Hier, j’ai été entendu par la juge d’instruction dans l’affaire de la disparition de mes enfants.
C’était une audience décisive. J’y allais en espérant que toutes les pistes seraient creusées, que tous les témoignages seraient vérifiés, que tous les éléments permettant de localiser mes enfants seraient mis en œuvre.
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La juge m’a expliqué qu’elle allait clôturer le dossier, et qu’un jugement serait rendu, condamnant la mère en son absence.
Mais elle a été claire sur les limites : les autres pistes d’investigation, les contacts en France, la recherche active des complices, l’exploitation de témoignages contradictoires,ne seront pas systématiquement explorées.
Je savais, depuis plusieurs mois, que la juge avait donné son accord pour convoquer le compagnon de la mère, un homme domicilié à Strasbourg dont le témoignage à la police contient des éléments manifestement faux.
Hier, j’ai appris qu’il ne s’était pas présenté à la convocation. La juge a noté que c’était « un jour de grève » et a annoncé qu’elle le reconvoquerait. Mais elle a aussi précisé : si cet homme ne se présente pas, elle n’envisage pas de le contraindre par la force à venir témoigner.
Mon avocate a réagi : si quelqu’un refuse de se présenter, c’est souvent parce qu’il a quelque chose à se reprocher. Mais je suis ressorti de l’audience avec la même question : qu’est-ce que la justice fera de cette absence ? Quelles conséquences pour l’établissement complet de la vérité ?
Pire encore, certains témoignages dans le dossier sont manifestement mensongers ou contradictoires, mais la juge ne prévoit pas d’aller plus loin.
Autrement dit, dans la pratique, vous pouvez mentir à la police ; si l’instruction considère que c’est “suffisant” pour clore, aucune sanction ne tombera et ces mensonges resteront sans suite.
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Et il y a un autre paradoxe : une autre avocate, constituée initialement, avait déposé un mandat auprès de la juge des enfants et avait eu contact avec la mère après la disparition.
Je ne l’ai même pas évoqué à la juge d’instruction lors de l’audience — et je le regrette.
Mon avocate m’a rappelé que cette autre avocate est tenue par le secret professionnel, et qu’elle ne pourrait de toute façon pas divulguer sa communication.
Mais ce qui me choque, c’est que si aujourd’hui je redonnais des informations ou signalais ce contact, je risquerais de passer pour quelqu’un de procédurier, ou trop insistant.
Le système me place dans une situation paradoxale : je sais des éléments essentiels, mais je ne peux pas les exploiter sans risquer de me discréditer.
La juge m’a rappelé que localiser mes enfants n’était pas son rôle direct, que cela relevait de l’autorité centrale et de l’entraide internationale. Son objectif est l’établissement de la vérité sur les faits principaux, mais il y a un monde entre établir la culpabilité d’une personne et mener une recherche complète impliquant tous les acteurs et toutes les responsabilités.
Je ne remets pas en cause la condamnation probable d’une personne, ce serait une première reconnaissance judiciaire des faits, mais je refuse que l’on s’arrête là, quand des éléments essentiels n’ont pas été confrontés.
Conclusion : une justice incomplète et déconnectée
Aujourd’hui, tout ce qui me reste, c’est l’autorité centrale, où une magistrate suit le dossier au niveau civil. On voit aussi le bureau d’entraide pénal pour les aspects pénaux, mais en pratique, l’autorité centrale ne peut que relancer les autorités à l’étranger par exemple en Équateur et en rien mener des investigations sur le territoire français.
Dans cette situation, je trouve profondément injuste de ne pas avoir un agent de la police dédié, que je puisse contacter directement pour signaler des indices ou des alertes sur les réseaux sociaux, pour demander simplement : « Pouvez-vous vérifier cela ? »
Pour les enfants disparus, il devrait y avoir des services de police spécialisés, rattachés au 116 000 ou à un parquet dédié, capables de mener des investigations même des années après la disparition, dès qu’apparaissent des signes perturbants.
Hier, j’ai compris ceci : la justice ne court pas après les victimes, elle juge. Elle établira des condamnations, mais elle ne cherche pas toujours les enfants disparus ni toutes les complicités.
Je dois accepter une part de ce système tel qu’il est, tout en continuant, avec l’énergie qu’il me reste, à faire vivre la vérité et protéger mes enfants.
Mais il est temps que cette réalité soit connue : dans certains dossiers, c’est la victime qui fait le travail que la justice devrait accomplir d’elle-même. Et tant que cela restera la règle, les familles ne seront pas réellement protégées.