On se fout de démontrer qu'un migrant pique ou non son travail, ou son logement à un Français; la seule réalité qui compte c'est ce que pensent les gens que le RN séduit, et ce n'est pas par une argumentation cartésienne, même vraie, qu'on va résoudre un problème qui est de l'ordre de la souffrance et de l'affectif. Donnons un travail, un logement et des conditions de vie décentes à nos 10 millions de pauvres et il n'y aura plus de problème avec les 500 000 personnes en situation irrégulière et le plus souvent exploitées, et il n'y en aura pas plus avec les 170 000 demandes de régularisation, ni-même avec le rapprochement familial qui est quand même le gros morceau avec 90000 personnes. La base du débat c'est bien nos 10 millions de pauvres qu'on incite à vivre l'immigration comme une concurrence et une injustice. Réduisons la pauvreté et on réduira d'autant le débat sur l'immigration.
Il faut noter que le ministère de l'intérieur chiffre à 500 000 le nombre de clandestins et demandeurs sur le sol français, quand la Cimade ne les estime qu'à 400 000. Noter aussi que sur les 170 000 demandes de régularisation annuelles, 30 000 en moyenne sont accordées et 30 000 demandeurs sont expulsés. Ce qui laisse un solde de 100 000 personnes clandestines par an qui par addition fondent les fantasmes du RN, quand en fait cette population fluctue, va, vient, tente sa chance ailleurs ou rentre au pays et que le stock de clandestins reste en fait stable à 500 000 (estimation). Un chiffre est sûr qui est celui de l'aide médicale d'état (AME) de 318 106 bénéficiaires en 2019, sachant que tous les clandestins n'y recourent pas. La problématique de l'immigration semble bien en fait 500 000 personnes par an entre nouveaux demandeurs et clandestins quand la pauvreté en France à moins de 1060€ par mois c'est 10 millions de personnes. On peut considérer la différence de taille des débats. Pour des chiffres impartiaux, je suggère de se référer à cette source, mais de se préoccuper des chiffres de 2019, ceux de 2020 étant impactés par les mesures sanitaires. https://www.vie-publique.fr/en-bref/278205-immigration-les-chiffres-pour-lannee-2020. On peut noter quand même 40 000 visas économiques qui peuvent paraître étonnant quand on a 9 millions de chômeurs, mais encore faudrait-il avoir une analyse qualitative des emplois acceptés quand la législation est déja très répressive sur le sujet, n'acceptant des visas que dans une liste de métiers sous tension. https://www.keljob.com/articles/la-liste-de-metiers-ouverts-aux-etrangers-se-reduit. On notera aussi le chiffre du regroupement familial qui inquiète tant l'ED de 90 000 visas. Néanmoins contrairement aux fantasmes qu'on entend souvent, la loi ne prévoit le regroupement familial que pour les conjoints et les enfants, ce qui apparaît sur un plan humain et humaniste difficilement contestable. https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F11166 Autre chiffre intéressant: au total, les descendants directs d'immigrés représentaient ainsi 7,5 millions de personnes en 2018, soit 11,2% de la population totale. https://www.lefigaro.fr/actualite-france/2018/06/19/01016-20180619ARTFIG00310-les-chiffres-de-l-immigration-en-france.php
https://www.insee.fr/fr/statistiques/3633212
https://www.senat.fr/rap/r05-300-1/r05-300-111.html
Je rappelle qu'en vertu de notre constitution et des déclarations des droits de l'homme qui les fondent, l'état est tenu de fournir un travail correctement rémunéré à chacun (art 5 du préambule de notre constitution) et les moyens d'une vie décente à ceux qui ne peuvent plus travailler ou sont à la retraite. La pauvreté comme le chômage qui la fonde sont donc anticonstitutionnels. Je rappelle aussi que le SMIC à 1250€ nets par mois ne permet pas une vie décente si on se réfère au revenu seuil de l'exclusion sociale déterminé par l'ONPES à 1424€ par mois pour une personne seule. Il est quand même étonnant de voir comment les chiffres du chômage se juxtaposent avec ceux de la pauvreté parce que chômage, halo du chômage et emplois précaires c'était 8 millions de personnes en 2019 avant la pandémie.
