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Billet de blog 10 octobre 2025

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La crise politique est une opportunité de refondation profonde

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Sans cette refondation, la crise deviendrait une ritournelle lancinante, ressassant une disharmonie agaçante pour ceux qui aiment la France. En novembre 2023, j’ai publié un essai politique au titre volontairement provocateur : Et que vive la 7ᵉ République ! C’était un ouvrage destiné à faire réagir. Mais il est difficile de discerner l’énergie de l’avenir — voire l’ironie — dans la léthargie culturelle que nous acceptons et subissons.

Chronologiquement, nul ne prétend que l’on puisse passer de la Ve à la VIIe — à moins de relire ou réécrire l’histoire. Mon propos était autre : la Ve est en fin de course et, depuis une vingtaine d’années, nous vivons dans un régime transitoire dont nous ne connaissons pas le nom, une VIe officieuse. Notre régime actuel ne correspond ni à la Ve ni à autre chose : il est interstitiel et non assumé, d’où les dysfonctionnements et la perte de repères. La crise politique reflète ainsi des besoins plus profonds et plus impérieux qu’un simple changement de tête à l’Élysée ou qu’un nouveau gouvernement « mi-figue mi-raisin ».

Sur le Président actuel. — Et ce qu’il a manqué — sans m’acharner, d’autres s’en chargent avec délectation — c’est d’avoir renoncé à la révolution démocratique qu’il annonçait dans Révolution en 2017. Après la dissolution de juin 2024, il a contrecarré la coutume républicaine qui aurait voulu que le bloc arrivé en tête gouverne, fût-ce provisoirement. En inversant ce principe, il a perverti le jeu démocratique et brouillé ses cadres essentiels ; à mes yeux, il n’a fait là que traduire les codes implicites d’une VIᵉ République officieuse. Peut-être n’est-il pas trop tard.

Ni Faure ni Mélenchon, ni même Le Pen ou Bardella ne sauveront la Nation. Aucune personne seule n’y suffira. Ce n’est pas en s’en remettant à une figure « providentielle » que la France se préservera de sa décrépitude. Le processus sera plus long, plus fondamental, plus collectif.

La France doit être égale à elle-même : elle doit correspondre à l’idée qu’elle se fait de son histoire et de sa culture. Elle doit orienter l’idée de démocratie vers quelque chose de plus grand, en redevenant ce phare qui éclaire.

Trop longtemps, elle s’est contentée d’un glissement vers un régime qui ne sied plus à son imaginaire politique, à son ethos. La France se dégoûte d’elle-même lorsqu’elle s’avilit dans l’image médiocre qu’elle présente désormais au monde et lorsqu’elle se confond avec un principe oligarchique de plus en plus prégnant, qui incarne l’affaiblissement des idées d’une grande Nation politique et intellectuelle — rétrécissement.

Nous ne devons pas bricoler des arrangements ni poser des pansements sur l’édifice. Nous devons au contraire concevoir des mécanismes pérennes au sein d’une architecture nouvelle qui, tout en s’appuyant sur le meilleur du passé, projette notre démocratie au XXIᵉ siècle : transparence, participation, citoyenneté, séparation des pouvoirs et délibération.

Quelques exemples. J’écrivais dans cet essai qu’au sujet de la dette il fallait instituer des garde-fous durables pour empêcher l’amoncellement opaque, plutôt que de se contenter de règlements temporaires et circonstanciés, assortis d’arrangements à la marge.

Dans l’espace public, nous serions avisés de fonder des principes pluralistes en contestant l’oligarchie culturelle : soutien à un fonds pluraliste pour une presse libre, constitutionnalisation de la lutte contre les concentrations médiatiques, promotion d’un fact-checking institutionnel.

Nous serions tout autant avisés d’établir une organisation moderne et polycentrique, plutôt que de nous acharner sur le millefeuille administratif qu’est devenue la France : décentrer Paris et décentraliser réellement, en associant plus distinctement les régions à la gouvernance du pays — par exemple au sein d’une seconde chambre repensée en ce sens.

Plutôt que de vagues promesses de proportionnelle, plus ou moins heureuses, nous devrions instaurer des mécanismes profonds de démocratisation, en introduisant notamment la société civile comme acteur institutionnel à part entière et co-décideur.

Pour notre avenir économique, au lieu des va-et-vient et des atermoiements, réorientons l’économie autour de projets industriels innovants : énergie, intelligence artificielle et souveraineté (médicaments essentiels et tout ce dont nous avons besoin pour fonctionner, y compris en temps de guerre). Sur le plan scientifique, ciblons 4 à 5 grandes priorités sur lesquelles fonder nos espoirs et le sursaut de notre projet économique.

La transition ne peut se réaliser unilatéralement : il faut replacer les syndicats et le dialogue social dans la co-décision. C’est par cette organisation et cette intelligence collectives que nous relèverons les défis de demain.

Il faut aussi replacer la mobilité sociale au cœur du projet républicain et refonder la méritocratie comme promesse d’égalité. Nous allons vers une nouvelle fin des privilèges, car trop se sont goinfrés du gâteau — toujours aux dépens des mêmes. Il suffit. Les Français attendent davantage de justice fiscale : accroître la progressivité et l’instaurer également dans la TVA, l’impôt le plus inégalitaire ; rendre la TVA progressive, soit en modulant les taux selon l’impact social, sanitaire et écologique des produits (bonus–malus), soit en les modulant selon le revenu des consommateurs, à l’instar de l’impôt sur le revenu

Nous devons sanctuariser les biens communs — eau, air, sol, électricité, éducation, culture — et mettre en place des mécanismes qui préviennent et sanctionnent les conflits d’intérêts, notamment dans la santé, en enrayant la recherche de profit face aux enjeux fondamentaux ; que l’État puisse se substituer aux laboratoires si des molécules ou d’autres pistes non rentables sont bénéfiques à tous.

Il nous faut inscrire dans la Constitution des principes fondamentaux et les contours d’une liberté renouvelée qui nous habitent aujourd’hui : égalité salariale stricte femmes-hommes, droit de mourir dans la dignité, respect de l’environnement, et bien plus encore.

De l’audace, de l’audace, de l’audace ! La France inscrira, je l'espère, une nouvelle vision du progrès de l’humanité. Être patriote, ce n’est pas être nationaliste : c’est porter pour soi une conception si haute du progrès qu’on la souhaite pour les autres, pour l’humanité.

Les crises sont des opportunités : ne les gâchons pas. Ne répétons pas les soubresauts historiques de nos transitions constitutionnelles, qui ne se sont jamais vraiment bien passées. Il en va de l’avenir de la démocratie.

Pour découvrir l’essai : https://editionsilestmidi.com/1911791-Et-Que-Vive-la-7eme-Republique-Thomas-SEGUIN?srsltid=AfmBOooFIXro8rJ_uW4-TTZs6a85cN_GxTkXlki6ZH3hwLxnbqwCg5VR

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