Je me suis décidé il y a quelques jours.
Aujourd’hui, normalement, le colis arrive à la prison.
À l’intérieur, un ensemble de livres que j’ai voulu adresser à Nicolas Sarkozy, ancien président de la République, désormais détenu.
Ce n’est pas un geste politique. Pas vraiment.
C’est un geste de désespoir, mais aussi d’espérance.
Je me suis dit que peut-être, dans ce huis clos où l’ancien chef de l’État médite sur le pouvoir et ses revers, il pourrait entendre quelque chose de cette autre faillite : celle du service public français, devenu machine sans âme.
J’ai donc fait envoyer, par l’intermédiaire d’un libraire sur Amazon, plusieurs ouvrages :
- Simone Weil, Note sur la suppression générale des partis politiques, ce cri de lucidité qui dénonçait déjà la confiscation de la pensée par les appareils.
- Ma propre traduction de La Nef des Fous, l’œuvre de mon ancêtre Sébastien Brant, ce moraliste du XVe siècle qui voyait l’humanité naviguer sans gouvernail vers la folie collective.
- Za Charia, Programme politique un peu fou d'un ingénieur chrétien coraniste laïc, inquiet pour l’avenir de ses enfants.
- La Barbe à papa de l'AZEU, ouvrage sur les défaillances de l'Aide Sociale à l'Enfance
- Et enfin Anita Satan, livre-témoignage sur cinq années de souffrance et de défaillance institutionnelle : la justice, la police, l’Aide Sociale à l’Enfance… toute une chaîne de responsabilités qui, au lieu de protéger, a laissé s’effondrer une famille. Jusqu’à la disparition de mes enfants l’an dernier.
Ce n’est pas un cri contre l’État, c’est un cri vers l’État.
Parce qu’à force de déléguer, d’automatiser, de déshumaniser, nos institutions se sont vidées de leur sens.
J’ai cru longtemps que la République était une maison solide. J’ai découvert qu’elle pouvait être un labyrinthe.
Alors pourquoi Sarkozy ?
Parce que malgré tout ce qu’on peut lui reprocher, il incarne encore une figure de la verticalité politique, celle d’un homme d’État qui a connu le pouvoir réel, ses compromissions, mais aussi ses responsabilités. Peut-être pourra-t-il, dans sa cellule, comprendre ce que beaucoup d’élus ne voient plus : que la France ne souffre pas d’un manque d’argent, mais d’un manque de justice, d’un manque de sens du service public.
Je ne sais pas s’il lira.
Je ne sais pas si les livres passeront la porte de la prison.
Mais ce que je sais, c’est qu’ils portent un message simple : on ne sauvera pas la France sans refonder son humanité.
Et pour cela, il faudra, un jour, que quelqu’un, qu’il s’appelle Sarkozy, ou autrement, ose rouvrir la question du service public comme service de l’homme, et non de l'usure.