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Billet de blog 5 novembre 2022

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Dépasser la diabolisation. Vers la non-dualité

En cette époque d’intenses révélations et transformations, la propension à voir des complots et à diaboliser ceci et cela s'accroît. Cette posture déresponsabilise et n’aide pas à relever les défis à l'ordre du jour ainsi qu'à enraciner de nouveaux paradigmes.

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Article publié dans Front populaire le 27/11/2022

Commençons par la diabolisation de la déconstruction, décriée comme la grande responsable de la perte des repères, d’une "dissolution" et d’une "fusion / confusion" ambiantes.
Mais quid de sa genèse, à savoir des besoins qu’elle a cherché à nourrir ?
Besoin de sortir des identités figées et rôles distribués à vie : homme / femme, couleur de peau, classe sociale etc.
Le besoin "d'abolir les frontières" procède d'une aspiration profonde de l'être humain à la communion, à la totalité, à l'infini. Les expériences de bonheur procèdent souvent d'une dissolution des obstacles et des cloisonnements. Les psychologues et les poètes célèbrent la liberté du moi et sa mobilité à 360 degrés.
La déconstruction rejoint en fait la désidentification prônée par de grands courants spirituels : elle rejoint le "ni ceci ni cela" du Vedanta, le "nulle part" du bouddhisme tantrique, la "conscience sans objet" de la Pleine conscience...
La désidentification permet de sortir du petit moi identifié et limité.
La "théorie du genre" ou abolition des distinctions de genre en est un aspect. Là encore, l'androgynat, la synthèse du masculin et du féminin, est un idéal et une complétude, qui sont au cœur du taoïsme comme du shivaïsme ou du bouddhisme tantriques. Cet élan s'est manifesté notamment à la fin des années 1960, avec des artistes comme David Bowie, assumant leur part de féminin et contribuant ainsi à réinventer le genre.
Certes, "On détruit ce qu'on remplace", et ce qui fait défaut aujourd'hui, c'est que l'on on a beaucoup détruit mais pas tant remplacé. Nous sommes dans la phase "table rase", pas facile, inconfortable et chaotique.
Alors, oui, certains en profitent. Une petite clique s'enrichit et se nourrit de la perte des repères et de l'abrutissement des 99% restant. Mais aussi parce que ces derniers le veulent bien cf. la Servitude volontaire.

Diabolisation d’E. Macron comparé à "Néron" ou "Caligula" par des esprits brillants. Outre les différences sur le fond, surtout, en tant que chefs d’Etat, Néron et Caligula avaient du pouvoir. Ils n'avaient personne au-dessus d'eux. Alors qu'E. Macron est tributaire de la puissance économique des grands patrons du monde du type Larry Fink (Black Rock, qui a ses entrées à l'Elysée), Rothschild (où il a travaillé), l'omniprésent B. Gates, qui donne le "la" à Davos. Tributaire aussi des liens d'amitié qu'il a avec certains d'entre eux, à commencer par Serge Weinberg, PDG de Sanofi, avec qui il a siégé à la commission Attali, avant que S. Weinberg lui ouvre les portes de la banque Rothschild (où il était administrateur), puis ses réseaux et finance sa campagne. Reconnaissance du ventre d’E. Macron ? Huit nouveaux vaccins rendus obligatoires pour les nouveau-nés en 2018 ! Monstrueux. Et gigantesque rente à vie pour Sanofi. (Qui s'en est étourdie au point d'avoir été incapable de produire le moindre vaccin anti-Covid). Un scandale absolu, qui le demeure, passé sous silence par les médias mainstream. Et qui éclaire pourtant d'une lumière crue le modus operandi de Big Pharma et des multinationales en général, et la crise du Covid.

Diabolisation de l'hubris, de la recherche de "l'être humain total" et autres tentatives de toute-puissance. Certes. Mais le dénoncer dans un manichéisme virulent ne suffit pas. Là encore, il importe de comprendre les besoins que cela nourrit, et qui se trouvent à la racine de cette énergie.
La quête de la Totalité est considérée dans bien des courants spirituels et philosophiques comme la quête humaine ultime cf. C. G. Jung, shivaïsme, Tantra etc.
La toute-puissance et le totalitarisme n'en sont en fait qu'un sous-produit : quand l'infini est placé sur le fini, sur la matière, sur l'ego.
Le besoin qui est derrière ?
Besoin d'infini.
Comment alors le nourrir sans nuire ?
En plaçant l’hubris par exemple sur la conscience-présence, la reliance, la générosité, la créativité...

