Interview de Philippe MARTINET, secrétaire maréchal de la C.G.N.T. (Confédération Générale du Non Travail).
Qui êtes-vous Philippe MARTINET ?
Je ne suis pas le seul patron de la CGNT : c’est un syndicat démocratique où tout le monde m’écoute et me suit. Mon objectif est de rependre la première place syndicale du secteur privé et dans la fonction publique et ce, à tous prix.
En parlant de prix et sachant qu’en 2015 vous avez pris la place de votre prédécesseur, jugé trop dépensier : Combien gagnez-vous Philippe MARTINET ?
La CGT aurait déboursé 130.000 €uros pour la rénovation de l'appartement de fonction de Thierry LEPAON, son secrétaire général, sachant que les syndicats sont financés entre les 2/3 et les 3/4 par les entreprises [qui achètent ainsi une sorte de paix sociale] ou l'Etat : ce sont donc les cotisations et les subventions de l'Etat qui, indirectement, payent salaire et logement !
Je suis rémunéré par la fédération de la métallurgie : 4.230 €uros par mois, primes et treizième mois inclus. Voilà la vérité malgré les calomniateurs qui prétendent que mon syndicat sait être généreux avec ses cadres et avec son secrétaire maréchal, grâce à des montages alambiqués. Je suis élu et rémunéré à sa juste valeur pour « défendre » les travailleuses et les travailleurs.
Ma politique est de généraliser le passage aux 32 heures de travail par semaine soit quatre millions d’emplois supplémentaires. Et c’est encore plus vrai, dans l’après conconvirus.
Je vous annonce que nous allons continuer le combat. Vive la CGNT !
On a cependant l’impression que vous avez troqué la « lutte des classes » pour la lutte des places », quel qu’en soitle coût pour les salariés ?
Les deux, mon général. Nous sommes en première ligne face au capitalisme. Dans notre lutte pour les Retraites, si les choses s’étaient passées sans mobilisations, les débats seraient restés “confinés“ dans les concertations, et les citoyens n’y auraient été associés d’aucune manière. C’est parce que nous ne lâchons rien que Macron a dû annuler sa réforme injuste. Vive la CGNT !
Le conconvirus serait donc votre allié ?
Nous n’avons besoin de personne : la réforme des retraites a marqué le retour sur le devant de la scène des organisations syndicales, depuis notre dernière grande victoire, en 1995. Et la CGNT a ainsi pu à cette occasion “reprendre la main“ car nous sommes les seuls à nous opposer aux infâmes mesures gouvernementales pour le bien de tous. Vive la CGNT !
Revenons à l’actualité : qu’est-ce qui vous préoccupe le plus dans cette crise ?
Aujourd’hui, l'économie prime avant la santé pour le gouvernement. Nous avons de nombreux témoignages de salariés qui n'ont pas encore les protections indispensables pour continuer à travailler face à la crise sanitaire. Heureusement, on ne cède pas. Vive la CGNT !
Il y en a toute une partie qui sont encore au travail et ne devraient pas l'être, notamment dans l'industrie. Il n'y a « nul besoin » de fabriquer des bateaux, des avions et des voitures ! La CGNT ne voit pas l'utilité de ce genre de produits en ce moment !
Mais quid de la santé financière des salariés ?
Alors que la santé des citoyens et des travailleurs est notre première préoccupation ;
le gouvernement et le Medef profitent de cette crise pour demander beaucoup de sacrifices aux salariés. Cette crise fragilise encore plus leurs droits, notamment en matière de congés et de temps de travail. Mais nous serons toujours présents pour eux. Vive la CGNT !
Pour vous, le travail est un sacrifice ?
Absolument pas ! La décision de justice est intervenue suite à notre procédure en référé.
Nous avons donc obtenu gain de cause, car les mesures sanitaires mises en place n'étaient pas suffisantes pour assurer la protection des salariés face au conconvirus sur le site.
Le juge a estimé que l'entreprise a, de façon évidente, méconnu son obligation de sécurité et de prévention de la santé des salariés.
C’est donc une grande victoire pour les travailleuses et les travailleurs, grâce à la CGNT !
Mais tous les syndicats n'adoptent pas la même ligne sur la question de la reprise du travail. La CFDT et Force ouvrière jugent par exemple cette décision "infondée". N’avez-vous pas fait exploser l’unité syndicale ?
Nous n’avons pas peur de déplaire ! Nous combattons seul pour la « justice sociale ».
Nous avons gagné face à Amazon et Renault. Le père fouettard que je continue d’être, fera toujours face aux puissants pour la sécurité de ses ouailles. Vive la CGNT !
Un protocole sanitaire a bien été validé dans le groupe Renault, y compris à Sandouville. Et les autres centrales trouvent cette décision de justice à la fois incompréhensible et infondée par rapport aux mesures mises en place, qualifiant votre posture d’irresponsable ! Que leur répondez-vous ?
Honte à eux. Les adhérents de la CGNT attendent que l’on se distingue des syndicats dits "réformistes" qui collaborent avec nos ennemies, le Médef et l’Etat. Les décisions de justice nous donnent raison. Vive la CGNT !
La CFDT dénonce « une démarche politique » et s'inquiète pour le futur du site où travaillent près de 2.000 personnes et plus de 700 intérimaires. Pensez-vous avoir raison ?
