Article publié en version courte par Front populaire en date du 19/5/2022
Le renouvellement du bail du locataire sortant de l’Élysée a été un coup dur pour le camp souverainiste. Face à la complicité d'E. Macron avec la toute-puissante oligarchie financière, cf. les visites du PDG de BlackRock, Larry Fink, à l’Élysée, la perspective d'une reprise de souveraineté nationale en faisait rêver plus d'un. – C'est dire, d'ailleurs, où se situe le Rêve aujourd'hui. Juste avoir le droit de ne pas subir une injection expérimentale de thérapie génique, administrée par des labos multirécidivistes... Pour 90% des Français, cela passe comme une lettre à la poste. Etourdissant. En 2017, d'aucuns avaient aussi cru au rêve, en la fraîcheur apportée par ce bel et jeune énarque brillant, à la vie privée marquée d'un sceau romantique exceptionnel - quel lycéen n'a pas fantasmé sur sa professeure de français (ou de math ou d'histoire) ? Lui l'avait fait, était allé jusqu’au bout. Quel triomphe, 25 ans après la tragique affaire Gabrielle Russier. Mais surtout quelle transgression et quel sentiment de toute-puissance pour l'adolescent à la clé. En attendant, dès 2018, le rêve tourna court pour les Français. Alors qu'aucune mortalité infantile ne le justifiait, huit nouveaux vaccins étaient rendus obligatoires pour les nouveau-nés ! Un choc. Et une formidable prémisse à ce qui allait advenir deux ans plus tard. Ce scandale passa pourtant inaperçu, aucun grand média ne s'en alerta. Incroyable. "Ah... le dit président a siégé à la commission Attali avec le PDG de Sanofi, qui a ensuite soutenu sa campagne... Ce type de lien et de renvoi d’ascenseur est irréductible en politique..." constataient effondrés quelques observateurs. Quand une société commence à s'en prendre aux enfants et aux nouveau-nés pour assouvir l'avidité mercantile de quelques-uns, la fin est proche.
L'efficacité du supranational est fonction des intérêts du Capital
Le RN faisait rêver d'une perspective de reprise de souveraineté nationale? Ne nous leurrons pas : la suppression des Etats est déjà bien avancée et la marge de manœuvre de Marine Le Pen aurait été extrêmement limitée. Cinq ans de réflexion plus tard, n'a-t-elle pas capitulé sur la sortie de l'euro face à un E. Macron triomphant ? Oui, comme nous l'évoquions tantôt dans ces colonnes, la politique économique de la France se joue désormais à Francfort en fonction des taux accordés par la BCE.
Ces deux dernières années ont aussi fait la preuve que la politique sanitaire est également aux mains des financiers, l'emballage et la "décision" se faisant à Bruxelles, Genève – où progressent de nouvelles dispositions supranationales –, et à Washington, dont il ne faut jamais sous-estimer l'hubris, et qui n'est jamais bien loin des affaires européennes quand il y a quelques milliards à gagner. Cf. les échanges de mails hallucinants Fauci / Delfraissy, là aussi passés inaperçus dans les grands quotidiens, comme Le Monde ou Libération, pourtant subventionnés par le contribuable. Pis, inaperçus également dans les dépêches de la puissante AFP, désormais noyautée par la Fondation Bill Gates, un de ses plus gros clients sinon le plus important, B. Gates étant en cheville avec Big Pharma et Fauci... Inadmissible.
Enfin, quant à la politique de défense française, de l'invasion de l'Irak par le complexe militaro-industriel américain, à celle de l'Ukraine par la Russie, du recours à l'arme chimique par le dictateur syrien à l'agression turco-azérie au Karabagh arménien, l'impuissance de la France, pourtant puissance nucléaire membre du Conseil de sécurité, est patente, comme celle de l'ONU en général. L'efficacité du supranational est fonction des intérêts du Capital. La crise sanitaire l’a démontré.
