Est-ce que je lèverais le petit doigt pour protester? Non. Car c'est fascisme contre fascisme.(1)

(1) Paul McCarthy s'explique: "On m'avait donné un petit Père Noêl qui tenait un sapin, et j'avais ce plug anal depuis longtemps, il faisait partie d'une autre sculpture, une sorte de plaisanterie sculptural (jokes sculpture), car je trouvais que le plug anal avait une forme très similaire à une sculpture de Brancusi, j'ai réalisé ensuite que le plug anal ressemblait exactement au sapin de Noël. Cette pièce devient donc un objet qui a plusieurs références, mais aucune ne la représente vraiment. Ce n'est pas un plug anal, ce n'est pas un sapin de Noêl. Je discutais avec quelqu'un à l'instant, il me disait que les visages sculptés étaient magnifiques et que ça, ce n'était pas beau. Moi je pense que c'est beau, c'est une question de goût. Le vert est beau, la manière dont il est fabriqué est belle. La forme est magnifique. C'est séparé de la question de  savoir si c'est un sapin ou un plug."
Donc McCarthy s'intéresse au beau. On n'avait rien compris. C'est un Brancusi. C'est de la plastique pure. Et puis l'ambiguité sémantique de la forme nous interdit désormais de trancher, mais c'est secondaire.

Nous ne saurions trop lui conseiller de montrer cette forme dans un lieu plus modeste, à l'avenir, même si cette oeuvre a un rapport certain avec l'art du XVIIème siècle français. C'est une question de goût. Il a d'ailleurs sa place à l'Hôtel de la Monnaie, du XVIIIème siècle. Il est vrai que cet art est une commande des joaillers de Paris. Nous espérons un jour le voir réaliser quelques belles pandeloques au moyen de ce joli petit sapin qui est très beau.

Mais trève de plaisanterie: une forme parfaitement symétrique n'apporte rien à l'histoire de l'art, son intérêt plastique est inexistant puisque les rapports plastiques sont neutralisés. C'est donc bien un objet poétique ou littéraire anti-rétinien. Un pur objet sémantique.

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