Tribune publiée dans Front populaire du 28 mai 2021. Ci-après, version revue et augmentée.
L'épidémie actuelle a l'immense mérite de faire circuler des informations et mettre en lumière des rouages jusque là plus discrets, notamment ceux dont jouit et qu'actionne une petite oligarchie mondiale.
A commencer par la finance. Black Rock : 7.800 milliards de dollars d'actifs gérés en 2020, soit trois fois plus que le PIB de la France ! Vanguard pratiquement pareil. Donc rien que ces deux gestionnaires d'actifs sont financièrement plus puissants que n'importe quel Etat, hormis Chine et USA. - Relevons au passage parmi les actionnaires importants : les Rothschild, les Rockefeller, les Windsor...
Outre ces deux géants, d'autres fonds (State Street...) et les grandes banques américaines (JP Morgan & Chase (Rockefeller), Bank of America, CitiBank, Wells Fargo, Goldman Sachs...), chinoises, japonaises et européennes (Amundi, HSBC, BNP Paribas...) dépassent également le millier de milliards d'actifs sous gestion. Ces acteurs ont ainsi le pouvoir de peser sur l'évolution de la situation financière internationale, par exemple de soutenir certaines valeurs et d'en attaquer d'autres, ou de susciter des trous d'air voire des krachs, lors desquels ils sont en mesure de racheter des pans de l'économie à bas prix.
Les banquiers privés américains disposent, de surcroît, du levier de leur participation à la gouvernance de la Fed, la banque centrale américaine. Celle-ci décide des taux d'intérêt du dollar, paramètre décisif de l'économie mondiale : le moindre abaissement ou relèvement des taux d'un point se répercute sur toutes les économies de la planète. La Fed est ainsi une instance indépendante de l'Etat disposant d'un des plus grands pouvoirs au monde, tous domaines confondus. Un processus d'accaparement de la fonction régalienne monétaire par les "banquiers-commerçants" est à l’œuvre depuis le XVIIIe s., mis en lumière et dénoncé notamment par Valérie Bugault (Demain dès l'aube... le renouveau, Sigest, 2019).
Ce monde puissant de la Big Finance entre naturellement en collusion avec Big Tech (les GAFAM), Big Pharma (qu'on voit grassement à l’œuvre depuis un an) et Big Médias, dans lesquels ils ont investi et dont ils détiennent des parts importantes. A la différence des Jeff Bezos, Elon Musk et autres Warren Buffet, les détentions via des fonds et des sociétés écrans leur permettent de conserver l'anonymat et de ne pas apparaître sur les podiums des classements.
Ces acteurs ont ainsi d'importants intérêts communs. Mais ils ont avant tout un intérêt fondamental en commun : ils se nourrissent tous du pouvoir qu'ils parviennent à exercer sur les 99,9% restant.
Il s'agit d'un tout petit monde : moins de 0,01% de la population mondiale, quelques centaines de milliers de personnes, elles-mêmes chapeautées par quelques centaines de familles, principalement anglo-américaines. Un petit monde qui se fréquente et se concerte à Bilderberg, à Davos, dans leurs îles privées des Caraïbes et autres. Le 0,9%, disons, de ceux qui ont un peu de capital (51,9 millions de millionnaires en dollars dans le monde en 2020 d'après le Global Wealth Report du Crédit suisse), profite quant à lui, à son petit niveau, de l'expansion mondiale du capital, sans comprendre le plus souvent qui est en haut à la manœuvre.
Avec l'incroyable hold-up réalisé par Big Pharma sur les gouvernements occidentaux et leurs populations, la pandémie a le mérite d'avoir mis en lumière la toute-puissance de cette oligarchie, capable de mettre à genoux en quelques semaines les trois quarts des Etats et des populations de la planète. Et gare aux récalcitrants. Les convergences d'intérêts et les accointances sont éclairées. Klaus Schwab, par exemple, président du Forum économique mondial (Davos), manifestement bien renseigné, a publié dès juillet 2020, COVID-19: The Great Reset (Covid-19: La Grande Réinitialisation, Forum publishing, sept. 2020). Accessoirement, l'information circule aussi désormais que K. Schwab est d'ascendance Rothschild par sa mère. Information qui fait l'objet d'une dissimulation acharnée de la part de l'intéressé. Pourquoi... ?
