“Des coups de cutters” ; “une cotte de maille” ; “des petits fantômes qui te frappent toute la journée sans que personne ne les voie” : voilà comment Mathilde, 26 ans, décrit ses douleurs… quotidiennes.
Pourtant en la rencontrant pour la première fois, la plupart d’entre nous se disent qu’elle a l’air de respirer la forme. “J’ai essayé de faire la gueule, mais ça n’aidait pas" dit-elle souvent en rigolant.
Sauf qu’à force de compenser, elle s’expose à des douleurs de plus en plus fortes, de plus en plus souvent.

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En acceptant de peindre sur son corps les zones douloureuses, leur intensité, leur forme, leur “couleur”, Mathilde donne à voir comment elle va vraiment.
C’est beaucoup moins simple que le binaire “ça va / ça va pas” des salutations rituelles au bureau, entre amis, en famille. Mais c’est plus juste.
En faisant ce film, Mathilde ou moi n’avions pas idée à quel point son cas donnerait le courage à d’autres femmes de parler. Les commentaires sous la vidéo, sous les posts d’instagram ou facebook ou bien les messages envoyés en réaction illustrent à quel point encore aujourd’hui les femmes en situation de douleurs chroniques dues à l’endométriose N’OSENT PAS en parler.
"Merci merci merci. Je suis très émue parce que c'était exactement ce que je vis. Hier j'ai eu un rdv médical compliqué psychologiquement parce que j'ai eu l'impression qu'on m'expliquait que c'était pas possible que j'aie mal partout comme ça tout le temps sans raison... Ou juste parce que j'ai de l'endométriose... Aujourd'hui je tombe par hasard sur cette vidéo et j'ai l'impression de m'entendre. Alors je me dis je suis pas seule et je suis pas folle. Merci beaucoup." (commentaire sous la vidéo)
"J'en avais les larmes aux yeux, voir nos maux mis en image, et surtout se dire "bah non je ne suis pas folle, je ne suis pas la seule à ressentir toute cette m…" ça fait du bien. Merci pour ce petit film super fort. J'ai partagé sur FB." (commentaire sous la vidéo)
"merci à Mathilde qui parle si bien - avec tant de lumière, de charme, d'humour, de combativité et de poésie - des douleurs chroniques. L'endométriose mais pas que.... Mes "petits fantômes" et moi sommes vraiment très reconnaissants" (partage sur Facebook)
La reconnaissance de l’endométriose comme affection longue durée pourrait permettre aux femmes dans la situation de Mathilde d’être évidemment mieux remboursées, mais aussi de ne pas céder face aux pressions de médecins mal renseignés.
L’autorité symbolique dont les généralistes et spécialistes héritent, surpasse parfois leur réelle compréhension de cette maladie. Encore trop souvent, on entend qu’il normal de souffrir lorsqu’on a ses règles, ou tout simplement parce qu’on est une femme.
Cette souffrance, chronique et invasive, est tout sauf normale.
En attendant de trouver un jour un traitement universellement efficace pour les différentes façons dont cette maladie a de se développer, la reconnaissance par la société de la souffrance vécue est le premier pas pour une meilleure prise en charge globale : aménagement des temps de travail, parcours palliatifs, orientations plus rapides et dépistages préventifs (il faut encore 7 ans en moyenne d’errance médicale pour mettre le mot “endométriose” sur ces souffrances).
En attendant la reconnaissance d’affection longue durée de l’endométriose, la compréhension intime de la souffrance chronique est une façon simple d’aider celles aux prises avec les douleurs invisibles.
Thomas Coispel et Mathilde François
Voir le film “douleurs peinte"