Le vagin de Versailles: double corps du roi ou double Vagin: les facéties justificatrices d'une nullité monumentale.
Le prétendu objet incertain, objet poético-spéculatif anti-rétinien, est en réalité tout à fait certain, surréaliste et anti-plastique.
Derrida avait pensé à une double invagination chiasmatique des bords: il la dessina, c'était à propos de la structure invaginée du "récit" de Blanchot: La folie du jour qui s'achève ainsi: "Un récit. Non pas de récit, plus jamais."
Car notre oeuvre en coin de Kapoor se revêt des oripeaux de la plus haute philosophie et de la cause des femmes, nous l'allons voir bientôt. Là aussi, comme avec MacCarthy il faut l'écouter. Leur point commun est la création d'un objet poétique anti-rétinien jouant sur une ambiguité érotique de nature inévitablement sémantique, il n'y a aucun propos plastique.
On apprend qu'il s'agit de prendre une autre direction à l'intérieur de la caverne de Platon, il faut non plus chercher à sortir, mais au contraire il faut explorer les parties sombres et féminines de la caverne. Une révolution, je vous dis. D'autant que notre artiste a pensé réparer une injustice en France, celle que Versailles et David, incorrigiblement machistes ont infligé aux femmes. On appréciera toujours l'art des bonne causes chez ces artistes mondialisés. Une oeuvre motivée donc aussi bien pour ces projections de cires rouges à coup de canon sur les murs de l'Orangerie, que le vortex animant un des bassins; symboles quand tu nous tiens. Philippe Dagen a bien raison de dénoncer cette transformation de Versailles en parc d'attraction. Sauf qu'il s'agit toujours de cela avec l'art contemporain, les surréalistes raffolaient de la fête à Neuneu, et le grand Verre de Duchamp doit se voir sur le fond d'une image de Luna Park. De même la Fondation Vuitton, malgré la beauté de l'architecture, en s'installant au jardin d'acclimatation, effectue un simple retour aux sources. Sans même parler d'une autre oeuvre de Kapoor la Tour Arselormittal-Orbit pour les Jeux Olympiques de Londres, maintenant transformée en toboggan.
Nous proposons à notre poète tout terrain deux lectures: l'une qui exprime la puissance de son patronyme, l'autre renverra à une histoire française. Kapoor en Hindi signifie camphre.
"le CAMPHRE
Bien qu'il ne nous est pas possible de traiter de tout ici, je voudrai quand même mentionner le rôle que le camphre naturel joue dans l'Hindouisme. En plus de ses effets positifs sur le système respiratoire et nerveux, etc, la résine du camphrier est utilisée dans les rituels principalement lors de l'offrande de lumière que l'on appelle "ârati" ou "karpûra dîpa darshana". Les morceaux de camphre naturel allumés représentent les âmes individuelles qui dans le feu de la connaissance s'immergent dans l'Absolu pour ne laisser aucune trace. Le camphre artificiel que nous utilisons dans nos cérémonies modernes laisse toujours une trace noire mais pas le camphre naturel. Cela symbolise que le mental de l'individu ne cache plus rien, ni au niveau conscient ni dans son subconscient ; tout a été consumé dans le feu de la dévotion ou de la connaissance."
Voilà il s'agit de s'immerger dans l'absolu par une voie qui illuminera notre âme - sans laisser de trace.
Parmi les malheureuses inscriptions qui vandalisent l'oeuvre, royalistes et antisémites, une nouvelle intervention fit d'ailleurs suite à la volonté de l'artiste de conserver les graffitis comme une partie intégrante de l'oeuvre, critique interne, art et critique identifiés, confondus même, en quelque sorte, sans doute aussi une façon de spectaculaire intégré aurait dit Guy debord; en effet une consigne est proposée: on enjoint à l'artiste de respecter l'art à la façon dont il croit à son Dieu. Car de même que Serrano a de la religion, Kapoor lui, en a plusieurs."Je suis juif, musulman, chrétien et Hindou!"; excusez du peu.
"Respect the art as U trust God". Moi je répondrais : "Respect the art without God". Mieux: "Respect the art as U don't trust God". Enfin je le dis en français: "Respecte l'art comme tu crois au gode".
Venons-en justement à une fable de Renart.
Renart fabrique un con. À la cour du roi Conin. Il prit une bêche et creusa un trou. Puis avisa la crête du coq, l'arracha et en pourvut son oeuvre. Il arracha également le poil d'une autre bête. Voilà. Elle fut admirée par le roi.
Pour finir il faut laisser la parole au grand Diderot qui passe pour avoir inventé la critique d'art, et en effet il juge toujours une oeuvre d'art en fonction des associations libres qu'elle lui procure, suivant en cela sa définition du beau: "la perception des rapports est l'unique fondement de notre admiration et de nos plaisirs" (les rapports sémantiques et non les rapports plastiques - ne rêvons pas) : « J'appelle donc beau hors de moi, tout cequi contient en soi de quoi réveiller dans mon entendement l'idée de rapports ; et beau par rapport à moi, tout ce qui réveille cette idée ». Les peintres passionnés de rapport plastiques comme Braque resteront sur leur fin, il disait: "Seuls les rapports, je détache bien ce mot, me touchent. La peinture vivante ne s'établit qu'en fonction d'eux.
Rapports de formes, rapports de couleurs, cette qualité de l'espace entre les éléments. On supprime quelque chose
et tout devient beau, plus vrai, on ajoute quelque chose et tout est gâché. On peut inverser les donnes..."