Bref, il en va ainsi d'un pouvoir financier, économique, technologique et désormais incroyablement sanitaire. Un des leviers décisifs est l'investissement et le contrôle du Smart power, à savoir : le financement des publications scientifiques, nouveau nerf de la guerre, et par suite, un des secteurs économiques les plus rentables au monde (35 % en moyenne de rendement par an) ; mais également, le financement d'instituts de recherche, de doctorants, d'universités, d'associations de consommateurs, de groupement d'experts (GIEC.. ), de fondations, d'ONG, et sans oublier surtout, de médias. En d'autres termes, le financement des prescripteurs.
Il en résulte une concentration phénoménale de pouvoir entre les mains de quelques personnes privées, non élues. Nécessairement grisées, par cette sensation d'être "les maîtres du monde". Qui ne le serait pas ? Sauf à être un saint.
Ce processus est un aboutissement logique de la loi plus fort. De fait, le club n'est pas fermé ! Il vous accueillera ! Il accueille volontiers les nouveaux arrivants comme ceux issus des GAFAM. De même, les accointances avec le gratin hollywoodien ne sont pas non plus étonnantes. Outre le sentiment de se retrouver entre "élus", leurs intérêts ne tardent pas à s'entrecroiser ou converger : ils se nourrissent tous sur la bête, les 99,9% restant !
Cette oligarchie, gratifiée à l'extrême par la matière, est ainsi dans une logique de développement continu de pouvoir sur la matière. D'où son évolution naturelle vers les approches transhumanistes, d'implants et d'être humain électroniquement augmenté ; ou encore les fantasmes d'aller vivre sur Mars, autre déclinaison de cet hubris et de ce sentiment de toute-puissance sur la vie, sur le cosmos.
Aller à la racine
Cette oligarchie n'est en fait que le symptôme d'un fourvoiement collectif : le placement de l'infini sur le fini (la matière).
Les grands êtres de toutes les traditions spirituelles ainsi que la psychologie au XXIe siècle s'accordent en effet désormais sur un point :
L'être humain aspire à la totalité.
Ainsi, si le destin m'a donné des bonnes capacités et du pouvoir, je cherche naturellement à augmenter ce pouvoir.
Or, comme on le voit, c'est un processus sans fin et qui ne peut se faire qu'au détriment de mon voisin. - C'est d'ailleurs la prise de conscience des limites des ressources de la planète qui a fait émerger la question du surpeuplement pour le 0,01% : si la planète est trop peuplée, je ne vais plus pouvoir poursuivre mon processus d'accroissement infini de pouvoir !
Cette quête de totalité est une constante dans l'Histoire : elle est à la racine de toutes les tentatives d'Empires. Mais aussi de tous leurs échecs faute d'avoir placé cette quête sur l'extérieur. La volonté de puissance dans la matière suscite de facto une réaction d'une autre volonté de puissance. "Celui qui vainc par le glaive, périt par le glaive" : la dualité suscite toujours en face une nouvelle dualité ; cf. la dialectique du maître et de l’esclave.
C'est cette quête de totalité qui est aujourd'hui à la racine du système de prédation économico-financier international, qui est donc entre les mains d'une petite oligarchie essentiellement anglo-américaine, condamnés à une perpétuelle fuite en avant, dans laquelle ils entraînent le reste du monde.
Alors oui, l'aspiration à l'infini et à la totalité est un penchant profond de l'être humain.
Mais non, ce penchant ne peut trouver sa pleine réalisation dans la matière. La quête extérieure est sans issue.
Les grands êtres ainsi que les poètes nous disent que c'est par l'intériorité que je peux satisfaire cette pulsion d'infini, que je peux accroître ma perception et accéder à la totalité. William Blake disait : "Si les portes de la perception étaient purifiées, chaque chose apparaîtrait à l’être humain telle qu’elle est, c’est-à-dire infinie". C'est la révolution de la présence et de la méditation. Il ne s'agit pas de rester 20 mn par jour assis en silence. Il s'agit de changer le point de référence de mon attention : non plus la fuite à l'extérieur - sous la forme du divertissement pour l'immense majorité, et du pouvoir donc pour une petite poignée -, mais l'intérieur et la présence. Celle-ci ouvre la reliance à soi, à l'autre, au monde. A la totalité. L'enjeu du passage actuel de l'humanité nous apparaît se trouver dans ce changement de centre.
