En Italie, les Français ont la réputation d’être « nationalistes ». C’est en tout cas une des expériences que tout Français pourra aisément vérifier en échangeant quelques mots avec des Italiens. J’ai donc essayé, en quatre ans de vie à Rome, d’analyser cette critique répétitive, de me remettre en question et d’en déceler les possibles failles et vérités.
Comme c’est souvent le cas, les conversations commencent de cette manière :
-Tu es d’où ?
-Je suis Français.
-Ah oui, la France… alors tu es nationaliste.
-Oui sûrement si tu le dis.
Au début je ne comprenais pas. Quand je vivais en France, je ne m’étais jamais réellement posé la question : «Suis-je nationaliste ?». En Italie, je n’ai pas vraiment eu le choix. C’est l’étiquette qu’on m’a collé (heureusement pas la seule).
C’est seulement après plusieurs échanges de ce type que j’ai commencé à me demander ce que les Italiens entendaient pas « nationalisme ». Alors les conversations ont évolué:
-Tu es d’où ?
-Je suis français et nationaliste.
-Ah oui je sais, vous les Français vous êtes nationalistes.
-Mais tu veux dire quoi par nationaliste ?
-Ah ben tu vois tu es nationaliste, je te l’avais dit.
-Bon d’accord…
Coincé par un raisonnement emprunté à la dialectique hégélienne je n’avais d’autre choix que de me rendre. J’ai, par la suite, souvent réfléchi à cette notion de nationalisme. Je crois qu’à la base il y a une confusion totale entre deux notions : le patriotisme et le nationalisme. Le premier appartient au domaine du sentiment et le deuxième se caractérise par une vision politique et pragmatique d’un événement social. Évidemment les deux sont souvent liés.
C’est pour cela que l’on définit génériquement le nationalisme comme étant l’esprit commun d’une population qui souhaite l’agrandissement du pouvoir national. Il convenait de se demander quelle image je laissais transparaître en tant que français pour être ainsi assuré du titre de nationaliste.
Je ne crois jamais avoir été le porteur d’une théorie qui voudrait qu’un groupe contrôle le système de distribution dans notre société. Je me suis donc laissé dire que la réponse se trouvait peut-être dans l’attachement ou pas à un système social. Le système social français qui se rapproche plus du « welfare state » des démocraties scandinaves que le système italien de ce dernier, a-t-il un lien avec le nationalisme ? C’est probable même si je n’ai jamais obtenu de réponse concrète à ce sujet.
En suivant cette logique, les Italiens n’auraient donc pas développé cette « amour » pour la nation, cette dernière étant supposée le leur rendre. Je dis bien supposée. Mais le débat devient compliqué et de nombreuses questions restent en suspens.
Peut-on conclure que notre passé de pays colonisateur est en jeu dans la critique des Italiens ? Peut-on parler de nationalisme moderne emprunt de jacobinisme ? La théorie de l’intégration par l’assimilation a-t-elle sa place dans cette critique ? Le nationalisme est-il observable et mesurable ? La conversation pourrait suivre plus simplement son cours :
-Tu es d’où ?
-Je suis.
-Moi aussi.