Comprendre l'élan pour le mondialisme
Pour pouvoir combattre ses dérives, il est essentiel de comprendre l'élan dont a procédé le mondialisme et les besoins qu'il a cherché à nourrir. L'élan mondialiste a d'abord procédé d'une aspiration profonde de l'être humain, une aspiration à l’universel et à la totalité. Celle-ci a été célébrée par les poètes de tout temps. Rappelons l'hommage de Dostoïevski à Pouchkine, honorant le projet "d'unification humaine universelle", la destinée pan-humaine et intimant à devenir "frère de tous les hommes". Avant d'être français ou allemand, breton ou corse, je suis un être humain. Percevant cette valeur suprême de l'humanité que nous avons en partage, des philosophes, de Diogène à Kant, ont valorisé la qualité de "citoyen du monde". La révolution française et l'universalisme républicain français procèdent également de ce ferment.
A cet élan profond s'est ajouté au sortir des deux guerres mondiales et de l'arrivée de l'arme atomique, un autre courant puissant : le "plus jamais ça" et la prise de conscience d'une communauté de destins entre les peuples, et partant, la recherche des moyens d'établir une paix durable. Comme en créant, en Europe, des solidarités économiques à même d'empêcher la guerre. D'aucuns fustigent que le Grand Capital était en embuscade. Certes, il n'en demeure pas moins que le nationalisme est vecteur de dualité et de confrontation. C'est un fait. "Le nationalisme est une maladie infantile. C’est la plaie de l’humanité" disait Einstein en 1929. Les Etats sont des egos nationaux, qui finissent toujours par se faire la guerre. D'où l'idée de transcender les Etats en instaurant une régulation internationale. L’idée était intéressante mais l'approche fut verticale. Les banques et le Capital, sinon à la manœuvre, se sont engouffrés dans la brèche, le système multilatéral devenant leur alibi et leur idiot utile. Les deux dernières années en ont fait une démonstration impitoyable : la gouvernance mondiale est agie, non par le mielleux système onusien, mais par la Big Finance anglo-américaine qui, outre détenir Big Pharma, Big Tech et Big Médias, gouverne la Fed et ses taux tout-puissants. Et elle fait de surcroît le siège des institutions internationales : lobbying, financement via des Fondations, participation via des ONG. Mais soulignons-le, à la racine, il n'y a rien de nécessairement comploté ; à la racine, il y a la logique de la loi du plus fort. Le complot, le cas échéant, procède naturellement de cet état de fait : le 0,1% va naturellement chercher à s'entendre pour rester en position d'élu (difficile de ne pas le penser quand vous avez inventé Windows ou êtes milliardaire à 25 ans), et continuer à exercer sa puissance sur le 99,9% de benêts coincés dans la "servitude volontaire".
Trump, milliardaire de l'immobilier, n'était pas de la bande à L. Fink, B. Gates et autres Rockefeller. D'où le hiatus. Quant à Poutine et Xi Jinping, ils ont bien compris qu'avec cette caste, ils n'auront pas le dernier mot. Ils ont capté le projet de monnaie numérique mondiale sous le contrôle d'une petite clique de banquiers anglo-saxons, à même de consacrer l'avènement d'un « Nouvel ordre mondial ». Et Xi Jinping de reprendre manu-militari la propriété des valeurs boursières chinoises détenus par des fonds anglo-américains (sans état d’âme sur les milliards évaporés). Et Poutine de tenter de repousser la ligne rouge à ne pas dépasser - et d'être prêt à appuyer sur le bouton : la liberté ou la mort ! Vous êtes prévenus.
Mais si il a donc été corrompu par l'hubris financière anglo-américaine, l'élan mondialiste a des racines plus profondes, qui correspondent à des besoins authentiques de l'être humain. En particulier un besoin d'unité et d'ouverture à la totalité. Assurément ces besoins ne sont pas nourris par le mondialisme actuel, vecteur d'uniformisation et de dilution identitaire dans un brassage technico-mercantile. Cependant, en face, le repli identitaire nationaliste, porté les principaux porte-paroles souverainistes, foule aux pieds la dimension universelle de l'identité et de la condition humaines, la reliance à la totalité, et ne peut être, pour nous, la solution.
"Je ne suis pas de l'arbre, je suis de la branche !" ?
