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Billet de blog 13 avril 2023

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La violence sous toutes les coutures

La violence aurait-elle le vent en poupe? En faut-il vraiment pour tous les goûts, d'après les gourous des pouvoirs ?

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                                                                   Le temps presse pour agir.                     par  Schuyler Rhodes  28-02-2023

                                                       SPIRITUALITÉ  DE  LA  VIOLENCE

J’ai grandi sous l’emprise du mythe américain de droiture. Dans mon univers naïf, nous étions les bons. Nous représentions la liberté et la démocratie. Nous vivions, comme on nous l’assénait sans cesse, « dans le meilleur pays du monde. »  Et nous y croyions. Dans les années fiévreuses après la Seconde Guerre Mondiale, nous étions abreuvés des scintillantes images télévisées en noir et blanc du triomphalisme américain.  La nuit, en nos pyjamas, nous nous laissions, ébahis, endoctriner par les narratifs de la puissance américaine accompagnée  du mythe encore plus profond de sa violence rédemptrice.  Des émissions telles que « Combat, » « Wagon Train,» « Gunsmoke » et « Have Gun, Will Travel » configuraient nos esprits avec une panoplie de violence sans fin, promue comme la panacée à n’importe quel problème. Cette tendance s’est renforcée.  On estime, à l’heure actuelle, qu’un jeune Américain moyen de dix-huit ans a vu plus de 200.000 actes de violence à la télévision, selon l’American Psychiatric Association.

Nos loisirs réverbéraient la violence qui nous entourait. Sur nos murs d’escalade, nos terrains de jeu, nous poussions des cris de joie et c’était toujours à propos de la noblesse et du mérite des Américains de vaincre une série sans fin de méchants incarnant l’ennemi du jour de la nation. Chaque jour, on saisissait nos fusils-jouets en nous élançant contre des indigènes américains, des Britanniques, la Confédération, les Espagnols, les Allemands et, bien sûr, les Cocos.  Aujourd’hui, ce sont les « terroristes » merveilleusement  indéfinis, de race ou d’ethnicité quelconques, qui peuvent servir l’agenda du moment. Face à chaque menace, à chaque ennemi, nous pouvons recourir à une violence justifiée, voire noble, dont on nous dit qu’elle nettoiera le territoire souillé.

La violence rédemptrice est profondément ancrée dans la croyance culturelle que, au bout du compte, seule la violence résoudra vraiment nos problèmes. Naturellement, ça fait joli de faire un signe de la tête envers les rêveurs idéalistes. En effet, on fait ses modestes révérences à Gandhi, Dorothy Day, Dr. King et d’autres, mais nous avons complètement intériorisé dans notre quotidien que c’est la violence qui a le dernier mot; c’est elle qui mènera le travail à son terme. En cours d’histoire, par exemple, nous apprenions qu’il n’y avait pas d’autre choix pour nous que de lancer la bombe atomique sur le Japon parce que, autrement, ils ne se seraient jamais rendus. Tout ce mépris bien trop familier prend soin d’oublier qu’en réalité le Japon avait fait plusieurs tentatives de paix avant le « lâchage » des bombes sur Hiroshima et Nagasaki. De plus, l’entrée en guerre de l’Union Soviétique a eu également un impact profond sur la défaite. Nous avions des alternatives à l’évaporation totale de deux villes, mais des pourparlers de paix n’étaient pas acceptables.  Il fallait absolument une reddition totale.  Ainsi Enola Gay et Bockscar s’élancèrent avec leurs charges nucléaires en direction d’Hiroshima et Nagasaki.

 Dans tout cela, n’ignorons pas le passé d’une nation dont l’histoire se déroule dans un perpétuel déploiement de violence.  Cela saute tellement aux yeux qu’il n’est pas possible d’en faire  la pleine démonstration ici, mais l’horrible vérité est que cette nation s’est littéralement bâtie sur les dos ensanglantés de millions d’êtres humains réduits en esclavage. Plus d’un siècle après, ce trauma générationnel pèse encore sur les âmes d’Afro-Américains de par le monde. Aborder la question des réparations pour ce crime contre l’humanité déclenche la dérision et le déni. Notre soi-disant « destinée manifeste »  a parcouru le continent de long en large, par-dessus les charniers des peuples indigènes, ce que certains considèrent comme le plus grand génocide dans l’histoire de l’humanité. Notre puissance industrielle s’édifia à travers la brume enfumée des spectres d’activistes syndicalistes martyrisés.

