« La guerre des deux droites ». C'est par cette Une que le Figaro résume le second tour de la primaire de la Droite et du Centre. Or, voici un mois qu'éditorialistes et sondeurs nous récitent à l'envi la leçon du regretté René Rémond, dite « théorie des trois droites ». Alors, deux ou trois ?

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Mettez m'en quatre !
La typologie des trois droites de René Rémond date un peu. La première édition de « La Droite en France », date de 1954. L'historien y distingue la droite légitimiste (royaliste, extrême-droite), des droites orléaniste (libérale) et bonapartiste (gaullisme). Entre elles, le schisme daterait de 1815.
Aujourd'hui, on pourrait rapprocher ces catégories des trois « courants » de Droite : le FN serait légitimiste, les Républicains bonapartistes et l'UDI orléaniste. Ainsi, en évoquant l'affrontement de deux droites, le Figaro n'a pas tout à fait tort. Il évacue simplement l'extrême-droite du champ de la « droite républicaine ».
Hubert Huertas et Frédéric Says font de même dans leur ouvrage « la guerre des deux droites », où ils décrivent le conflit entre gaullisme et centrisme « depuis le oui mais de Giscard à de Gaulle, en 1969 ». Eric Zemmour reprendra cette distinction à son compte dans une tribune évoquant « la vieille guerre des deux droites entre bonapartistes et orléanistes ».
Cependant, la primaire a montré qu'au sein des Républicains, plus de deux droites s'affrontent. Il faut dire qu'en 60 ans, l'effondrement des idéologies a quelque peu brouillé la donne. Peut-on dire que NKM est orléaniste ? Et surtout, où placer François Fillon, qui n'est ni charismatique (bonapartiste), ni centriste (orléaniste) ?
Désormais, les historiens, à l'instar de Michel Winock professeur à Sciences-po, considèrent désormais que, si la thèse de René Rémond reste pertinente, il faut désormais ajouter une quatrième catégorie.
Pour Winock, cette quatrième dimension se nomme « national-populiste ». Pour le politologue Thomas Guénolé, ce serait la « droite morale ». Une case qui conviendrait d'ailleurs parfaitement à François Fillon.
Il n'en restera qu'une
Cette première primaire a dévoilé combien la Droite est plurielle. Un constat qui n'est pas neuf. Rémond lui-même, après avoir re-titré l'édition de 1982 de son ouvrage « Les droites en France », revu carrément sa copie dans un nouvel opuscule : « La recomposition des Droites ».
Pour autant, il semble que l'idéologie dominante parmi le « peuple de droite » soit peu à peu devenue assez homogène.
Selon Guillaume Bernard, historien à Institut Catholique d'Études Supérieures, le duel Fillon-Juppé ne serait pas l'affrontement de deux droites, mais d'une seule droite, la « libérale ». Il évoque le « mouvement dextrogyre » (du latin qui tourne à droite)dont cette primaire serait l'illustration.
Exit donc le gaullisme et son « social-humanisme » cher à Philippe Séguin, pourtant pygmalion de François Fillon. Une théorie démontrée par l'analyse des programmes de Juppé et Fillon, dont les objectifs sont tout à fait similaires... et où seule la méthode change. Même à l'UDI on se rallie au programme libéral-conservateur de Fillon.
2016 saluerait donc le triomphe de la « droite libérale ». Un monochrome, sur lequel les personnalités politiques viendraient apposer, au gré de l'actualité et des enjeux électoraux, quelques touches discrètes de sécurité, d'écologie, de progressisme ou de morale.
Il n'y a finalement plus que... l'extrême-droite pour rejeter la doctrine libérale et prôner un « socialisme-national », pour ne pas dire un « national-socialisme » (lire Le Front National ou le nouveau visage du socialisme).
Au final, toujours selon Thomas Guénolé, le « peuple de droite » ne se pose plus vraiment la question de savoir s'il est légitimiste ou bonapartiste. Il se retrouve essentiellement dans quelques marqueurs clés, dont le rejet de la gauche et des impôts ainsi que la priorité donnée à la sécurité.
Si l'on suit cette thèse, Alain Juppé doit son échec à son refus d'incarner le « rejet de la Gauche », dont il est devenu, ironiquement et malgré lui, le candidat.