Le mondialisme et le souverainisme ont raison chacun sur un aspect : le mondialisme, pour l'universalisme consubstantiel à la condition humaine, l'ouverture à la totalité pour horizon, et la communauté de destin qui lie les êtres humains ; le souverainisme, pour la nécessité d'une reprise de pouvoir personnel et national face au rouleau compresseur du Marché et de l'oligarchie ploutocratique. Pour rendre compte de l'impasse actuelle, prenons l'image d'un arbre. Le courant mondialiste, sous couvert de valoriser le tronc commun, coupe toutes les branches - sauf la sienne - et cherche à s'accaparer le tronc. Adieu la diversité, les génies régionaux et nationaux. En face, le courant souverainiste tente de se défendre, "Touche pas à ma branche !", mais de clamer : "Je ne suis pas de l'arbre, je suis de la branche !". Un repli compréhensible mais incompatible avec la grandeur et l'universalité de l'être humain, son potentiel infini. Et l'histoire a aussi montré et continue de montrer que tôt ou tard, dans un état d’esprit nationaliste, je vais finir par vouloir satisfaire mon besoin d'infini en allant rogner sur le voisin.
Gérer l'infini. La fin de l'Histoire
Pourquoi la guerre ? Parce que je veux plus. Pourquoi l'oligarchie ? Idem. Parce que je veux plus. Il en va uniquement de "la volonté de puissance" nietzschéenne, à savoir une projection de l'infini dans le fini, dans la matière : je veux plus. Et dans la matière, la seule manière d'avoir plus, c'est le pouvoir et l’accumulation infinis.
Alors oui, face à ce rouleau compresseur, il y a urgence de reprise de pouvoir aux plans national et local, mais d'abord au plan personnel, avec une valorisation de l'individu et de ses ressources propres. Le théologien appelle cela reconnaître "le divin" en soi. En cela, le totalitarisme qui s'est accéléré est salutaire car il pousse les individus au réveil et à la reconnaissance de soi. La présence relativement importante, au sein de la mouvance souverainiste, de personnes engagées au plan spirituel est de ce point de vue là signifiante. Et a conduit à une improbable - et troublante - rencontre avec la virilosphère et la fachosphère. Celles-ci montrent précisément la limite de la reprise de pouvoir personnel : si celle-ci se situe sur le seul plan du national, de la dualité et du rapport de force (cf. Olivier Obertone, Eloge de la force) - qui caractérise la mouvance souverainiste-nationaliste -, elle est sans issue. L'histoire des empires successifs l’a montré : il y a toujours un plus fort qui s'élève en réaction ; dialectique du maître et de l’esclave. Et l'affrontement entre les dominants mène à leur annihilation mutuelle. La logique est très simple : 1) volonté de puissance, 2) escalade, 3) affrontement, 4) annihilation. Et ça reprend. Sans cesse... L'Histoire l'a montré. Au XXe siècle par exemple, les deux guerres mondiales ont constitué l'annihilation des nations dominantes du moment, France, Royaume-Uni, Allemagne. Qui ont, par suite, cédé la place à de nouvelles volontés de puissance : USA, Russie et Chine. Celles-ci sont au début de la phase 3).
Ainsi, en fait, sur le plan des valeurs humaines, mondialistes et souverainistes-nationalistes convergent : M. Le Pen / E. Macron, Trump / Biden, c'est le même monde : l'identification, l'extériorité, la dualité et le rapport de force comme alpha et oméga de la condition humaine. D'où ce choc inévitable milliardaires mondialistes vs. dictateurs souverainistes. Les loups se mangent entre eux. Et cet affrontement est sinon heureux, en tout cas nécessaire.
Nécessité de la Russie et de la Chine pour neutraliser la ploutocratie anglo-saxonne
Ainsi, nous avons besoin de la Russie et de la Chine pour faire la guerre à la micro-élite ploutocratique anglo-saxonne. Et s'annihiler mutuellement. La Russie phallique est ainsi en train de s'effondrer. Et bientôt viendra le grand choc des deux autres gros phallus de la planète, USA et Chine, qui doivent également nécessairement s'affronter pour s'annuler.
Comment enrayer cette dialectique de l'histoire, cette dynamique sans fin d'affrontement ? Et par conséquent, comment gérer, sur quoi canaliser la pulsion d'infini, qui anime l'être humain ?
