Un peu plus de deux mois avant le coup d'envoi de la Coupe du Monde, la contestation des brésiliens contre les investissements de leur gouvernement demeure. Leurs griefs portent sur les dépenses engagées par leur pays dans l'organisation de l'événement footballistique planétaire, au détriment d'une partie de la population.
« Nao vai ter Copa »* est devenu le mot de ralliement des manifestants brésiliens, unis derrière leur opposition à la Coupe du Monde, ou plutôt à ce qu'elle induit dans leur pays. Pendant le Carnaval de Rio, qui coïncidait avec l'entrée dans les derniers cents jours avant le premier match de la Coupe du Monde de football, les chants de Carnaval ont parfois laissé place à des chants plus politiques. Sur les murs de la ville, les graffitis défavorables à la tenue de l'événement footballistique sont légions. Au milieu des costumes et de la folie carnavalesque, les pancartes et les Tee-shirts « Nao vai ter Copa » ne sont pas rares. Depuis la vague de manifestation de l'été dernier contre la vie chère et l'augmentation du tarif des transports en communs, les manifestations hostiles à la tenue de la Coupe du Monde au Brésil cet été n'ont jamais vraiment cessé. Si elles se sont calmées à un moment, elles ont même repris de l'ampleur récemment avec la menace d'une loi antiterroriste qui est actuellement à l'étude par le gouvernement social-démocrate brésilien. La loi viserait notamment à punir plus durement les auteurs de débordements pendant les manifestations, depuis qu'un journaliste a perdu la vie, touché par un feu d'artifice lors d'un rassemblement au mois de février. « Une manière de laisser plus de place à l'arbitraire et de revenir à des pratiques qui datent de la dictature militaire que nous avons connu», répliquent les manifestants. Pour la première fois, un sondage publié au début du mois de mars montre que seuls 52 % des brésiliens soutiennent aujourd'hui la Coupe du Monde. C'est le chiffre le plus bas depuis cinq ans.
Manifestations en chaîne
A Sao Paulo, une manifestation qui s'est tenue à la fin du mois de février s'est soldée par 230 interpellations après que la fin du cortège a vu un affrontement violent entre forces de l'ordre et manifestants. Quelques jours plus tard, une autre protestation a eu lieu à Rio pour dénoncer les lois « liberticides » que pourraient prendre le gouvernement, sans qu'il n'y ait toutefois de débordement majeur. Dilma Roussef a par ailleurs annoncé que le Brésil était préparé pour « assurer la sécurité de ses citoyens et des visiteurs. Si besoin, nous mobiliserons aussi les forces armées ». Des propos qui ont choqué une partie des brésiliens, et particulièrement des milieux militants. « Nous n'en pouvons plus de voir les milliards de reais (NDLR : monnaie brésilienne) qui sont investis dans cet événement de loisir alors que nous autres ne pouvons plus assumer nos dépenses courantes. Le problème n'est pas la Coupe du Monde en tant que telle, les Brésiliens aiment le foot et moi le premier, mais l'inflation ne fait que s'intensifier et les autorités ne se préoccupent que de l'image qui sera donnée au monde avec l'organisation cette coupe plutôt que de soucier des problèmes des brésiliens », raconte Bruno, lors d'une manifestation à Rio de Janeiro, où se tiendra notamment la finale dans la mythique enceinte du Maracanã.
Le Maracanã ne fait plus le plein
Le stade a lui même fait l'objet de nombreux travaux de mise aux normes et abaissé sa capacité à 78 000 places assises. Là aussi, la contestation a été importante pour éviter la destruction de plusieurs lieux proches du Maracanã, notamment une piscine, une école, et un bâtiment occupé depuis de nombreuses années par des indiens, le peuple indigène du Brésil. Ici, la contestation a débouché sur la modification de certains plans. Certains projets de destructions ont même été abandonnés, mais rien n'est encore fixé sur l'avenir qui sera réservé au « bâtiment indien » après que ses occupants ont été délogés manu-militari par les forces de l'ordre. Une partie de la favela attenante au stade a également été expropriée. Et si selon une étude récente, le stade du Maracanã serait la troisième attraction touristique de Rio, il peine désormais à se remplir lors des classiques du championnat Carioca, un championnat opposant les différents clubs de Rio avant le début de la saison officielle. Avec des tarifs minimums à 40 reais (soit 12 €, pour un salaire minimum d'un peu plus de 200€), le match entre Fluminense et Botafogo a seulement attiré 16 000 spectateurs, 20 % de la capacité totale du Maracanã. Avec les travaux de mise en conformité de la Fifa, le stade a dû réduire sa voilure pour offrir désormais 78 000 places assises, alors qu'il a accueilli plus de 200 000 visiteurs dans les années 50. « C'est dommage pour le côté populaire du football et de ce stade mythique pour nous les brésiliens », témoigne Ricardo, supporter de Fluminense, venu assister au match avec son fils. Autant d'éléments qui laissent présager d'éventuelles manifestations pendant la Coupe du Monde. Un sondage datant de la mi-février montre que 85,4 % des brésiliens pensent qu'il y aura des manifestations pendant la Copa, bien que 80 % estiment que personnellement ils ne prendront pas part à ces protestations. Les différents courants contestataires y voient eux un coup de projecteur des médias du monde entier sur la réalité de leur pays, parfois loin des paillettes et du rêve d'une possible sixième étoile pour la Seleção brésilienne.
*La coupe du Monde n'aura pas lieu