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Billet de blog 25 avril 2012

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Chronique d'un urbanisme moderne : Fonctionnalité contre convivialité - Ville de Tours, l’exemple du quartier des Deux-Lions.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La mixité fonctionnelle des espaces est une condition essentielle à la fabrication de la ville. Elle permet de diversifier et de multiplier les centralités. Mise en avant dans le PLU et dans le  plan climat de l’agglomération Tourangelle, cette notion clé de l’urbanisme, de la cohésion sociale et de la diversité commerciale n’est pas toujours bien développée.

Le quartier des Deux-Lions est un bon exemple. Ce quartier qui devait être une des centralités tourangelles ne l’est pas. Habiter, se divertir, consommer et circuler sont les maîtres mots d’un urbanisme moderne – mais dépassé – qui s’applique ici. Il est composé d'un ensemble d'îlots dotés chacun d'une fonction particulière (habitation, commerce, loisir, restauration, bureau) formant un ensemble urbain "multi-fonction". Cependant, chaque unité est déconnectée des autres. Le cloisonnement est de mise.

La mixité fonctionnelle doit être pensée comme un enchevêtrement de fonctions (commerce, habitation, loisir, bureau) au sein d'un même espace et non comme une superposition. Le grand oublié de ce lieu, c’est l’espace public. Cet espace de vie, urbain et social n’existe pas.

Les espaces publics - qui sont sensés faire le lien entre ces espaces d'activités et porter la vitalité du quartier – sont dépourvus de leur fonction socialisante. Leur appropriation est difficile. On y circule bien sûr (voiture, piéton, vélo) mais on s’arrête très peu sur un banc pour regarder les passants ou donner à manger aux oiseaux.

La "rambla" – espace piéton central - semble stérile et dépourvue d'une quelconque vie. On y trouve quelques étudiants, passant d'un bâtiment à l'autre, des employés fumant leur cigarette, au pied des immeubles, et des clients potentiels de l'Heure Tranquille. Mais où sont les habitants ou les badauds qui achètent du pain, prennent un café ou mangent un plat sur une terrasse, viennent acheter des magasines ou des cigarettes? Où sont les commerçants qui s'approprient les lieux et font vivre l'espace public par leurs activités ? A-t-on oublié que l'espace de socialisation français reste le traditionnel café et non pas la grande surface?

Tout cela se passe à l'intérieur d'une unité commerciale concentrant l'ensemble des activités économiques du quartier. L'Heure tranquille est le symbole de cette dynamique stérile. Ce centre commercial, qui ferme à 22h, qui n'est pas ouvert le dimanche, qui regroupe uniquement des grandes enseignes et dont les lieux communs sont régis par un règlement privé, est sensé être un lieu de convivialité ouvert à l’appropriation mais n'est, au final, qu'un artéfact d'espace public. L'aspect aseptisé et impersonnel engendre une pratique utilitariste de l'espace public : le déplacement entre deux lieux de consommation.

 Ne stigmatisons pas l'Heure Tranquille et interrogeons-nous sur son statut de ce pôle commercial au sein du quartier. Ne pourrait-il pas favoriser l'émergence d'un commerce de proximité ? L'heure tranquille pose la question de la place du commerce indépendant dans nos quartiers et plus précisément dans ce quartier en construction. A l’heure où les grandes enseignes se réapproprient les centres-villes par des petites et moyennes surfaces, on comprend que le commerce de proximité est plus que jamais à la base de la cohésion sociale et de la vitalité d'un quartier. Les clients, les habitants et plus largement les usagers en sont les acteurs.  Il devrait se combiner aux grandes enseignes afin de proposer une offre commerciale hétérogène et assurément complémentaire.

Veillons à ne pas oublier la composante sociale et humaine à la base de toute vie de quartier, Veillons à ne pas cacher, derrière le concept de mixité, un cloisonnement fonctionnel de l’espace digne des théoriciens modernes. Réapproprions-nous les pieds d’immeuble. Le développement d'un quartier doit être un subtil mélange de fonctionnalité et de convivialité pour espérer devenir une centralité.

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