Par le retour vers l'intérieur. Telle est la clé du passage à un nouveau degré anthropologique, à même d'enrayer la dynamique du rapport de force. La cessation de la polarisation de l'attention sur l'extérieur, la cessation des objectifs extérieurs. Le "grand retournement" ? De l'attention vers l'intérieur. Qui implique le travail sur soi et qui ouvre à la reliance au Tout.
Ainsi, la racine du problème est anthropologique et psychologique : la gestion de l'infini. Jusqu'à présent, ce dernier a été canalisé dans la quête et la conquête extérieures : géographique, matérielle, spatiale... Cette quête extérieure a été le moteur de l'Histoire, créant les chaînes de réaction sans fin de cause à effet, et de dualités. Un retour vers l'intérieur, à savoir l’acceptation de l'intérieur comme fondement civilisationnel, apparaît comme la seule issue pour neutraliser cette dynamique et permettre la « paix perpétuelle ». Telle paraît être la clé, individuelle et et collective, pour passer au nouveau degré anthropologique requis, et par suite politique. Qui ouvrira sur la vraie fin de l'Histoire. Enfin, de l'Histoire extérieure, laissant la place à une multitude d'histoires intérieures.
Non-identification vs. déconstruction
Au plan identitaire, le retournement de l'attention vers l'intérieur permet de lâcher un peu "sa branche" pour aller plus profond, dans le fonds commun de l'humanité. Les grands êtres indiens ont défini ce socle universel comme : sat - chit - ananda "être - conscience - béatitude". Des thèses sont écrites sur ce composé que nous ne pourrons ici détailler. On peut considérer ce composé comme le centre d’une roue, à partir duquel je peux aller sur n'importe quel rayon. A partir de ce centre, non seulement aucun rayon ne représente un danger pour moi, mais je peux profiter de tous les rayons. La méditation fondamentale du Vedanta est la méditation du "Je suis". Avant d'être un homme ou une femme, médecin ou avocat, père ou mère de deux enfants, chrétien ou musulman... "Je suis". Cela rejoint la "déconstruction" ou désidentification systématique de Jacques Derrida, à la nuance importante près que Derrida, s'il dénonce le piège de toute identification, ne donne pas de nouveau point d'appui (qui constituerait pour lui une nouvelle identification). La "déconstruction" rejoint la grande déclaration du Vedanta "Ni ceci, ni cela", le "nulle part" du bouddhisme tantrique (vajrayana) ou encore "la conscience sans objet" de la Pleine conscience. Sauf qu'en l’occurrence, la démarche est encadrée par des instructeurs et des pratiques spirituelles, à même d'accompagner l'entrée dans cet espace de la conscience-perception sans commentaire ni jugement ni identification. "Percevoir, c'est sagesse, en penser quoi que ce soit c'est tomber dans le samsara [l'illusion du monde transitoire]" (Chögyma Trungpa). Et Vedanta et shivaïsme de synthétiser en : "être - conscience - béatitude ". Nouvelle identité ? Non, le composé "être - conscience - béatitude" n'est et n'a de raison d'être que comme expérience : celle du pur "je suis" qui rejoint la conscience-perception ou conscience-présence. La béatitude étant le point de repère, la boussole.
Derrida avait perçu le caractère décisif de la non-identification pour accéder à l'altérité et à la totalité. C'est, en effet, parce que je ne suis pas identifié que je peux changer "de rayon" ou de "branche". C'est parce qu'il y a un espace où je ne suis "rien" que je peux devenir "tout". C'est là qu'apparaît tout le génie du shivaïsme tantrique : ce dernier accompagne en effet le "ni ceci, ni cela" du "ceci et cela", qui honore toutes les formes et embrasse la totalité, qui accepte de conscientiser toutes les formes d'énergie. Derrida avait perçu que dès que je crois être quelque chose, dès que je m'identifie, je me limite formidablement. D'où la nécessité de faire table rase. La table rase rock'n'roll-mai-1968 fut ainsi très libératrice des carcans et identités traditionnelles. Cependant, Derrida n'a su aller au-delà de la déconstruction et trouver de nouveaux repères. Mai-1968 entraîna ainsi une perte d'ancrage (avec la perte des repères traditionnels) et ouvra, comme le dénonce E. Zemmour, un boulevard au Marché et à la mondialisation.