L’altruisme est parfois présenté comme la solution pour neutraliser l'hubris.
Mais l'altruisme n’a-t-il pas été la limite et la pierre d’achoppement du christianisme comme du Flower Power ?
Pour enrayer les délires de la quête extérieure, les grands êtres indiens et bouddhistes incitent plutôt en premier lieu au retour de l'attention vers l'intérieur et au travail sur soi. L'altruisme en découle naturellement. Mais l'altruisme sans travail intérieur, l’histoire a montré que cela ne marchait pas et que cela pouvait même être dangereux (cf. la "mission civilisatrice" de la colonisation etc.). 

Diabolisation des GAFAM bien sûr. Certes. Mais on trouve par exemple sur YouTube, propriété de Google, nombre de pourfendeurs de… Google et de la censure. Qu’ils utilisent donc et dans des vidéos appelant au boycott de Google qui ne sont pas censurées. On a connu pire en matière de censure. Ces lanceurs d'alerte qui fustigent l’absence de liberté d'expression sur les grands réseaux n’ont visiblement pas vécu en Russie, en Chine ou en Turquie. Certes, il y a des censures sur YouTube, mais quid de l’immensité de savoirs, d'enseignements, de témoignages, de points de vue exprimés, abondance fabuleuse et inédite dans l'Histoire ?

Diabolisation, enfin, des Etats-Unis et de sa CIA. A côté desquels la Chine ou la Russie vont parfois jusqu’à faire figure d’enfants de chœur. Assurément, l’hubris américain est problématique. Mais il n’a pas de leçon à recevoir de celui de la France de Louis XIV à Napoléon et jusqu'aux accords Sykes-Picot. Il convient aussi de ne pas oublier aussi comment s’est construite la dépendance vis-à-vis des Etats-Unis : les appels à la rescousse en 1917 puis surtout en 1944, puis pour se protéger de l'URSS. Certes, en bon prédateur, ils ont tenté de tirer parti de l'effondrement de 1940 d'une grande puissance rivale et du pouvoir que nous leur avons concédé. Ceci est notre responsabilité. Ce n’est pas aux Etats-Unis de nous protéger d’eux, c’est à nous.
De même, si je n’assume pas le vertige de ma liberté, d’autres alors en profitent, et fournissent de l’entertainment, qui s'est mué progressivement en tititainment. Là encore, c’est ma responsabilité.

Ainsi, s’il est sain de vouloir comprendre les tenants et les aboutissants des dérives du monde actuel, s’en tenir à la seule diabolisation de quelques fauteurs de trouble ne suffit pas. Cela ne permet pas d’identifier les besoins à l’origine de ces dérives, ni les moyens pour ne plus retomber dedans.

Aussi, à la question de plus en plus prégnante "pourquoi le mal, les dérives et le chaos actuels ?", plutôt que d'incriminer tel ou tel, je rappellerai plutôt : parce que libres.
Et que l’être humain a donc besoin d'apprendre à choisir librement, par lui-même, la "non-nuisance", qui est peut-être le plus petit dénominateur commun du vivre-ensemble, d’un bonheur qui soit à la fois individuel et collectif. C’est un des premiers principes spirituels qui a été formulé, en l’occurrence en Inde ("ahimsa") vers le VIIIe siècle avant l’ère courante. Et c’est ce même principe qui a défini le cadre de la liberté au moment des Lumières.
Cette liberté passe pour certains par boire le calice de l'esclavage et de la dualité jusqu'à la lie, afin de réaliser l'impasse à laquelle confier son pouvoir et sa liberté à d’autres mène.
Par delà le bien et le mal, je cesse d'incriminer tel ou tel, j'assume ma liberté, je prends la responsabilité de mon existence. Vers la non-dualité, une unité qui transcende les contraires, je me sers de tout ce qui se présente pour devenir à chaque fois un peu plus vivant, un peu plus réel.

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