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Billet de blog 31 mai 2008

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La Sapienza entre revival mai 68 et lutte anti-fasciste moderne

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La plus ancienne université d’Europe, La Sapienza à Rome, est depuis plusieurs jours le lieu de contestations politiques. Les premières échauffourées entre des étudiants et des militants de Forza Nuova (parti d’extrême droite) ont exhumé un mal qui nourrit les polémiques dans les milieux universitaires depuis plusieurs années. À savoir, faut-il autoriser dans les universités des organisations universitaires à caractère extrémiste, quel que soit leur bord politique, et qui peuvent contribuer à l'amplification d’un discours peu démocratique ?

C’est en tout cas ce que reprochent les étudiants de gauche à l’organisation Lutte Universitaire (proche de Forza Nuova) qui voulait organiser une conférence sur les foibe. L’autorisation avait été dans un premier temps accordée et enfin révoquée par la faculté de Lettres sous la pression des collectifs de gauche. Cette situation a soulevé de nombreuses réactions dans les rangs de Forza Nuova et de Lutte Universitaire. La révocation leur est apparue plutôt incongrue et injustifiée puisque l’université avait auparavant autorisé une conférence sur le même thème mais tenue par des collectifs de gauche. On se doute que la teneur du message aurait certainement été différente de celle proposée par les étudiants de gauche. Mais n’est-ce pas le principe même de la démocratie que de donner le droit de parole à tous ? C’est en tout cas la thèse que Guido Pascosolido, le président de la faculté de Lettres, avait toujours soutenu.

Les molosses de Forza Nuova auraient donc décidé de ne pas en rester là et d’aller rendre visite aux étudiants. Bien évidemment les versions des deux camps diffèrent. Les étudiants de gauche disent avoir été agressé violemment par les néo-nazis et les exposants de Forza Nuova affirment le contraire.

Après que quatre jeunes ont été hospitalisés et six autres arrêtés, le conflit n’était pas encore terminé. Il s’est littéralement transposé dans les instances bureaucratiques de l’université et notamment dans le bureau du président de la faculté de Lettres. Avant-hier, Guido Pascosolido et quatre de ses collaborateurs se sont enfermés dans leur bureau pour résister aux manifestants de gauche qui tentaient d’enfoncer la porte à coups de pieds. Les quatre ont été évacués par des policiers en civil en prenant la poudre d’escampette par une sortie annexe. Le chef de faculté affirme « avoir été séquestré ». Les étudiants démentent et continuent d’accuser Guido Pascosolido d’avoir « dédouaner » la présence de groupes extrémistes comme Forza Nuova à l’intérieur de l’université.

Cet événement n’est peut-être pas anodin parce qu’il explose en plein climat post-électoral tendu et marqué par la victoire des droites au Parlement et à la mairie de Rome. L’expulsion des Roms, le gouvernement espagnol qui ne mâche pas ses mots en inculpant l’Italie d’être « raciste » et dernièrement la lettre ouverte au Président de la République d’une jeune chercheuse italienne sur la notion d’intégration sont autant d’éléments qui devraient faire réfléchir les italiens sur la société qu’ils sont en train de construire.

La politique sécuritaire transforme le pays en un puits de peur et d’intolérance envers les migrants, les étrangers et les immigrés. L’Italie est moribonde et scindée en deux. Bientôt elle ne sera confrontée qu’à elle-même. Elle dépose un blâme sur ce qui fait la vitalité d’un pays sans chercher une solution durable à certains problèmes. Il y a comme une mauvaise odeur dans l’air.

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