Thierry Labro (avatar)

Thierry Labro

Abonné·e de Mediapart

4 Billets

0 Édition

Billet de blog 5 juin 2013

Thierry Labro (avatar)

Thierry Labro

Abonné·e de Mediapart

Pour être dans le vent, investit au Kenya!

Thierry Labro (avatar)

Thierry Labro

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Un petit coin de paradis promis à la destruction. Dans le port de Lamu, classé au patrimoine de l'UNESCO, il n'y a pas de marins qui passent mais des pêcheurs alanguis qui regardent au loin sans se soucier de leur proximité avec les shebab, ennemis numéros un des garde-côtes et des autorités somaliennes et internationales. Ni même des appétits qu'ils aiguisent auprès de richissimes investisseurs occidentaux ou asiatiques.

Une zone dans le vent.

Au sens propre du terme. Mercredi 4 juin, un fonds d'investissement de la Banque mondiale IFC InfraVentures (100 millions de dollars, créée il y a cinq ans) et la société luxembourgeoise Electrowinds, ont annoncé avoir signé un accord de coopération pour un vaste projet de ferme éolienne à Mpeketoni, dont le montant des investissements varie selon les sources de 180 à 235 millions de dollars au total.

A vingt kilomètres du port, la ferme aura une capacité de 90 mégawatts, selon qu'elle sera dotée de 36 ou 45 turbines de 1,8 ou 3 MW.

Une guérilla entre investisseurs

Que Lamu puisse enfin être reliée au réseau d'électricité de ce pays d'Afrique parmi les plus prometteurs en terme d'éolien serait une bonne chose en soi si ce dernier "gentlemen agreement" ne cachait une guérilla à couteaux tirés.

Une guérilla? Le projet éolien n'est pas développé directement par la société luxembourgeoise, ni même par sa société mère basée en Belgique (ElectraWinds NV), mais par la filiale de cette dernière au Kenya, ElectraWinds Kenya Limited, créée en 1998 et dirigée par Eddy Njoroge, sous le contrôle de l'Agence nationale de management de l'environnement (NEMA). Cette filiale est pour l'instant la seule qui produise de l'énergie éolienne au Kenya. Mais produire de l'électricité est une chose et la mettre à disposition du consommateur en est une autre.

Or le réseau de distribution auquel les investisseurs espèrent bien pouvoir se connecter au plus vite... est chinoise. Pardon, kenyanne, la Kenya Electricity Transmission Company, aussi appelée "Ketraco". Mais la Ketraco finance le développement ultrarapide de son activité par la China Exim Bank, dans le cadre des projets de cette dernière en terme d'"électrification rurale". Des Chinois qui sont plus appréciés que les américains  si l'on en juge par les papiers d'ambiance de quelques journalistes...

Les Américains ne sont d'ailleurs pas très loin du gateau, bien que donnant souvent l'impression de moins s'intéresser aux énergies renouvelables. General Electric Energy of America a ainsi mis 100 MW de ferme éolienne à Turkana sur la table pour peser dans le débat tandis deux autres structures font aussi parler d'elles: les 300 MW d'un investisseur privé (norvégien et public) du Lake Turkana Wind Power Project - en fonction d'ici la fin de l'année prochaine - qui aura englouti 580 millions de dollars et les 50 autres MW de Prunus Energy, une société kényanne, derrière laquelle on retrouve les Australiens de SKM.

Après le vent, le port

Le temps presse à Lamu, dont la seule lumière provient d'un générateur de 2,4 MW qui tourne au diesel: il y a un an, les présidents kényan, Mwai Kibaki, et sud-soudanais, Salva Kiir, ainsi que le Premier ministre éthiopien, Meles Zenawi, avaient présenté un projet de ports à 32 postes d'accostage à vingt kilomètres de là.

D'un coût estimé à 24,5 milliards de dollars (18 milliards d'euros), le financement du projet pourrait être assuré par des gouvernements régionaux soutenus par des bailleurs étrangers comme la Banque africaine de développement, la Banque mondiale et la Chine, qui, a dit M. Kibaki, a déjà été "d'un extrême soutien", affirmait un confrère de VingtMinutes.

Les Soudanais du Sud y voyaient un bon moyen d'écouler le pétrôle dont leur sol regorge sans avoir à passer par l'infrastructure du Nord... Les Chinois des ressources supplémentaires pour leur insatiable appétit et un point d'entrée vers cette zone d'Afrique. Au diable les Shebabs et les habitants locaux qui comme à Abidjan, en côte d'ivoire il y a quelques dizaines d'années, s'énervent d'être les oubliés du festin. Et continuent de regarder au loin...

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.