Un billet assez court, juste pour le plaisir toujours renouvelé de voir une espèce rare sous les feux de projecteurs, merci la BBC.
Le héros du jour est le solenodon (ou solénodonte), un petit mammifère dont il y a de fortes chances que vous n'ayiez jamais entendu parler. Nocture, insectivore, et venimeux, tout pour plaire quoi, et par dessus le marché très rare : on en connait que deux espèces, l'une à Cuba (S. cubanus), et l'autre en République dominicaine/Haïti (S. paradoxus). C'est un membre de cette dernière qui s'est fait attraper par une équipe de zoologistes et cela a mis la petite communauté des spécialistes en émoi. En effet, l'animal figure sur la liste des animaux à la fois en danger et évolutivement très distincts de toute autre espèce vivante : ce double statut implique que la disparition de cette espèce serait une perte importante pour notre connaissance de la biodiversité. La liste est tenue à jour par la Zoological Society of London (ZSL) dans le cadre de son programme "Edge of existence", dont je vous recommande la visite du site web.
Une des principales caractéristiques de ce petit mammifère (à part le tour de force d'être à la fois très moche et très craquant, chapeau l'artiste...), c'est qu'il est venimeux, via deux dents spécialisées dans cette fonction qui injectent le venin dans leur proies...Cela parait surprenant pour un mammifère et qui plus est pour un insectivore, mais il semble aussi capable de se nourrir de petits amphibiens voire de carcasses. Seules quelques musaraignes, lointaines cousines, et l'ornithorynque (mais via un mécanisme évolutif tout à fait différent) possèdent ce caractère "venimeux". En ce qui concerne les solénodons, des données fossiles suggèrent que leurs ancêtres appartenaient à un groupe de plusieurs espèces venimeuses mais qui se sont toutes éteintes, exceptées nos deux insulaires.
Une des principales difficultés avec ce type d'animal d'apparence vulnérable, dont on craignait l'extinction depuis l'arrivée massive de prédateurs potentiels dans leur biotopes, c'est que l'on ne connait pas grand chose d'eux : ni sur leur comportement, ni sur leur écologie, ni sur leur démographie, ni même sur leur génétique. Or il est reconnu que le bas niveaux de connaissance d'une espèce est un facteur de sa mise en danger... Cela met l'Homme en difficulté pour développer des stratégies appropriées de conservation in situ. C'est pourquoi cette capture transitoire a peut-être été une mésaventure pour l'intéressé, mais est une bonne nouvelle pour ses congénères. Après quelques mesure et la désormais inévitable récupération d'ADN, le solénodon a été relaché. L'équipe de la ZSL qui les pistait, et qui en avait récemment découvert la population, a beau regretter n'avoir fait qu'une prise, elle en a fait une belle et va désormais continuer ses recherches, dont on imagine qu'elles ne font que commencer. L'étude de son ADN servira notamment à mieux comprendre son évolution, son originalité et son apparentement avec des espèces voisines. Cela pourra être mis en relation avec son mode de vie. Reste pour le grand public ces quelques images, qui sont souvent décisives pour le sensibiliser à la menace qui pèse sur une espèce. Celles-là sont plutôt incroyablement réussies ! Si des solénodontologues médiapartiens ont une furieuse envie de compléter...