Maintenant si on se réfère à l'argument de la criminalité, on note que près de 25 % de la population carcérale est étrangère par rapport à 12% d'étrangers dans toute la population. https://oip.org/analyse/etrangers-detenus-derriere-les-chiffres-de-la-sur-representation/ Mais d'après certains il y aurait surreprésentation en fait des enfants français issus de l'immigration arabe et africaine, et je n'ai pas pu trouver de chiffres, puisque les statistiques ethniques sont interdites. Néanmoins, il me semble évident que le problème de la délinquance est aussi celui de la pauvreté avec une politique de la ville indigente de 95 milliards en 25 ans, avec le recul des services publics et notamment de l'éducation nationale et des associations dans les zones pauvres, la ghettoïsation, le chômage. On ne se donne plus les moyens de l'égalité des chances, et on laisse se créer par abandon des zones de non droit dans les banlieues dont profitent les salafistes. C'est donc toujours à mon sens le refus de l'état de lutter réellement contre la pauvreté qui est cause de tous ces désordres qui divisent, fracturent la société et font le miel de l'extrême droite. Si on étudie la population carcérale sous l'angle social, on trouve 80% de gens sans le baccalauréat, plus de la moitié sans emploi et 40% en addiction. https://oip.org/en-bref/qui-sont-les-personnes-incarcerees/ . Il apparait donc incontestable que c'est bien la précarité qui est facteur de délinquance, bien plus que la nationalité. Si il y a un rapport entre nationalité et délinquance c'est du fait que les immigrés occupent les couches les plus défavorisées de la population et la preuve que notre politique d'intégration est défaillante.
Quant à l'argument de l'incompatibilité de l'islam avec la société française, il est battu en brèche par le fait que seule une partie radicale des salafistes exige l'application de la charia en France, les autres musulmans ne se préoccupant pas de lier religion et politique et vivant leur foi tranquillement. Ce seraient donc en fait entre 4000 et 11000 individus radicalisés qui poseraient ce problème, bien loin des 4 millions de musulmans sur le sol français. https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2015/11/25/pourquoi-il-ne-faut-pas-confondre-le-salafisme-et-le-takfirisme_4817042_4355770.html
Un autre argument récurrent des adversaires de l'immigration est celui de son coût pour les finances publiques. Si la cour des compte et le sénat chiffrent à plus de 6 milliards ce coût, http://www.senat.fr/rap/l20-138-316/l20-138-3161.html#:~:text=Le%20co%C3%BBt%20estim%C3%A9%20de%20la,milliards%20d'euros%20en%202021 . Il semble bien qu'il soit un peu sous-estimé, car la majeure partie des autres études donnent des estimations argumentées bien plus hautes. https://www.causeur.fr/immigration-france-cour-des-comptes-176708. Néanmoins on peut aussi trouver une argumentation inverse https://www.cairn.info/revue-projet-2013-4-page-22.htm. Difficile donc de se faire une idée précise et juste, tellement tout le monde a intérêt à mélanger les chèvres et les choux en fonction de son idéologie.