Enfin, relevons qu'au XIXe siècle, bien avant la "déconstruction", des penseurs comme Hegel avaient déjà stigmatisé le caractère déstructurant d'un cosmopolitisme déraciné et apatride.
C'est là où la conscience-perception intervient et fait toute la différence. La conscience-perception assume la déconstruction mais la transcende en allant plus profond. Là où le Marché éloigne de soi, la conscience-perception rapproche de soi. Elle ancre à un niveau plus profond que les repères traditionnels. La conscience-perception n'invalide pas l'identité régionale ou nationale mais l'englobe, et la vitalise même. Ceci rejoint, d'une certaine manière, la différence entre l'individualisme, égoïste et limité, et l'individuation jungienne, ouverte, qui intègre et englobe. Et à présent, la conscience-perception, par le retour à soi et au Vivant qu'elle engendre, est pour nous le meilleur moyen de déconstruire le Marché, comme le recherche à juste titre E. Zemmour. Cette déconstruction là est de fait en marche dans les milieux spirituels et du développement personnel, de la permaculture et des Colibris de Pierre Rabhi.
Modèle chinois vertical vs modèle indien horizontal
Un autre défi se situe au plan institutionnel. L'abandon de pouvoir personnel est en fait consubstantiel au concept même d'Etat et de Parlement. Le premier a été inventé principalement par les mandarins chinois, le second par les lords et les barons de province anglais . CQFD. Les deux se nourrissent sur la bête. Aux Etats-Unis, le système des grands électeurs américains demeure une expression flagrante de la confiscation du pouvoir de la base par quelques-uns. La survivance de ce système témoigne de la prégnance de la culture oligarchique anglo-saxonne, procédant de "la loi du plus fort" et de la servitude volontaire d'un groupe important. Mais c'est la Chine qui présente aujourd'hui la quintessence de l'abandon de pouvoir personnel dans un modèle politique vertical. Et qu'a montré l'épidémie ? Que la Chine devenait le modèle ! Big Pharma s'est engouffré dans la brèche totalitaire proposée par l'Etat chinois ! Brèche dont Big Pharma rêvait après la première tentative de panique pandémique avortée avec l'H1N1 en 2009. Soi-disant ennemis jurés, Chinois et grand capital anglo-américain se sont pour l'occasion alignés ! Quand il s'agit de se nourrir sur la bête (entendre, le peuple)… Nous le disons, Chine / USA, à la fin, c'est le même monde.
L'Inde fédérale, en revanche, fait moins de bruit. Avec ses 24 langues officielles, elle constitue un espace unique de diversité culturelle au monde. Songeons ici au désastre unificateur de la IIIe République en France pour nos cultures régionales ou à l'incapacité de la Chine à assumer 1% d'Ouïghours turcophones, de Tibétains ou de Mongols sur son territoire, qu'elle se sent obligée d'assimiler et de siniser ! Une incapacité à l'altérité proprement pathologique, disons-le. Cette incapacité est caractéristique de l'identification à "sa branche", et dans laquelle le sommet de la pyramide, c'est-à-dire le plus fort, considère savoir (en fonction de ce qui arrange son ego) ce qui est bon pour la base et ce que la base doit être. Et ne supporte pas qu'elle soit différente de ce qu'il veut qu'elle soit ! Idem pour la caste anglo-américaine, avec la numérisation générale et le transhumanisme qu'elle souhaite imposer aux masses.
Assurément le système indien des castes (aboli mais restant prégnant) est inhumain et contraire aux enseignements des sages indiens, qui ont tous prôné l'égalité d'essence et de dignité de tous les êtres humains. Mais bien au delà des castes, ce sous-continent tient depuis 5.000 ans par sa structuration horizontale en groupes et en corporations, les "jati". La démographie chinoise est souvent invoquée pour justifier la nécessité d'autorité et le modèle vertical. L'Inde est un contre-exemple. L'Inde gère en effet une démographie similaire à celle de la Chine grâce à sa structuration horizontale. Outre les groupes et corporations - ce qui rejoint les groupements d'intérêts proposés par Valérie Bugault -, le modèle politique est fédéral avec une distribution locale du pouvoir.
