1/ Les camerounais sont divisés
Pour se maintenir, les créatures (le système) ou le créateur (l’actuel locataire du palais d’Etoudi) ont utilisé plusieurs ficelles.
L’une, fut le célèbre « diviser pour mieux régner » : les camerounais ont été montés les uns contre les autres selon leur appartenance ethnique. Cette méthode s’est avérée très efficace pour conserver le pouvoir. Cette fragmentation est si efficace que pouvoir et opposition, tous partis politiques confondus, l’ont utilisée. Résultat : le Cameroun contemporain ressemble plus à un agrégat d’ethnies se regardant avec méfiance qu’à une nation au sens « groupe humain assez vaste, qui se caractérise par la conscience de son unité et la volonté de vivre ensemble ».
L’autre, outil ayant prouvé son efficacité pour « allumer des contre-feux » fut l’acte consistant à faire des camerounais vivant hors du Cameroun des cibles. Cela s’est fait en disant que leurs critiques de la gestion de leur pays étaient des actes « antipatriotiques », un délit de « haute trahison populaire » a été créé, alimenté. Le processus de « déligitimation » de la diaspora a magnifiquement fonctionné de sorte que pour la majorité des camerounais vivant au Cameroun, résider hors du pays est une faute, voire un crime !
Résumons, pendant que d’autres aires géographiques et d’autres pays (y compris les ex-puissances coloniales) font des citoyens résidant hors du pays une opportunité, au Cameroun, les créatures ou le créateur ont diffusé dans l’imagerie populaire d’une part qu’il est interdit de vivre hors du Cameroun, d’autre part qu’émettre des critiques est anti-démocratique. La seule exception à cette règle est les footballeurs qui peuvent bien vivre hors du pays voire avoir plusieurs passeports, mais tout le monde feint de l’ignorer !
Notons aussi que le créateur est au pouvoir depuis 1982, en 36 ans, sa personne a fini par se confondre à celle du pays, ce « brouillage » ou cette « superposition » a des avantages, mais son principal inconvénient est : d’une part d’inciter certains acteurs politiques assumés ou non à utiliser l’injure envers la famille du créateur. D’autre part, de « sanctifier » le créateur, le rendant de fait incritiquable pour tout « bon citoyen ».
2/ Les camerounais n’ont pas de conscience politique
Conséquence du point précédent. Le vote est affectif au sens tribal. Le vote est parfois béat/désabusé/routinier. Ce dernier s’exprime par la célèbre phrase : « autant garder ceux qui ont déjà volé car eux au moins volent moins parce qu’ils sont déjà riches ! ». Quand on n’a connu qu’un président depuis 1982, comment concevoir le monde sans lui ?

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3/ L’actuel président n’a pas de porte de sortie
De nombreux électeurs et candidats estiment (à tort ou à raison) que le président en exercice est responsable et coupable de tous les morts survenus lors de manifestations politiques et assimilées depuis qu’il est au pouvoir. Ces personnes estiment que le président camerounais devra répondre des crimes qui lui sont reprochés devant la Cour Pénale Internationale ou toute autre juridiction. Autrement dit si cet homme d’au moins 83 ans descendait de charge, il deviendrait une cible, il le sait. Présentons les choses autrement : lequel d’entre nous lâcherait volontairement le pouvoir suprême en sachant qu’une fois qu’il redeviendrait un justiciable, il courait le risque d’être humilié ? A tort ou à raison, je demeure convaincu qu’aucun humain censé ne le ferait or le créateur est tout sauf insensé ! Alors pourquoi aurait-il envie de partir ?
Autre problème : rester au pouvoir si longtemps (« ce n’est pas qui veut, mais qui peut » a une fois dit l’intéressé !) implique de « contenir » les personnes voulant le siège présidentiel. Cette stratégie du « containment » a fait du Cameroun un vaste cimetière d’ambitions politiques réelles ou suspectées. « Nous créons nos propres démons » disait l’autre. « L’homme lion » a créé, beaucoup créé et il sait que ses « créatures » dont beaucoup sont aux enfers le traiteront comme il l’a fait (avec les mêmes égards) dès que l’occasion se présentera. Raison de plus pour ne pas quitter la barre !
4/ L’élection présidentielle camerounaise n’a qu’un tour
En fait, il serait plus exact de dire que le système électoral camerounais n’est pas conçu pour obtenir une alternance démocratique. Dans une élection à un tour, tout se joue en une fois. Les jeux d’alliance pouvant permettre d’orienter la politique d’un candidat ne peuvent pas avoir lieu. Ce système n’est pas fait pour qu’un résultat surprenant puisse sortir des urnes. Au risque de faire de faire de la politique fiction, il nous paraît évident que le créateur choisira son successeur et « passera le témoin » après avoir négocié une « bonne retraite ». Cependant, si les conditions de la « transition » avec son « illustre prédécesseur » (enterré à Dakar au Sénégal) qui font partie des légendes (réelles ?) urbaines au Cameroun étaient avérées, le créateur se douterait bien que son successeur pourrait … lui ressembler ! Dans ce cas, la seule option du créateur serait la mort au pouvoir.
5/ Le processus est complexe ... et verrouillé !
Pour dire le moins :
- Le fichier électoral n’a pas subi un audit impartial.
- Il est impossible de certifier que les instances assurant le décompte, la compilation et la publication des résultats peuvent effectivement travailler sans (forte) influence de l’exécutif.
- Les médias ne peuvent pas publier dans la soirée de l’élection les résultats provisoires à mesure qu’ils sont disponibles dans les bureaux de vote.
Bref, à moins qu'il organise volontairement son départ, le créateur restera en place après les élections du 7 octobre 2018.