Tout à fait. Pour preuve, nous avons versé aux débats des attestations de plusieurs membres du CSE qui affirment ne pas avoir eu connaissance de l'existence d'une adresse mail professionnelle à leur nom ou ne pas y avoir eu accès depuis leur domicile, de sorte que leur convocation ne leur pas été remise de manière effective ». Le tribunal en a justement déduit que la convocation est « irrégulière ». Vive la CGNT !
Vos adversaires dénoncent une nouvelle mauvaise foi de votre part : les CGNTistes étaient bien présents et informés à toutes les autres réunions de l'usine. Qui a tord ?
NOUS AVONS RAISON. La CFDT clame qu’il faut “valoriser le dialogue social de proximité et sortir des rapports de force stériles” mais il n’y en a pas eu car nous avons quitté les lieux pour protester. En effet, il est de notre responsabilité de veiller à ce que tout salarié puisse exercer son droit de retrait en l’absence de protection ou face à un danger imminent. Vive la CGNT !
Vous préférez donc fermer des usines et empêcher la reprise du travail ?
C’est une vision étroite et totalement dépassée. Nous le crions “haut et fort“ ; il faut protéger la vie ! Je rappelle que les travailleurs paient déjà un lourd tribut y compris financièrement dans cette crise sanitaire. Beaucoup de voix s’élèvent pour dire que nombre de métiers en première ligne, que ce soit dans l’agroalimentaire, le commerce, l’aide à la personne, les soins ou le médicosocial, les services de ramassage des déchets (...) ne sont pas payés correctement et reconnus dans leur travail, alors que ce sont eux les « premiers de cordée ». Vive la CGNT !
Pourtant, tous les autres syndicats vous accusent d'appliquer la politique irresponsable de la chaise vide. Et qu’au final, salariés et intérimaires sont pris en otage par la faute de la CGNT. Croyez-vous véritablement que votre combat soit juste ?
Bien sûr. Le site de Sandouville avait repris partiellement l'activité le 28 avril après l'avoir arrêtée le 16 mars dernier à cause de l'épidémie du Covid-19, puis a stoppé net la production jeudi 7 mai car les mesures sanitaires n’étaient pas satisfaisantes. Un point, c’est tout !
Que pensez-vous alors des mesures prises par le gouvernement à l’aune de la situation ?
INEFFICACES ! Le gouvernement communique beaucoup sur le chômage partiel, mais là encore ce sont les entreprises qui seront remboursées à 100%. Avant la crise, un employé qui était au chômage partiel touchait déjà 84% de son salaire. Donc, il n’y a pas de réelles nouveautés. Lorsqu’on analyse le dispositif mis en place, on se rend compte qu’il s’agit soit de suspendre des mesures que l’on a déjà condamnées avant la crise, soit d’appliquer à la place des mesures déjà existantes. Il faut aussi mettre les assurances à contribution. Vive la CGNT !
Pensez-vous qu’il y aura « un avant » et « un après » conconvirus ?
On va se battre pour. On travaille sur un document qui mettra en évidence les enseignements de la crise. Il met malheureusement en lumière les nombreux éléments sur lesquels on avait alerté avant l’épidémie du conconvirus et pour lesquels le gouvernement nous riait au nez. Par conséquent, nous appelons tous les citoyens à préparer « le jour d’après ». Pour que demain ne soit plus comme hier. Vive la CGNT !
Nous vous livrons en exclusivité quelques pistes :
- relocalisation des activités, dans l’industrie, dans l’agriculture et les services, permettant d’instaurer une meilleure autonomie face aux marchés internationaux et de reprendre le contrôle sur les modes de production et d’enclencher une transition écologique et sociale des activités ;
- réorientation des systèmes productifs, agricoles, industriels et de services, pour les rendre plus justes socialement, en mesure de satisfaire les besoins essentiels des populations et axés sur le rétablissement des grands équilibres écologiques ;
- établissement de soutiens financiers massifs vers les services publics, dont la crise du coronavirus révèle de façon cruelle leur état désastreux : santé publique, éducation et recherche publique, services aux personnes dépendantes...
- une remise à plat des règles fiscales internationales afin de lutter efficacement contre l’évasion fiscale est nécessaire et les plus aisés devront être mis davantage à contribution, via une fiscalité du patrimoine et des revenus, ambitieuse et progressive.
Alors, quelles seront vos prochaines actions ?
Continuer la lutte finale. Favorable à une reprise de travail seulement dans les entreprises où c’est nécessaire : santé, agro-alimentaire, logistique, énergie. Empêcher la reprise du travail dans tous les autres cas. Vive la CGNT !
Que prévoyez-vous alors que les français sont en déconfinement depuis une semaine ?
Une grande grève nationale …
Un sacré coup de martinet !
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Né le 01/04/1961 à Suresnes ;
Profession : sans ;
Hobby : s’opposer ;
Surnom : le père fouettard ;
Signes particuliers : syndiqué professionnel depuis 1984 ;
Ex-membre des jeunesses communistes du travail, ex-membre du PCF, ex-délégué central CGT chez Renault, ex-secrétaire général de la Fédération des Travailleurs de la Métallurgie, préside la CGNT depuis 2015.