Le but du propos est de démontrer qu'on peut arriver à un consensus avec ceux qui sont partisans de la préférence nationale et entendent que la priorité doit aller à nos 10 millions de pauvres. Je ne veux pas rentrer avec ces gens-la dans une discussion frontale qui n'a aucune chance d'aboutir donc je préfère convenir avec eux que "chacun chez soi" est une bonne formule, d'autant que les migrants ne risquent pas leur vie pour faire du tourisme mais pour la sauver, ce qui est le droit de tout être humain. En conséquence, si mon interlocuteur convient que le problème des pays pourvoyeurs d'immigration, c'est leur misère, la guerre et d'une manière plus générale, l'exploitation qui est faite des ces pays par les multinationales qui aidées par leurs gouvernements soutiennent les dictateurs et leurs cliques et ruinent ces pays et en font fuir la population, alors la conclusion logique est d'accepter un droit d'ingérence humanitaire international pour pouvoir intervenir dans ces pays et résoudre ces problèmes. Si je peux faire concevoir à mon interlocuteur qu'on ne peut faire cesser les migrations forcées qu'en assurant le respect à une vie décente et en paix de chacun chez lui, je change le sens du débat et on ne débat plus de la préférence nationale, mais de politique internationale. Cela aussi change le débat sur le rapprochement familial (90 000 personnes) si on considère que des gens pouvant travailler et vivre décemment chez eux ne souhaiteront pas s'installer en France et y faire venir leur famille. Ce n'est pas moi que ça dérangerait, mais le but n'est pas de m'affronter sans aucune chance de convaincre avec ceux qui sont dans cette pensée, mais d'essayer d'affaiblir l'importance de leur argument pour trouver un consensus. C'est pour cela aussi que je suis d'accord avec eux sur l'expulsion des étrangers condamnés pour délinquance et encore plus des salafistes qui plaident la violence. Qu'un salafiste plaide pour l'application de la charia c'est son droit à l'expression, mais si il plaide pour imposer la charia contre la loi, il doit être expulsé si il est étranger parce que dangereux pour l'ordre public ou écarté si il est Français. Quant à la déchéance de nationalité proposée par Zemmour, on peut en faire la concession que dans le cas où il n'y a pas de famille, parce que la famille n'est pas responsable. Le sujet est un bâton merdeux qu'on ne sait par quel bout prendre sans se salir, néanmoins il faut accepter des concessions pour pouvoir avancer dans le consensus.
Il faut aussi accepter l'argument de ceux qui veulent conserver la tradition de leur société, ceux qui se sentent mal à l'aise de trop de djellabas ou de voiles et qui préfèrent les églises aux mosquées. C'est un argument de l'ordre de l'émotion et on ne peut le contester. Que ce ne soit pas le notre est une chose, et on peut s'en expliquer mais on ne peut affronter un argument qui a sa propre légitimité. On ne peut rentrer dans un affrontement où il n'y a pas de vérité unique pour imposer la sienne, parce que le conflit est inévitable. Dans ce cas, il me semble que la démocratie est d'accepter un référendum sur le sujet, mais un référendum qui soit organisé par une convention citoyenne après débat public pour éviter d'être manipulé et instrumentalisé.
La recherche d'un consensus n'implique pas de rejeter les migrants, mais de les accueillir le temps qu'ils puissent rentrer chez eux, en sécurité, pour y trouver les conditions d'une vie décente. C'est le souhait de la plupart des migrants, mais aussi de la plupart des travailleurs immigrés qui préfèreraient largement travailler dans leur pays et ne pas avoir à faire venir leur famille. Je ne pense pas qu'il soit utile de préciser combien le déracinement peut-être douloureux et combien beaucoup préfèreraient l'éviter si ils en avaient la possibilité. A preuve, que malgré la demande d'asile de 170 000 migrants chaque année, la régularisation de 30 à 35 000 et l'expulsion de 30 000, on estime entre 300 et 500 000 la population d'étrangers en situation irrégulière, impliquant donc qu'en fait tous ne restent pas en France et que nombre tentent leur chance ailleurs ou repartent chez eux. https://www.vie-publique.fr/en-bref/272841-immigration-les-chiffres-pour-lannee-2019
Ma position personnelle, socialiste mondialiste, c'est que les droits de chacun doivent être respectés sur la planète et que chacun devrait être libre de s'installer la où il veut, sachant que cela résoudrait le drame et l'injustice des migrations forcées et que peu auraient vocation à s'installer ailleurs. L'humanisme ce n'est pas d'accueillir des travailleurs jeunes et pauvres, surtout dans des conditions aussi indignes que celles que vivent nos propres pauvres au fait de rajeunir et dynamiser la population active pour payer les cotisations sociales qui assurent les retraites de la population locale. L'humanisme c'est d'assurer le respect des droits de chacun sur la planète, quitte à devoir partager ce qui est nécessaire, donc en l'occurrence partager ressources et emplois pour que chacun puisse vivre en paix là où il veut.
