Réponse : vous.
Enfin, si vous appartenez à l'espèce Homo sapiens (les mollusques qui lisent ce blog peuvent passer leur chemin).
L'intérieur de la bouche a été sous les feux de la rampe cette semaine... deux informations indépendantes en décrivent la complexité, et le moins qu'on puisse dire c'est qu'on ne doit pas s'ennuyer là-dedans. Au travers des exemples que je vais évoquer ici, c'est l'occasion de vous parler de toutes les sciences en « -omique », très à la mode ces temps-ci . Si, si, vous allez comprendre.
Tout d'abord, des institutions de recherche (publiques !!! spéciale dédicace à Valérie Pécresse) états-uniennes ont annoncé la création d'une grosse base de donnée, exhaustive, de tous les microbes de la bouche. Mazette, il y en aurait 600 différents ! Pourquoi faire ça et y mettre pas mal de sous ? Parce que le premier acte de la science, c'est la classification des connaissances. Et là, connaître précisément tous les micro-organismes oraux, leur écologie, leurs relations, leurs liens de parenté évolutifs, c'est nécessaire pour, à terme, pouvoir agir en terme médical sur cet organe ô combien crucial. Ils appellent cela l'étude du microbiome (et nous expliquent gaiement que c'est la prochaine révolution de la biologie, mouais). Tiens ce suffixe -ome ne vous rappelle rien ? Génomique, Protéomique, etc. des mots certes à la mode, mais qui signifient qu'on va étudier en parallèle « tous » les gènes , ou « toutes » les protéines d'un organisme pour découvrir les réseaux de relations entre eux, et pas seulement les étudier un par un, ce qu'on a fait pendant le siècle dernier.
Cette vogue, elle aussi est due au progrès technologique, et principalement aux techniques de séquencage des génomes entiers ayant spectaculairement abouti à la publication, en 2001, de celui de notre espèce ( entre autres). Et depuis, tout le monde fait de la -omique. Moi qui vous parle je suis génomicien (mais je suis gentil quand même). Signe des temps, le site internet de la revue Nature a ouvert un portail spécial « -omiques », où vous pouvez trouver les derniers articles de glycomique ou de métabolomique, non, non, ne partez pas. Dans le même ordre d'idée, mais à une échelle beaucoup plus petite, une équipe vient de publier une étude de toutes les protéines contenues dans la salive (c'est donc de la... protéomique, ça y est vous avez le truc !). Et vous pourrez faire le malin dimanche en famille en apprenant à tonton Georges qu'il y en aurait 1116 différentes. Là encore, la connaissance précise de ces ensembles de molécules est potentiellement cruciale. En fait, les recherches en -omique bouleversent le paysage de la biologie moderne, car elles coûtent un argent fou, incitent des gens très différents à collaborer (biologistes et informaticiens notamment), nécessitent de développer des méthodologies d'analyse poussée etc. C'est un moment assez excitant de l'histoire des sciences, même si l'euphorie pousse parfois les « -omiciens » à ringardiser les approches plus anciennes, ce qui est complètement ridicule, car les « -omiques » sont loin de se suffire à elles mêmes.
Sans transition, petit détour par le nez pour terminer, puisqu'une équipe a publié ( cliquez, la photo est tordante) dans Science des résultats tendant à prouver que l'on peut littéralement « flairer le danger ». En fait, malgré cette déclaration tapageuse à la super Jaimie, l'étude montre que notre espèce aurait évolutivement développé une capacité à discriminer des odeurs très proches mais incarnant pourtant des niveaux de danger très différents (j'adore l'exemple que donne le premier auteur, le Dr Wen Li : « celle d'un chat et d'un lion »). Expérimentalement, des volontaires ont appris à distinguer ces odeurs qu'ils ne distinguaient pas initialement, après que l'une d'elle a été associée à des chocs électriques. Reste à connaître maintenant les bases neurologiques de cela, et voir si des maladies peuvent être associées à une incapacité à faire cette discrimination.Et tant qu'à faire, voir si d'autre espèces en sont capable. Rien ne permet d'affirmer que non.
En attendant, je flaire un gros danger en forme de croissant menaçant, moi ...