Dans sa réponse aux accusations de François Burgat concernant sa ligne éditoriale favorable au régime syrien, le site oumma.com affirme avoir offert "un espace d'expression d'opinions contradictoires" sur le sujet. Les auteurs de la réponse expliquent ainsi avoir ouvert leurs pages à deux commentateurs aux visions aussi diamétralement opposées que Bassam Tahhan et Jean-Pierre Filiu. Cette affirmation est exacte mais elle occulte des tendances lourdes dans le traitement du conflit syrien par oumma.com qui permettent bel et bien de parler d'une ligne éditoriale allant dans le sens des thèses du régime en place.
Sur 49 articles d'analyse et d'opinion publiés par le site sur la Syrie depuis mars 2011 (on exclut donc ici les textes de nature purement factuelle), 29 expriment des points de vue pro-régime tandis que 15 prennent leur contrepied (1). En d'autres termes, le ratio entre opinions favorables et hostiles au régime est de 2 contre 1. Soulignons que la tendance s'est très nettement accentuée après la publication par oumma.com de la dernière contribution en date de François Burgat sur le sujet syrien (9 août 2012), le ratio entre articles pro et anti-régime étant passé depuis lors à 5 contre 1 (10/2).
Plus d'un tiers des textes adoptant des thèses proches du discours officiel syrien sont écrits par un seul et même auteur, René Naba, dont les critiques mesurées du système Assad sont systématiquement assorties d'une exaltation de ses vertus nationalistes et d'une mise en exergue des complots qataro-israélo-atlantistes qui le menacent, un effet de contraste qui suggère que le pouvoir syrien ne serait finalement qu'un moindre mal. De nombreux auteurs ont exprimé des idées analogues dans les pages d'oumma.com, à l'instar de Bassam Tahan et son Collectif pour la Syrie, Mohamed Tahar Bensaada, Gilles Munier, Jean-Michel Vernochet, Michel Chossudovsky, Pepe Escobar, Seumas Milne, Nassim Dembri et les caricaturistes Céheu et Souhil. Bien plus courte apparaît, en comparaison, la liste de ceux qu'oumma.com a invités à proposer un point de vue opposé (François Burgat, Jean-Pierre Filiu, Nabil Ennasri, Nebras Shehayed et Nasr al-Din Hadjime).
(1) Les cinq articles restants ne reflètent pas des positions tranchées dans un sens ou dans l'autre.
ADDENDUM (13 juin 2013)
Suite aux réactions de certains lecteurs, je tiens à souligner que le but de mon billet n'était pas de reprocher à oumma.com son manque d'équilibre dans le traitement du conflit syrien : en démocratie, un média est libre d'adopter la ligne éditoriale de son choix et rien ne l'oblige à donner un temps de parole égal aux partisans de thèses opposées. Le problème est plutôt qu'oumma.com refuse d'assumer ses choix éditoriaux sur la Syrie en se réfugiant derrière un "pluralisme" de plus en plus factice.