Bien sûr que la xénophobie fait son lit sur la pauvreté et la sensation d'injustice et de concurrence qui affecte nos propres pauvres. Il est bien évident que le problème de ces 500 000 immigrés est peanuts par rapport aux 10 millions de pauvres de ce pays et que si il n'y avait pas cette pauvreté, il n'y aurait pas de problème d'immigration, mais je ne peux contester la peur voire le sentiment d'injustice que ressentent les plus pauvres face à ces migrants qui viennent grossir leurs rangs et dont ils ressentent qu'ils vont diminuer leur part des aides sociales et augmenter leur difficultés à trouver un logement et un travail. Bien sûr que cette peur est vaine et que le problème ce n'est pas 170 000 malheureux qui arrivent chaque année, mais 10 millions de malheureux plus 500 000 étrangers pauvres. Mais nier cette peur et diaboliser le débat sur l'immigration au lieu de chercher à le réduire et mettre en évidence que le problème est celui plus général de l'injustice et de la pauvreté est contre-productif. La xénophobie et le racisme font souvent leur lit sur la concurrence entre populations pauvres. Cf l'histoire du racisme aux USA entre petits blancs pauvres et noirs fraichement libérés et en concurrence économique.
La conclusion est bien que c'est le libéralisme qui crée les conditions de l'immigration et de l'affrontement et que c'est du libéralisme et de la violation de nos droits dont il faut débattre principalement et non de l'immigration qui est en fait un sous-débat dont on peut assez facilement réduire la portée. C'est sur la lutte contre le libéralisme et pour une société démocratique qu'il faut s'accorder si on veut pouvoir changer de modèle de société. L'affrontement gauche vs extrême droite est idéologique et obsolète et en faisant diversion et division il favorise le maintien du système libéral actuel et la disparition de notre modèle social. Il faut accepter de dialoguer et faire des concessions sur ce sujet de l'immigration qui sépare en fait les antilibéraux de droite de ceux de gauche. . Je vais donner un exemple récent qui est le débat Zemmour vs Mélenchon. Mes copains RN qui ne peuvent pas sentir Mélenchon par idéologie primaire comme des LFI ne peuvent sentir les Le Pen ou Zemmour sont venus me faire des cocoricos, estimant que Zemmour avait gagné parce qu'il avait résisté à Mélenchon. Je n'ai pas attaqué avec eux, les arguments que n'a pas enfoncés Mélenchon et qu'on a revisités plus haut, je leur ai simplement fait remarquer que la sortie de Zemmour sur l'obésité de notre système social signait son libéralisme et le retour à l'habituelle politique d'austérité, donc stagnation de leurs pensions et toujours moins de services publics et plus de privatisations. Ils n'avaient même pas fait le lien, tout à leur vision d'un débat combat de boxe et c'est bien là la preuve de la plus grande erreur stratégique de Mélenchon dans ce débat, à moins qu'elle ne soit volontaire, de ne pas avoir stigmatisé cette posture libérale de Eric Zemmour. Accessoirement, j'ai fait regagner des voix à Marine. :o) Ma position personnelle, socialiste mondialiste, c'est de concevoir que je ne pourrai rien changer si je ne convainc pas partie des 25% d'absentéistes et 35% d'extrême droite qui forment un réservoir de voix potentiel de s'unir sur un programme commun Européen démocratique contre le libéralisme de l'Europe et notamment de Macron chez nous. AEC peut à mon sens être une excellente base de négociation, parce que toutes ses propositions sociales ne seront pas contestées par des gens qui restent socialistes, même si nationalistes. Avec 90% de gens qui gagnent moins de 3000€ par mois, la France est un terreau de l'antilibéralisme et il faut tous qu'on soit bien cons pour toujours élire par défaut un candidat libéral au fait de faire obstacle à un candidat de gauche ou d'extrême droite.