On termine cette semaine très «poisson» par la découverte d'une nouvelle espèce! Regardez la merveille, c'est ici que ça se passe.
Ce sont des plongeurs qui ont repéré le bestiau il y a quelques semaines, à une profondeur de 15 pieds, dans les eaux indonésiennes. Ils ont bien senti qu'ils avaient découvert quelque chose d'exceptionnel et ont un temps gardé la nouvelle pour eux pour lui éviter des soucis, s'assurer qu'il y avait une petite population étudiable et vérifier que ces animaux n'avait pas été déjà décrits. Tout ceci s'est confirmé et bingo ! il s'agit bien d'une nouvelle espèce. Et contrairement aux apparences, elle est apparentée aux baudroies : ce sont ses nageoires pectorales qui ressemblent presque à des moignons, et qui trahissent une locomotion plus rampante que nageante, qui ont permis de faire le rapprochement avec cette famille qui est la seule à se mouvoir de cette manière. Entre autres bizarreries, il y a cette tête aplatie qui permet aux yeux de voir vers l'avant, et donc de voir en relief, comme nous, un avantage décisif pour bien apprécier les distances des objets, des proies et des ennemis. Un vrai sujet d'étonnement de voir cette caractéristique chez un tel poisson.
La question de la taxonomie de l'animal ( c'est à dire sa place dans la classification) est donc sur métier. Personne ne doute qu'il s'agisse d'une nouvelle espèce ( c'est à dire ici d'un groupe d'animaux interféconds et donnant des descendants féconds), la question est plutôt de savoir s'il s'agit d'une nouvelle famille, c'est à dire un groupe plus large qui comprend potentiellement plusieurs espèces. En 50 ans seules cinq nouvelles familles de poissons ont été découvertes, donc si celle là en était une, car elle ne rentrerait dans aucune des cases préalablement décrites, ce serait un coup de tonnerre chez les ichtyologues. Les arguments pour classer les animaux dans telle ou telle espèce sont divers, allant de critères morphologiques, physiologiques, écologiques, pour les plus classiques, jusqu'à des analyses poussées de séquences d'ADN. La définition de ce qu'est une espèce est un débat vieux comme la biologie. Le plus souvent les limites entre espèces sont assez claires, mais il y a évidemment plein d'exceptions, ou de cas où il est dur de trancher. Fondamentalement, l'"espèce" est une division subjective du monde vivant. Ces divisions sont nécessaires pour organiser notre vision de ce monde, et comprendre l'histoire évolutive des êtres vivants, mais tout l'enjeu est de trouver une définition la plus générale et la plus fonctionnelle possible de cette mise en "cases". A ce titre, la coexistence de techniques anciennes et modernes n'est pas toujours facile, les recoupement ne sont pas toujours parfaits, mais tout le défi, passionnant, est de faire converger les approches. Cela effraie souvent nos collègues physiciens par exemple ; tous s'accordent sur ce qu'est un atome, tous en partagent la définition. Les biologistes, eux, sont bien moins doués, ou peut-être font il face à une matière plus complexe ! Ils ont des tonnes de définitions d'espèce ( on verra que le problème se pose aussi pour la notion de "gène", moins consensuelle que ce que le grand public s'imagine). Pour une lecture absolument passionnante de l'histoire du concept d'espèce, je vous conseille ce bouquin, De l'espèce, de Lherminier et Solignac, chez Syllepse, dans la collection Matériologiques* . Bon week end !
*je participe à quelques activités de cette collection.
Billet de blog 5 avril 2008
Espèce de baudroie...
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