Quand la politique française sur l'Afghanistan sera arrêtée, merci de nous prévenir. L'appel pressant de l'administration Obama à ses alliés de l'OTAN, pour que ceux-ci accompagnent l'effort américain (30.000 soldats de plus dès mars prochain), a une nouvelle fois souligné l'absence de ligne politique cohérente de l'Elysée. Washington aurait apparemment demandé à la France et à l'Allemagne de fournir chacun environ 1.500 soldats de plus sous l'égide de l'OTAN.
Mais, depuis plus de deux ans, c'est à un véritable ballet d'essuie-glaces que se livrent Nicolas Sarkozy et les principaux membres de son gouvernement. Un coup on refuse catégoriquement d'envoyer des soldats supplémentaires, une autre fois, parfois seulement quelques jours plus tard, on évoque la nécessité de renforcer les effectifs militaires sur place.
Petite revue des déclarations des uns et des autres depuis deux ans et demi:
26 avril 2007, Nicolas Sarkozy (en campagne électorale)
« Il était certainement utile qu'on les envoie, dans la mesure où il y avait un combat contre le terrorisme, mais la présence à long terme des troupes françaises à cet endroit du monde ne me semble pas décisive. (...) Si vous regardez l'histoire du monde, aucune armée étrangère n'a réussi dans un pays qui n'était pas le sien. Aucune ! »
03 avril 2008, Nicolas Sarkozy, à Bucarest
« La France est présente aux cotés de ses amis et de ses Alliés jusqu’à la victoire. Je dis au
Président Karzaï, il peut compter sur nous jusqu’à la victoire. (...) Il n’y aura de reconstruction et de paix en Afghanistan que si l’effort militaire est inscrit dans la durée. C’est pourquoi la France a pris la décision d’envoyer un bataillon supplémentaire dans l’est. Et la France prendra aussi le commandement de la région Centre à compter de cet été. »
15 octobre 2009, Nicolas Sarkozy dans une interview au Figaro
« La France n'enverra pas un soldat de plus. Ma conviction, c'est qu'il faut davantage de soldats afghans. Ce sont eux qui seront les plus efficaces pour gagner cette guerre, parce que c'est leur pays. »
26 novembre 2009, Hervé Morin, ministre de la Défense
« Il n'est pas question un seul instant d'augmenter (nos) effectifs.»
2 décembre 2009, Henri Guaino, conseiller spécial de Sarkozy
« La France prendra ses responsabilités dans cette affaire, elle aura une attitude responsable en fonction de l'évolution de la situation. (...) Pour l'instant aucune décision n'a été prise ni dans un sens ni dans l'autre, on va voir comment la situation évolue. (...) Ça n'a pas de sens de dire d'emblée à tout : non, non, non, jamais ».
2 décembre 2009, Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères
« Rien ne dit qu'il ne faudra pas ajuster à nouveau » le contingent français.
2 décembre 2009, Luc Chatel, porte-parole du gouvernement
« Le président de la République a rappelé ce matin (en conseil des ministres) qu'il était important de se donner le temps de la réflexion sur ce sujet. »
C'est donc bien la politique de l'essuie-glaces.
Si l'on lit entre les lignes des récentes prises de parole des membres du gouvernement, il semble que la France s'oriente vers un distinguo entre combattants et formateurs.Henri Guaino a précisé qu'« il n'y a pas d'intention pour la France d'envoyer des combattants supplémentaires ». Mais Bernard Kouchner a évoqué l'envoi de civils, de gendarmes et de techniciens. Et probablement aussi de soldats affectés à des missions de formation de l'armée et de la police afghane. Car si l'on peut faire une différence sémantique entre soldats-combattants et soldat-formateurs , sur le terrain, cette distinction n'existe pas. Les formateurs sont tout autant que les autres dans des zones dangereuses et ils participent à des missions aux côtés de leur pupilles afghans.
Aujourd'hui (mais attention, cela peut changer d'un instant à l'autre !), toute annonce ferme semble reportée au 28 janvier 2010, date d'une conférence internationale sur l'Afghanistan qui se tiendra à Londres. C'est « le temps de la réflexion » évoqué par Luc Chatel, qui semble surtout destiné à imaginer une politique de communication visant à faire croire qu'il y existe une continuité dans une politique qui n'en a pas.