La relation au monde de l'oligarchie n'est que le miroir et la forme aggravée de la relation au monde du collectif ("un peuple a les dirigeants qu'il mérite"). Cette relation au monde est caractérisée par : "Ça se passe à l'extérieur", l'attention est polarisée sur l'extérieur. C'est le fameux divertissement pascalien face au vertigineux défi d'accepter la présence et de se tourner vers l'intérieur. Défi d'assumer l'infini ou "divin" en soi.
Du coup, quelques individus, qui sont juste au bon endroit au bon moment, profitent de ce pouvoir qui est collectivement donné à l'extérieur. Le phénomène de starification en est une autre manifestation : une projection de la lumière (ou infini) sur quelques personnes. Le star system n'est qu'un avatar de l'idolâtrie antique : l'infini placé sur une forme extérieure. - Plusieurs grandes religions sont tombées dans cet écueil, a contrario des messages de leur prophète : l'une déifiant Jésus, l'autre Mohammed... Le peuple juif, lui, s'est distingué en réintégrant sur lui-même l'infini, en se désignant : "peuple élu". - Merci pour les 7,8 milliards moins 14 millions autres ! Cette réintégration partielle de pouvoir en soi a peut-être contribué à ce que ce peuple soit surreprésenté dans l’oligarchie mondiale.
Tout l'enjeu se situe donc dans une reprise de pouvoir personnel. Le théologien parlerait de "réintégration du divin en soi". Cette reprise de pouvoir personnel se situe à deux niveaux.
D'abord, dans la matière, avec une reprise de souveraineté individuelle comme collective. Au plan national, en cassant la verticale du pouvoir, très forte dans la France actuelle jacobine, et en optant pour une répartition du pouvoir plus horizontale, soit un modèle fédéral, investissant les territoires et responsabilisant le citoyen.
Au plan international, en réintégrant le pouvoir cédé à des institutions commanditées et manipulées par la Big Finance et ses bras armés les multinationales.
Toutefois, si nécessaire soit-elle, situer cette reprise de souveraineté dans une seule réforme de structures et d'institutions, apparaît insuffisant : car les luttes de pouvoir reprendront, et une nouvelle oligarchie remplacera la précédente cf. par exemple le remplacement de l'aristocratie russe par la nomenklatura soviétique. Le parcours de Talleyrand, qui surnage de l'Ancien Régime à la Monarchie de Juillet, est aussi caractéristique de l'emprise et de la résilience de l'oligarque par delà les bouleversements et changements institutionnels, consacrant le "Il faut que tout change pour que rien ne change". Ce sont probablement les banquiers privés les champions en la matière : finançant toutes les parties, ils gagnent toujours à la fin. Ainsi, si pertinente soit elle, une réforme de structures ne permettra pas de neutraliser l'hubris et sa quête extérieure sans fin.
L'enjeu de la reprise de souveraineté se situe donc aussi à un niveau plus profond, permettant d'enrayer cette quête extérieure et de neutraliser l'hubris. Comment ? En acceptant la présence et de tourner l'attention (une partie au moins) vers l'intérieur. Accepter de tourner son attention vers l'intérieur, c'est assumer l'infini ou "dieu intérieur" ou "divin" en soi. Et ce processus de travail intérieur et d'expansion intérieure est lui illimité et pour tout le monde. Tel est le défi pascalien. Et c'est aussi, d'après nous, la clé du renoncement à la servitude volontaire boétienne. Voilà l'agenda 21 !
Dans cette dynamique, il n'y a plus de dualité et de pouvoir à acquérir à l'infini sur l'extérieur. Ce n'est plus le combat de tous contre tous, ni de quelques uns sur les 99% restant, mais le combat de chacun avec lui-même.
Combattre les locataires actuels de l'oligarchie, et férocement, est indispensable, car eux ne feront pas de cadeaux et vous laisseront pour morts (on l'a vu avec l'interdiction de prescrire des traitements puis le vaccin obligatoire). Pour autant, au delà de leur actuel fourvoiement, la quête réelle des intéressés demeure la même que celle du reste de l'humanité : la totalité. Essence de la quête poétique ou artistique. Ce qu'aucun milliard de dollars ni aucun vol habité vers Mars n'apportera jamais !