A l’heure du sommet mondial pour le climat, COP 21, réunissant les grands de ce monde dans notre beau pays, et après une énième annonce de la hausse du nombre de demandeurs d’emploi, on serait tenter de faire un lien.
La même élite dirigeante (pour faire vite, l’oligarchie politique, économique, financière néo-libérale) s’occupe du chômage depuis en gros les années 80 (Rappel des chiffres du chômage : 5% de la population active en France au 1er trimestre 1980, 10,3 au 2ème trimestre 2015), comme elle s’occupe du climat depuis au moins aussi longtemps (1er sommet de la terre à Stockholm en 1972), avec peu de réussite, le moins que l’on puisse dire. De là à penser que la classed’en haut y trouve un certain intérêt, il n’y a qu’un pas que nous franchirons.
Un chômage de masse ne représente-il pas un formidable moyen de pression à l’égard des salariés? C’est connu. Tu te plains de tes conditions de travail alors que tu touches royalement un smic pas si mérité: Dehors petit, d’autres seront moins sourcilleux que toi!
J’entends d’ici: Que faites-vous de la crise? Le chômage n’est pas une création diabolique, il est la conséquence de la crise. Ah bon. Depuis le choc pétrolier de 1973, la production de richesse a prodigieusement augmenté et les inégalités aussi! (Doublement du PIB mondial de 1973 à 1998; re-doublement de 1998 à 2010.lire T. Piketty, le capital au XXIe siècle pour les inégalités)
La fée technologie, si convoitée, et en particulier ses deux filles préférées, la mécanisation et la robotisation, a-t-elle contribué à réduire le chômage? Non. On aurait bien voulu nous faire croire que les emplois supprimés par les robots seraient remplacés par des emplois mieux qualifiés et moins pénibles, le compte n’y est pas.
De nouveau la question parée d’incrédulité de nos adversaires: Voudriez-vous revenir à la charrue tirée par un cheval? Non. Un vrai travail, dur, partagé et valorisant vaudra toujours mieux qu’un travail débarrassé de sa pénibilité, mais au final dégradant par l’isolement de la personne, les cadences infernales ou l’absence total d’intérêt des tâches à opérer.
Pourquoi nos dirigeants ont-ils toujours recours aux machines, s’ils savent maintenant qu’elles ne vont pas combattre le chômage? Vous connaissez peut-être la réponse? Parce que c’est bon pour l’investissement, donc pour la croissance économique, le PIB, la bourse, la finance. D’autres réponses sont possibles! Le chômeur dans toute cette valse? Il n’a qu’à investir dans les nouvelles technologies.
Revenons au climat. Quel peut être le point commun entre celui-ci et le chômage?
La fée technologie, encore. Il faut réduire de manière drastique les dégagements dans l’atmosphère de gaz à effet de serre, afin que la température globale de la terre ne dépasse pas 2°c de plus que celle mesurée avant la révolution industrielle. (On en est déjà à presque 1°c de plus)
Pour cela, nos oligarques zélés ne nous proposent pas d’autres solutions que plus de technologies. Des puces dans les voitures pour qu’elles polluent moins (oh le mauvais esprit), des batteries plus performantes pour toujours plus de voitures mais électriques, du nucléaire hypothétique en mode fusion pour fermer les centrales à charbon, des réacteurs d’avion plus sobres pour toujours plus de miles dans le ciel, des phytoplanctons pour remplacer le pétrole, des communications internet pour moins de déplacements physiques, via des datacenters dévoreurs d’énergies pas du tout virtuelles…
Nous nous arrêtons là. Nos dirigeants ne seraient-ils pas en train de se tromper? Pour ne pas dire nous tromper? N’y aurait-il pas des solutions moins prométhéennes?
Nous croyons plutôt qu’il faut changer de paradigme! La logique purement économique d’une production croissante de biens matériels, qui puiserait davantage dans nos réserves finies de matières premières et d’énergies non renouvelables est aberrante au mieux, sinon mortifère. Étrange de devoir sans cesse rabâcher ces évidences. Passons.
Ceux qui croient que les énergies fossiles pourront un jour être remplacées par des énergies renouvelables dans les mêmes quantités astronomiques, sont ignorants ou inconscients. Même si un jour lointain, l’homme invente une énergie propre, infinie, inépuisable (d’ailleurs, faut-il le souhaiter?), nous sommes aujourd’hui fasse à une urgence!
Nous serions en train de tomber en chute libre et nous prierions pour que l’un de nous invente et produise en vitesse une quantité industrielle de parachutes pour nous sauver tous! Magnifique.
Nous proposons de descendre du tabouret du progrès. Ou du moins, choisir un tabouret moins haut, donc plus stable, plus durable, duquel nous pourrions nous rattraper en cas de chute. Le principe de précaution dans toute son horreur et sa couardise, entonnent ceux d’en face.
Changer de paradigme? Oui, changer de système. Passer de celui du tout économique et du profit roi, quelque soient les conséquences environnementales ou humaines, à celui de l’économie du partage, de la sobriété nécessaire et du retour serein à la terre.
Moins de croissance économique pour le climat, alors plus de chômage? On est bien avancé. Non. La question de l’emploi doit être débrayée de celle de l’économie de « production », idem pour la problématique climatique. De même qu’il est faux de croire que la croissance économique peut réduire le chômage, (en tout cas dans le long terme), il est vain, voire absurde, de croire qu’elle pourra assurer les moyens d’investir dans le «développement durable». La terre a besoin de sobriété en tout, la croissance à tout prix n’apparait non pas comme la solution mais comme le problème.
La classe d’en haut aurait-t-elle intérêt à ce que le thermomètre planétaire s’emballe comme elle laisse le chômage prospérer? D’une certaine façon, oui. Prospecter du pétrole dans les régions arctiques en prise au dégel, c’est tentant… Pas seulement. Le cynique dirait qu’ils seront les moins exposés à ses conséquences et ceux qui auront les moyens d’y faire face. Mais surtout, il y a tant de profit et de privilège à perdre dans cette décroissance nécessaire et inévitable que le climat peut bien attendre un peu.
Vous excuserez (peut-être pas) la rapidité de l’argumentation ou bien le ton péremptoire, parce qu’il y aurait tant à dire et de façon plus nuancée ; la réalité étant infiniment complexe. Pour autant, ne jetez pas bébé avec l’eau du bain.
Une fois débarrassé de la bonne parole médiatique dominante, des habitudes consuméristes quotidiennes, du conditionnement constant et partout par les pubs, alors ces mots apparaitront sans doute moins dogmatiques, plus raisonnables et moins idéalistes.
Plus facile à dire qu’à faire: alors au boulot! Mais d’abord, tu recycles ton écran plat en table de salon, tu n’achètes rien à noël, tu dessines des moustaches sur les affiches.
Thierry Moulun