Cela fait quelque temps qu'il me démange d'écrire ici.
Maintenant, j'ai rencontré d'autres lecteurs, certains journalistes, je suis entré dans les locaux de la rédaction, j'ai assisté à cette possibilité d'écouter et de poser des questions aux journalistes, sur leur media. C'est un phénomène totalement nouveau. C'est sans doute une partie de l'avenir de ces médias. C'est aussi, sans doute, un peu l'avenir de nos démocraties.
Ce samedi, il y avait comme une excitation et une joie de construire une relation nouvelle, de mettre des visages, des voix et des attitudes derrière les signatures, les articles et les images qui nous relient. L'audience a offert une attention solennelle et respectueuse. Il y a eu beaucoup d'echanges, au delà des mots même. Il y a eu débat, des idées, des convictions, des interrogations et des doutes. Il n'y a pas eu ce qui arrive parfois dans certains commentaires, des propos échaudés, indignés, des mots limites écris sous sensibilités exacérbées.
Après, je poursuis ma réfléxion sur Mediapart, sur les médias, sur internet.

Internet est de nature décentralisée. Fait de liens en sites en noms de domaine, de textes en photos, de sons en images. Fait de relations entre machines, de relations entre personnes, de communautés en réseaux.
De ce point de vue, le modèle payant pose une vraie difficulté puisqu'il dresse une frontière dans un espace habitué à les dépasser.
Mediapart, par sa ligne éditorial et pour sa viabilité économique, se doit de devenir une référence, un point central, de captiver l'attention des lecteurs, de leurs proposer des contenus correspondants à leurs attentes. Et ainsi, de faire baisser, chez ses abonnés, l'envie d'aller s'informer ailleurs. Mais en même temps, le travail des journalistes migre de plus dans le tri, la sélection, la hiérarchisation et la pédagogie pour s'orienter dans l'hyperabondance d'information. Vers le journaliste boussole, des étoiles polaires des cartes du web. Vers le journaliste enseignant. Vers le journaliste organisateur d'un réseau (voir www.buzzmachine.com et son interview sur RFI).
Au cours de la discussion samedi, nous avons abordé la question de la mesure, inhérente à Internet et démultipliée par les outils de base de données.
Ces données sont au coeur de la valorisation des grandes sociétés marchandes du web.
Pourtant, un Mediapart produit des articles, il éclaire et explique des situations en tentant d'exposer des faits de manière objective, en rappelant d'où le journaliste parle et dans quelle perspective. Ce n'est pas le métier de Mediapart de scruter des pages de tableurs renseignant les parcours de navigation du lecteur, hierarchisant les nombres de visites, le temps passé par article, les moins / plus lus, commentés. Mais cela peut changer. Ces données ne sont ni bonnes ni mauvaises, la question est de savoir quel usage on en fait. Spontanément, notre bien aimé univers concurrentiel nous invite à croire que ces données peuvent permettre de porter des jugements sur les sujets, les journalistes, qui "font vendre". Mais de cela, nous avons déja une idée... Carla, sors de cette article ! Allons-nous sur Mediapart pour lire ces articles ? Mediapart vise-t-il le public qui s'affole de ces articles ?
Par contre, les articles peu lus sont des indicateurs des sujets sur lesquels les journalistes doivent concentrer leurs efforts. Est-ce un hasard si plusieurs lecteurs souhaitent plus d'attention portée à l'Europe ?
Le parcours de lecture, le temps moyen passé par jour, ne sont-ils pas d'excellents outils pour adapter Mediapart à ses lecteurs. Si je ne lis que la rubrique économie ou seulement les articles d'Edwy Plenel (on m'avait pas dit que mot d'ordre lui serait passé de ne pas trop écrire mais juste de danser lors de la fête de la musique :o), Mediapart se doit d'adapter son offre pour qu'elle convienne à un plus grand nombre. Même si en l'état, cela me convient tout à fait.
Il y a beaucoup de possibles à défricher. J'essaierai d'en faire d'autres billets.
Thomas Hémery