La tentation de l'éco-hameau
Au plan institutionnel, l'enjeu est donc d'aller vers (beaucoup) plus d'horizontalité, soit un modèle fédéral, décentralisé, avec une redistribution de pouvoir aux territoires et une vraie subsidiarité, à savoir la recherche de la plus courte distance entre l'individu et la décision publique (là aussi cf. les travaux de Valérie Bugault). Et non l'inverse qui est fait de ce principe à Bruxelles. Cette démarche revalorise donc l’infranational. Dans ce cadre, surgit la tentation survivaliste, de repli sur un éco-hameau vivant en autarcie et se désengageant du collectif. Certes, oui au retour à la terre, au local et à la nature. Mais abandonner la chose publique, le dessein collectif à d'autres est irresponsable et dangereux : de la destruction de la planète à la piqûre qui vous sera administrée de force à domicile dans votre éco-hameau. La tentation du repli procède elle aussi d'une logique duelle qui n'assume pas la totalité. Or toute démarche de conscience, comme toute démarche politique et civilisationnelle durable, ne peut se construire que dans un rapport à la totalité. Si j'exclus un atome de l'univers, c'est le début de la fin.
Au plan international, le défi est puissant. La coopération et la régulation étant indispensables, elles nécessitent un maintien d’enceintes multilatérales afin de conserver des espaces de rencontres et de concertation. Le défi est de dépasser le stade incantatoire, comme c'est le cas actuellement, alors que le pouvoir effectif, exécutif, est aux mains de Big Finance et cie, qui ont montré qu'ils étaient capables de mettre à genoux la moitié de la planète en quelques mois et de lui imposer ensuite une piqûre hasardeuse tous les 6 mois ! Via un ignoble recours au levier de la peur. – Terrible épreuve, celle-ci a paradoxalement constitué une immense initiation spirituelle qui, in fine, va soutenir le passage au nouveau degré anthropologique. En attendant, ce sommet de la pyramide a clairement montré qu'il n'était donc plus acceptable. Il s'agit de reprendre le pouvoir énorme qui a été donné à l'argent et à la technologie. Cela commence d'abord, comme déjà évoqué, par une démarche individuelle, comportementale, assumant son propre pouvoir et une discipline, afin de sortir du piège consumériste et du tout-commercial. Au plan institutionnel, cela se poursuit, d'une part, par la subsidiarité, à savoir la revalorisation du local et de l’infranational ; d'autre part, par une reprise du pouvoir sur la monnaie, le droit, la technologie... avec pour boussole la recherche du maximum d’indépendance. C’est au fond comme dans un couple : ne pas dépendre de l’autre, ne partager que la crème, le surplus. Restera enfin une portion congrue d’éléments de régulation internationale à négocier, à l’unanimité sinon en bilatéral. Ces différents éléments permettent de sortir du modèle vertical actuel pour aller vers un modèle plus horizontal, dans lequel chaque individu mais aussi la commune et la région sont pleinement valorisés.
Ainsi à la différence du souverainiste nationaliste, le souverainiste mondialiste assume un universel de l’identité et de la condition humaines, et s'inscrit dans un rapport à la totalité. Citoyen du monde, il n’en est pas moins enraciné dans le local, et décide, souverain, de ce qu’il souhaite confier à la région, à la nation et à l’inter-nations. Là où le souverainiste nationaliste fait de la nation un horizon indépassable, une quasi-fin en soi, le souverainiste mondialiste n'en fait qu'un moyen et un échelon, et assume l'existence d'un espace qui transcende l'Etat-nation.
Dans ce cadre, il est indispensable que les peuples se mettent autour de la table et revoient ensemble si ils sont d'accord pour reconnaître un socle universel à l'humaine condition, un invariant commun à tous les êtres, et le cas échéant, en préciser les contours. La Déclaration universelle des Droits humains fut une première tentative. Rationaliste, occidentalisante, psychologiquement et anthropologiquement faible, elle appelle à être réécrite.