Hier, le Président du Conseil a fustigé les magistrats italiens durant une assemblée de l’association patronale Confesercenti. Les mots emphatiques du « patron des patrons » ont une fois de plus frappé fort en comparant les hommes qui font la justice à « des métastases de la démocratie ». Le Cavaliere a bien sûr revêtu son costume de vilain petit canard avant d’affirmer que la justice italienne n’avait qu’un seul but : « le forcer à se démettre de ses fonctions ». Et même si cela était vrai, n’est-il pas normal que la justice exerce, en toute légalité, le pouvoir que le peuple a remis entre ses mains ? Seulement voilà, le peuple a aussi remis entre les mains de Berlusconi un autre type de pouvoir. La capacité d’assujettir les autres, de transformer leurs pouvoirs et de recréer une monarchie de droit divin là ou le souverain se joue des règles.
Dernièrement le Sénat a adopté un décret sur la sécurité dans lequel figure notamment la suspension des procès pour tous les crimes condamnés par moins de 11 ans de réclusion criminelle et commis jusqu’à juin 2002. L’enjeu est donc de taille pour Silvio Berlusconi. Grâce à ce décret rebaptisé ironiquement "Sauve-Berlusconi", le chef du gouvernement impliqué dans le procès Mills bénéficie d’une amnistie dans une affaire de corruption et dans laquelle il risque une condamnation allant jusqu’à six ans d’emprisonnement. L’enquête du parquet soutient toujours que Silvio Berlusconi a envoyé en 1997 600 000 dollars de récompense à l’avocat Mills pour ne pas avoir dévoilé, en qualité de témoin lors d’autres procès, des informations sur les sociétés extérieures du groupe Fininvest considérées comme « trésorerie occulte ».
Mais la tentative de délégitimer l’institution judiciaire a l’effet d’une bombe pour le syndicat des magistrats. Les juges se rebiffent et selon eux ce sont des mots qui visent « à discréditer le métier ». Berlusconi a pourtant insisté en affirmant que les magistrats étaient « politisés » et a tenté un dernier virage à gauche en déclarant que « si l'opposition ne comprend pas il n’y a plus de possibilité de dialogue, le dialogue vole en éclats ». En vain. De son côté, le leader de l’opposition, Walter Veltroni, présent à l’assemblée a déclaré en quittant la salle indigné : « ce n’est pas un problème de dialogue, c’est un problème de respect du propre rôle qui, dans le cas du Président du Conseil, n’existe pas ». La fragile écoute qui s’était instaurée au lendemain des élections d’avril 2008 entre Berlusconi et Veltroni est désormais rompue.
Depuis hier le Conseil supérieur de la magistrature Italien est entré en jeu et a présenté son avis sur le décret approuvé par la majorité. Le verdict est clair : le texte viole l’article 111 de la constitution sur le principe de durée raisonnable du débat lors d’un procès. La semaine prochaine le texte des rapporteurs du Conseil devrait être discuté en plenum.