Chez Diderot c'est le plus ou le moins de rapports qui fait l'intérêt d'une oeuvre, condensation des références personnelles ou paradigmatique distinctive des associations érudites pour atteindre l'intensité non-rétienne et bien littéraire.
Mais moi aussi je fais des assocations et établi des rapports; Marguerite Derrida me rapporta une anecdote au sujet de la double invagination chiasmatique des bords: Derrida, en en parlant lors d'un conférence, fixa un peu du regard une femme qui d'un seul coup se sentit étrangement visée...
Mais Diderot fit mieux il imagina un double trou du cul! Non dans une pièce de théâtre consacrée à une femme peintre, mais dans les Bijous indiscrets et en s'expliquant avec un sultan. Moi je le dis tout net: il faut que Kapoor recommence son oeuvre en s'inspirant de tous ces orifices, la tôle rouillée ne lui réussit pas, je lui conseille de méditer sur tout cela de façon à concevoir une autre oeuvre bien plus extraordinaire, lumineuse, réfléchissante, j'en ai déjà le vertige.
Eh bien il m'a écouté: Maintenant le vagin se couvre de fines feuilles d'or masquant délicatement les tags haineux et honnis. Quel artiste.
Et le doigt de Dieu vint effleurer la surface dorée pour y tracer le "BLAM", et de quatre. Le harcèlement anti-art contemporain va finir par faire époque et se substituer à lui: le vandalisme précèdant l'oeuvre... jusqu'à former avec elle un véritable dispositif.
Du reste Kapoor et autres me laissent en général de marbre: "beauté d'indifférence" dirait Duchamp. Tout ce qui n'est pas rétinien est "beauté d'indifférence". Il n'y avait rien à voir. Comme pour un readymade, on prend bonne note, on ne regarde pas.
Relisons le discours de notre Renart invité à la cour du roi Connin:
"Mon travail n'a aucune vocation décorative. Je veux le faire dialoguer avec l'œuvre de Le Nôtre, qui a ordonné la nature pour l'éternité avec des perspectives géométriques parfaites. Poser des objets de-ci de-là ne sert à rien. J'ai eu l'idée de bouleverser l'équilibre et d'inviter le chaos. Tout en préservant l'intégrité de ce lieu historique : voilà la principale difficulté. Je me suis permis une incursion à l'intérieur, dans la salle du Jeu de Paume, là d'où est partie la Révolution française, où ont été prononcés les mots "liberté, égalité, fraternité", un symbole du pouvoir encore imprégné d'une formidable tension. Face au tableau de David, j'ai placé un canon qui tire 5 kg de cire, une matière évoquant des corps en bouillie, dans un coin de la pièce. Un symbole phallique évident pour une installation controversée qui interroge sur la violence de notre société contemporaine."
J'ignorais le phallus accusateur au Jeu de Paume, pointé en direction du David. Soit: De la Boîte Brillo (Kapoor) à la boîte Briault, je vais vous dire pourquoi: c'est que sur la liste des élus du Tiers Etats que l'on peut lire au musée du Jeu de Paume, un homonyme, un certain Jacques Briault représentant la Sénéchaussée du Poitou aura été présent, il figure sur la liste affichée au mur. Aucun lien semble-t-il avec un de mes ancêtres, Claude Briault, né en 1811, mécanicien, peut-être ajusteur comme mon grand-père qui, lui, faisait tonner un petit canon de sa fabrication, le 14 juillet. Non: avec les bourgeois internationaux, artistes mondialisés, nous ne sommes jamais déçus par leur audace, toujours prompt à représenter le camp du Bien ou sa grande force impériale, artistes de l'Empire. Mais quand même: Kapoor aura finalement avoué que ses petites performances eussent été impensables à Buckingham Palace, vous savez dans ce pays qui a encore une reine, une religion d'Etat, etc. Cet homonyme, Jacques Briault, député de la Constituante, je l'aurais bien fait figurer dans le David, qu'il faudrait d'ailleurs reprendre en en faisant une copie, et le terminer, voilà le genre de travail que j'aimerais réaliser sur commande par exemple, et puis, l'inspiration me venant, pour faire bonne mesure, un petit portrait du Comité de Salut Public que l'on exposerait au château: chiche, madame la révolutionnaire Catherine Pégard, conservatrice de Versailles.
Suite du soap: le groupe révolutionnaire s'est offert un selfie, Kapoor et sa fine équipe, posant ainsi dans le Dirty Corner, le Cornucopia qui déverse du sens, on y voit les portraiturés faisant le signe du vagin, comme d'autres la figue, et ce au lendemain de la première dégradation, mais posté seulement aujourd'hui. Catherine Pégard n'y figure pas.
La folie du jour de Blanchot: invagination non-occlusive: "On m'avait demandé: racontez-nous comment les choses se sont passées "au juste". - Un récit? Je commençais: Je ne suis ni savant ni ignorant. J'ai connu des joies. C'est trop peu dire. Je leur racontais l'histoire toute entière qu'ils écoutaient, me semble-t-il, avec intérêt, du moins au début. Mais la fin fut pour eux une commune surprise. "Après ce commencement, disaient-ils, vous en viendrez aux faits." Comment cela! le récit était terminé."
Derrida: "Cela dessinerait une double invagination chiasmatique des bords:
A. "Je ne suis ni savant ni ignorant..."
B. "Un récit? Je commençais:
A'. Je ne suis ni savant ni ignorant..."
B'. "Un récit? Non pas de récit, plus jamais.""
Suit le dessin.
Derrida : "La loi du genre". J'ajouterai en l'occurrence, comme il se doit dans l'art contemporain : La loi du mélange des genres.