Lundi 25 Avril (#56 Mars) a été organisé le premier débat de la Commission Vote Blanc, animé par son référent, François Coelho, dont vous pouvez retrouver le portrait dans le portfolio réalisé par Mediapart (1).
Depuis trois semaines très exactement, François vient tous les jours sur la Place de la République, à Paris, pour informer sur les possibilités du vote blanc et faire signer sa pétition : il y a déjà récolté plus de 3.500 signatures uniquement pour la capitale ainsi qu'une version en ligne est aussi disponible, et rassemble plus de 150.000 signataires (2).
Devant le succès de la Nuit Debout et la volonté de trouver des débouchés concrets, il nous a semblé intéressant de réfléchir ensemble, selon le format des commissions propre à ce mouvement, à ce que pourrait apporter le vote blanc pour un éventuel renouveau de la démocratie.
Le débat, qui a commencé vers 18h sous le froid avec une demi-douzaine de personnes s’est terminé une heure plus tard, sous la pluie, devant une assemblée de plus de cinquante participants.
Deux grands axes de réflexion étaient envisagés pour cette première tentative de réflexion sur d’éventuelles pistes d’actions :
_ Vote blanc ou abstention ?
_ Pour un candidat blanc ?
Vous pourrez retrouver l’intégralité de l’événement sur la vidéo à la fin de ce billet (veuillez d’ores et déjà excuser la piètre qualité). Dans ce billet, tout le texte est extrait et réorganisé autour de ce qui s’est dit à l’occasion de ce débat.
Vote blanc ou abstention ?
Il ressort de cette question que de ne pas intégrer les votes blancs dans les suffrages exprimés, à part des votes nuls, est tout à fait anormal. En effet, contrairement à l’abstention, le vote blanc implique une démarche citoyenne : celle de se déplacer pour exprimer son opinion, qui est de ne se reconnaître dans aucun des candidats en lice. Comme ce vote n’est pas reconnu, beaucoup font le choix politique de ne pas aller jusqu’au bureau de vote et parlent d’abstentionnisme engagé.
Même si le vote blanc a connu une première avancée dernièrement, ça reste de la « poudre aux yeux », selon l’un des participants. Or une vraie reconnaissance du vote blanc permettrait de faire baisser l’abstention, qui reste aujourd’hui la seule forme de contestation électorale un tant soit peu médiatisée, bien que négativement : il est facile d’assimiler les abstentionnistes à des je-m’en-foutistes qui se désintéressent de la politique, alors que nombre d’entre eux suivent cette fois par militantisme ou dépit. Un intervenant fait remarquer que si la masse d’abstentionnistes allait mettre un bulletin blanc dans l’urne, il y en aurait une telle pile lors du dépouillement qu’il serait impossible de faire l’impasse sur sa signification comme affirmation publique d’une opposition citoyenne, tandis que l'abstention engagée reste intime. Mais pour avoir une masse suffisante de vote blanc, certains participants évoquent la nécessité de rendre la participation obligatoire, ce qui est loin de faire l'unanimité.
Le problème de la reconnaissance du vote blanc n’est cependant pas le seul frein à l’utilisation de cet outil de contestation : outre le fait qu’on puisse être sceptique quant à son utilité pour régler les problèmes politiques actuels, des participants ont fait remarquer que s’abstenir pouvait aussi signifier refuser le vote : propos qui font réagir l’audience, étant donné que « le vote a été une conquête ». En outre, l’abstention est vue comme un problème : on ne votant pas, on approuve un système illégitime, or les suffrages exprimés réduiraient leur légitimité. L’argument inverse ressort aussi : ceux qui vont voter faute de choix, pour le moins mauvais, ont une part de responsabilité dans un système qu’ils cautionneraient. Au contraire, les abstentionnistes représenteraient la majorité du pays. Ce ne serait pas avec une petite réforme du vote blanc qu’on parviendrait à changer en profondeur la politique en France.
Ce serait d’ailleurs pour cela qu’il n’est pas comptabilisé: les législateurs en ont peur, et n’ont aucun intérêt à le faire reconnaître. L’exemple de François Hollande revient à plusieurs reprises : si en 2012 votes blancs et votes nuls avaient été reconnus, il n’aurait pas recueilli la majorité absolue nécessaire pour devenir président. Dans ce cas, est-ce qu’il aurait pu être concurrencé par une candidate anonyme, Madame Blanc ?
Madame Blanc, et après ?
L’association pour laquelle milite François envisage de présenter, un 2017, un candidat du Parti Blanc, « Madame Blanc », qui aurait pour objectif de fédérer tous les mécontents : abstentionnistes, votants par dépits et autres. Le programme du prête-nom est encore mal définit, mais une chose est certaine : il n’y aurait qu’un seul point dans son programme pour éviter la dispersion des voix. Le but final serait de réformer la politique en faisant converger les voix de tous ceux qui ne se retrouvent pas dans les autres candidats. Depuis les années 2000, plusieurs partis blancs ont été montés : François est en contact avec leurs fondateurs pour reprendre cette lutte là où ils l’ont laissé. Nuit Debout et Madame Blanc s’enrichissent mutuellement : le premier peut donner une formidable visibilité à la seconde, qui elle pourrait être à même d’entériner ce qui s’est dit et ressentit lors de ces nombreuses Nuits.
