Timothée M

Docteur, Enseignant, Chercheur

Abonné·e de Mediapart

3 Billets

0 Édition

Billet de blog 17 juillet 2025

Timothée M

Docteur, Enseignant, Chercheur

Abonné·e de Mediapart

Ni juste, ni claire, ni complète : repensons la qualification MCF

La qualification de Maître de conférences est, en théorie, bien plus qu’un simple passage administratif. Elle représente une reconnaissance nationale du métier et du statut d’enseignant-chercheur, essentielle pour garantir l’excellence du service public et pour protéger les libertés académiques. Mais la procédure actuelle concentre presque exclusivement son attention sur les publications scientifiques, au détriment des autres dimensions du métier. 

Timothée M

Docteur, Enseignant, Chercheur

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La qualification aux fonctions de Maître de conférences est, en théorie, bien plus qu’un simple passage administratif. Elle représente une reconnaissance nationale du métier et du statut d’enseignant-chercheur, essentielle à la fois pour garantir l’excellence du service public d’enseignement supérieur et pour protéger les libertés académiques dans un contexte de plus en plus incertain.

À l’heure où les docteur·es sont trop peu reconnu·es dans la société, cette qualification devrait valoriser l'ensemble de leurs compétences, au service de l’université et de la nation. Cependant, la procédure actuelle concentre presque exclusivement son attention sur les publications scientifiques, au détriment de toutes les autres dimensions du métier : pédagogie, engagement institutionnel, ouverture vers la société. Cette orientation déséquilibrée trahit une conception étroite du rôle d’un enseignant-chercheur, réduisant l’excellence à sa seule productivité bibliographique. Cela constitue une perte pour l’université autant que pour les candidat·es. Une perte se perpétuant tout au long de leurs carrières. 

La part enseignement, pourtant centrale dans les fonctions de Maître de conférences, demeure largement négligée dans le processus de qualification comme dans la reste de la carrière. Il est courant que des dossiers soient évalués sans réelle attention aux expériences pédagogiques des candidat·es, sans mention explicite de leur capacité à assurer un service complet d'enseignement de qualité, ni prise en compte de leur vision pédagogique, de leur rapport aux étudiant·es ou de leur engagement dans l’innovation didactique.

Pourtant, la qualité des enseignements dispensés aujourd’hui façonne directement les compétences, l’esprit critique et la rigueur intellectuelle des scientifiques, ingénieur·es, enseignant·es, et expert·es de demain. Dans un monde traversé par des crises complexes, former des esprits autonomes, curieux, capables de relier savoirs théoriques et enjeux concrets n’est pas un luxe. Il s'agit d'un impératif démocratique. Négliger la dimension pédagogique dans la qualification, c’est fragiliser l’ensemble du tissu scientifique et éducatif de la nation. Il devient urgent de corriger cette myopie en exigeant des dossiers une réflexion sur l’enseignement aussi structurée que celle demandée sur la recherche. Cette reconnaissance de la fonction pédagogique doit s’accompagner d’un véritable droit à l’enseignement pour les doctorant·es qui le souhaitent. Trop nombreux·ses sont celles et ceux qui désirent acquérir une expérience concrète d’enseignement, indispensable à leur avenir professionnel, mais qui se heurtent à des refus catégoriques ou à des obstacles administratifs. Garantir un droit effectif à enseigner est un levier à la fois de formation, de justice et d'efficacité. 

Pour que la qualification reflète réellement les exigences du métier, il est indispensable de former les sections du CNU à évaluer l’ensemble des dimensions du dossier, et notamment les compétences pédagogiques, souvent reléguées au second plan. Mais l’enjeu dépasse la seule pédagogie. L’université ne peut ignorer ses responsabilités sociétales. L'ouverture aux enjeux territoriaux, les engagements pour l’équité et l'inclusion, la capacité à dialoguer avec la société civile comme avec les acteurs économiques intègrent et amplifient ses missions de recherche et d'enseignement. Ils participent pleinement de la mission de service public et doivent, à ce titre, être reconnus comme des compétences professionnelles à part entière, dans la qualification comme dans l’évaluation des carrières.

La régénération de la qualification est la première pierre à poser pour rendre son honneur et sa grandeur à l'université. Elle doit être un socle plus robuste, plus juste, plus universel, plus fidèle à la complexité du métier d’enseignant-chercheur. Elle doit permettre de bâtir une université à la hauteur des promesses du savoir, de la justice et de la démocratie.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.