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Billet de blog 19 mai 2011

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L'aubaine d'une plainte au civil contre DSK

Une dépêche Reuters tombée cet après-midi nous annonce: «Que Dominique Strauss-Kahn soit condamné ou pas à l'issue de la procédure pénale, la victime présumée pourra le poursuivre au civil pour tenter d'obtenir des indemnités.» Il est précisé, plus loin, que l'avocat de la plaignante n'a pour l'instant pas envisagé de le faire. Mais cela serait bien surprenant qu'il s'en prive. Surtout, c'est une formidable aubaine pour DSK.

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Une dépêche Reuters tombée cet après-midi nous annonce: «Que Dominique Strauss-Kahn soit condamné ou pas à l'issue de la procédure pénale, la victime présumée pourra le poursuivre au civil pour tenter d'obtenir des indemnités.» Il est précisé, plus loin, que l'avocat de la plaignante n'a pour l'instant pas envisagé de le faire. Mais cela serait bien surprenant qu'il s'en prive. Surtout, c'est une formidable aubaine pour DSK.

La plainte au civil est ce qui permet, aux Etats-Unis, aux plaignants de récupérer des dommages et intérêts, surtout dans les affaires médiatiques où l'accusé est fortuné. Ces plaintes sont quasiment toujours négociées entre les parties et couvertes d'un «non-disclosure agreement», un sceau du secret, qui fait que l'on ne sait jamais combien le défenseur a payé et à quelles conditions. Une plainte au civil n'est pas qu'un jackpot pour la plaignante, c'en est aussi une pour l'accusé, en l'occurrence DSK. Car une telle plainte ouvre un canal de négociation bien plus large que la plaidoirie binaire coupable/non coupable du pénal.

Un des meilleurs exemples récents est l'affaire du basketteur Kobe Bryant, en 2003, accusé d'avoir violé une employée de l'hôtel de luxe où il séjournait. Voilà comment cela s'est passé sur le plan judiciaire. D'emblée, Bryant a admis l'acte sexuel, mais en expliquant que la plaignante était consentante. Il est malgré tout inculpé au pénal. La procédure d'enquête suit son cours; les avocats de Kobe salissent autant qu'ils le peuvent la réputation de la plaignante dans la presse (et ils ne s'en privent vraiment pas, révélant détail sordide après détail sordide); une date est fixée pour le procès. Mais, juste avant les audiences, la plaignante refuse de témoigner, revient sur certains détails du viol. Le juge n'a pas d'autre choix que de relaxer Bryant avant le procès. Ce dernier fait des excuses publiques alambiquées à la plaignante, admettant avoir manqué de jugement.

En parallèle, au cours de l'enquête, la plaignante avait déposé une plainte au civil. Celle-ci s'est soldée par un arrangement à l'amiable, après le procès avorté. On ne connaît pas le contenu de l'accord, mais il comprend sans doute sans doute un bel accord financier. Cela peut donc très bien se passer à l'identique pour DSK: une grosse somme d'argent est versée après négociations au civil, les parties étant tenues au secret; la jeune femme retire sa plainte ou revient sur sa déposition; le juge est obligé d'abandonner l'affaire. DSK nie le viol mais avoue, au cours d'une déclaration publique avoir pu donner la mauvaise impression, qu'il n'aurait pas dû, etc. Les avocats de luxe de DSK n'ont pas été recrutés (que) pour leur verve dans l'enceinte d'un tribunal, mais surtout pour leur créativité et leur talent de négociateurs dans les longs mois qui s'annoncent.