I. Un club à l’agonie, un rêve collectif
En 2011, le Racing Club de Strasbourg vivait l’un des moments les plus sombres de son histoire. Relégué au niveau amateur, surendetté, menacé de disparition pure et simple, le club semblait condamné.
C’est à ce moment-là que j’ai décidé d’intervenir. Mon idée était claire : sauver le Racing en inventant un nouveau modèle de gouvernance du football.
Je ne voulais pas racheter un club pour le posséder, mais pour le rendre à ceux à qui il appartient vraiment : les supporters, les salariés et la ville de Strasbourg.
Mon projet : créer la première Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC) du football français.
Un modèle où chaque acteur — supporters, collectivités, partenaires, salariés — aurait eu voix au chapitre, pour un football transparent, durable et démocratique.
L’actionnaire majoritaire de l’époque, Jafar Hilali, a accepté de me céder le club à condition que je concrétise ce projet.
Le prix ? 1 euro symbolique.

Agrandissement : Illustration 1

« Thomas Fritz, installé chez lui, serein, raconte comment il a racheté à l’homme d’affaires Jafar Hilali le Racing Club de Strasbourg, club exsangue et relégué, pour la modique somme d’un euro. »]
Ce n’était pas une lubie, mais une tentative sincère d’introduire dans le football une “créative attitude comme modèle social”.
II. Du rêve à la manœuvre
Mais à peine le rachat signé, le rêve s’est transformé en siège.
J’ai été empêché d’accéder au stade, bloqué dans l’accès aux documents financiers, et progressivement écarté des discussions.
Le climat est devenu surréaliste : le projet coopératif dérangeait.
Puis, le coup décisif est venu de Frédéric Sitterlé, censé m’accompagner dans la relance du club.
Du jour au lendemain, il s’est retiré, me laissant sans appui financier.
Ce retrait a fragilisé le dossier et ouvert la porte à une liquidation judiciaire orchestrée, dans laquelle Sitterlé a pu reprendre le club contre moi.
Quelques mois plus tard, le Racing changeait encore de mains, revendu à Marc Keller pour deux euros symboliques.

Agrandissement : Illustration 2

Entre ces lignes anodines, tout un pan de vérité a disparu :
le projet originel, coopératif et citoyen, avait été effacé.
Et celui qui l’avait initié — moi — a été sorti du stade par la force, privé d’accès à son propre dossier, et effacé de l’histoire officielle.
III. De l’idéal coopératif au retour des actionnaires
Le Racing a survécu, oui. Il est même redevenu un club phare du football français.
Mais le sens du projet a été totalement renversé.
L’idée d’un club citoyen, gouverné collectivement, a laissé place à un modèle actionnarial classique, centré sur la rentabilité.
En 2023, le club a été revendu à BlueCo, le consortium américain propriétaire de Chelsea, pour un montant estimé entre 45 et 75 millions d’euros.
Une plus-value vertigineuse, bâtie sur les ruines de ce que j’avais tenté de construire autrement.
IV. Le modèle SCIC refait surface : Bastia, Sochaux et les économistes du sport
Ce que j’avais voulu initier à Strasbourg, un club SCIC, local, transparent, collectif, a depuis fait école ailleurs.
Des clubs comme Bastia ou Sochaux, confrontés à des crises similaires, ont repris ce modèle coopératif pour assurer leur survie tout en impliquant leurs supporters.
Et aujourd’hui, de nombreux économistes du sport défendent ouvertement ce modèle :
la SCIC apparaît comme la meilleure voie pour garantir la stabilité financière, la participation citoyenne et la transparence des clubs.
Autrement dit : le modèle que j’avais proposé en 2011 était simplement en avance de dix ans.
V. Un goût amer, mais une conviction intacte
Le Racing est aujourd’hui en haut de l’affiche.
Et tant mieux pour ses supporters, qui méritent cette réussite.
Mais pour moi, cette histoire garde un goût amer.
Pas seulement à cause de la trahison, mais parce que le football français a raté une occasion historique de devenir exemplaire.
Je n’ai jamais voulu m’enrichir avec le Racing.
Je voulais en faire un bien commun, une aventure collective où chacun aurait eu sa place.
On m’a volé ce projet.
Mais on ne me volera pas l’idée :
👉 un autre football reste possible.
Thomas BRANT (vrai nom Thomas FRITZ)