On part du principe que le candidat blanc ne représente que les intérêts du vote blanc, qui restent cependant à définir : le but est l’association d’un maximum de personnes. On peut donc partir sur l’idée que Madame Blanc proposerait, avant son auto-destitution, soit :
· Un référendum sur la reconnaissance du vote blanc.
· Un référendum sur une nouvelle constitution.
· La mise en place de nouvelles élections.
L’atout d’un candidat blanc tel que présenté maintenant serait de donner de la visibilité aux possibilités du vote blanc comme arme de contestation légitime. La réforme de l’élection présidentielle passée récemment complexifie la tâche, mais constitutionnellement, le projet d’un candidat blanc ne pose pas de problème, au contraire : une personne de l’assemblée a indiqué avoir déjà participé à des élections sous cette couleur, et explique sa vision de la chose : « J’ai été candidat du vote blanc aux législatives, et si vous voulez mettre un bulletin à disposition des électeurs, il faut créer un parti, parce que quoiqu’on en dise, même si 85% des gens votent blanc, ce ne n’apparaitra pas dans les pourcentages. Donc en attendant, il faut une structure pour permettre à ces gens d’apparaître dans les résultats des votes : un candidat qui représente ceux qui souhaitent voter blanc, et qui tente de mettre en place la reconnaissance du vote blanc ». Et ce projet est en bonne voie : Stéphane, le président de l'association, évoque les 40 maires qui ont déjà donné leur accord de principe pour leur signature.
Une critique émise est que le fait de présenter un candidat, de plus dans le cadre d’un parti, revient à reprendre les règles actuelles du jeu politique, un « truc à la Podemos, Syriza, avec la corruption qui se met en place… ». En outre, qui nous dit que le prête-nom ne serait pas tenté de revenir, comme beaucoup, sur ses promesses de campagne ? Même si l’objectif est d’avoir le candidat le plus anonyme possible, le risque existe. De plus, si de nouvelles élections doivent avoir lieu, ne risquerait-on pas de revoir les mêmes candidats ? Qui décidera de leurs modalités, du cadre dans lequel elles prendraient place ? Une autre critique vient : « Je comprends tout à fait la démarche de présenter quelqu’un, ça marche dans la logique actuelle, mais quand j’en parle autour de moi, pas mal de gens seraient ok de voter blanc, mais le parti et le candidat freine les gens : cela requiert leur l’adhésion, même avec un programme minimaliste, or beaucoup ne veulent pas adhérer, ils veulent simplement dire non. Et le vote FN est actuellement utilisé pour dire non, car il n’y a pas d’autre choix, ils ne peuvent pas voter pour autre chose. Faire un chiffre massif de blanc dans lequel tout le monde pourrait se reconnaître pourrait marcher ».
Et dans ce cas, plus qu’un candidat blanc, est ce qu’il ne serait pas plus intéressant de faire une campagne parallèle aux présidentielles poussant les gens à aller voter blanc plutôt que de ne pas voter ou de voter par défaut ?
« Après c’est une question de stratégie : l’abstention en soit ne change rien, tandis que si tous les abstentionnistes vont mettre un bulletin blanc, là le gouvernement va commencer à trembler. J’y travaille énormément, j’y réfléchis énormément, mais je ne suis pas prêt à déployer mes idées comme ça. Qu’est-ce qu’on va proposer aux gens qui iront voter blanc, qu’est-ce qu’il y aura derrière ? Le vote blanc, c’est jouer une dernière fois leur jeu de démocratie représentative, pour stopper leur système à la noix. On rêve tous de la démocratie, et ce vote peut représenter un nouveau départ. Un candidat oui si vous voulez, mais il se fera shooter ou corrompre. Tandis que si tout le monde vote blanc au sens premier du terme, ils ne pourront rien faire. Le peuple sera légitime pour exiger des comptes, et là on pourra vraiment discuter de la suite dont on discute dans les AG et les commissions ».
NB : N'hésitez pas à commenter, donner votre avis ou faire part de vos interrogations, il sera possible de les faire remonter lors de la prochaine rencontre sur le sujet !
VIDEO : https://www.youtube.com/watch?v=1BnCS9euGB4
1 : https://www.mediapart.fr/portfolios/peut-etre-que-l-assistera-au-printemps-de-paris
2: https://www.change.org/p/pour-que-les-votes-blancs-soient-pris-en-compte-dans-les-suffrages-exprim%C3%A9s-pour-toutes-les-%C3%A9lections