 Et aujourd’hui nous devons nous rendre à l’évidence que nous sommes enfermés dans un arc de guerres sans fin en Afghanistan, Irak, Syrie, les Philippines, Turquie, Somalie, Niger, partout dans le monde, littéralement sans fin.  Et afin de nourrir cette conflagration qui s’élargit, les États-Unis investissent plus dans le domaine militaire, à eux seuls, que les onze autres plus grands pays militarisés réunis.  Évidemment, cette violence nous revient en boomerang au vu des tueries de masse quotidiennes avec un horrible nombre de victimes dans nos communautés. Nous nous sommes tellement habitués à ce noyau violent de notre réalité nationale qu’il est devenu une partie de notre réalité spirituelle.  Il devient clair, en effet, que nous avons besoin de nous confronter au fait que la violence est devenue le soubassement spirituel de la conscience américaine. Depuis notre révolution bourgeoise, inspirée par la cupidité, jusqu’à l’expansion vers l’ouest, puis aux guerres par drones informatisées qui s’étalent indéfiniment devant nos yeux, l’Amérique a été baptisée dans le sang d’innocents. Nos esprits ont été attelés et appariés  au char d’un matérialisme hautement individualiste lequel, de par sa nature narcissique, reste aveugle aux souffrances que nous provoquons dans le monde autour.  

La spiritualité de la violence est plus qu’une vague tendance dans la culture américaine. Elle est hautement organisée en des pratiques quasi-religieuses et renforcée  avec une rigueur croissante qui peut perturber même le cœur le plus insensible. Le culte de la violence protège le droit de posséder des armes avec autant de zèle que n’importe quel fanatique religieux.  En effet, la NRA (National Rifle Association, protectrice de tout ce qui touche de près ou de loin aux intérêts des détenteurs et vendeurs d’armes)  fonctionne comme une voix presbytérale prêchant la spiritualité de la violence, finançant les hommes politiques américains, l’année dernière, à hauteur de dizaines de millions de dollars dans le but qu’aucun contrôle réel des armes ne puisse passer le Congrès ou le Sénat.

Au sommet de cette corruption évidente de notre gouvernement par le lobby des armes  qui achète littéralement les votes nous trouvons l’attisement des peurs et du racisme qui poussent aux achats d’armes.  Prenez acte du fait qu’aux États-Unis il y a 265 millions d’armes à feu entre les  mains de propriétaires privés. En 2017, il y avait 14.5 millions de demandes de permis pour la détention secrète d’armes,  14.5 millions. (https://crimeresearch.org/.../new-study-14-5-million.../) Ceci n’inclue pas les ventes faramineuses d’armes d’assaut de calibre militaire et un ensemble d’autres accessoires de destruction. Vu les tueries de masse presque quotidiennes dans les écoles et d’autres secteurs publics, les gouvernements  fédéraux de l’État révoquent tranquillement les rares règlements existants pour ces armes. Le prétendu droit de posséder ces instruments mortifères est enchâssé comme un droit sacro-saint. Ce « droit de porter des armes »  provient d’une mésinterprétation délibérée de la Constitution des États-Unis et Dieu vienne en aide à la personne qui essaierait de modifier la loi ne serait-ce que pour un modeste contrôle de ces armes. (www.cbsnews.com/.../white-house-refused-to.../)

En dépit de la propagande, les États-Unis connaissent actuellement le taux de criminalité le plus bas depuis cinquante ans. (http://time.com/3577026/crime-rates-drop-1970s/)  Les assassinats, crimes violents et vols avec effraction sont à un bas niveau jamais vu. Or, à regarder les informations, ce n’est pas ce qu’on nous raconte. Nos forces de police sont en train de se militariser à dessein avec des véhicules blindés pour transports de troupes, des armes d’assaut, des entraînements militaires pour combattre une vague de crimes qui n’existe pas. Nos forces civiles de police ont cessé de protéger et de servir. Au lieu de cela, elles sont transformées en unités pour des assauts militaires laissant derrières elles une traînée de corps morts, presque tous des personnes de couleur.

La violence de notre noyau spirituel est en train de nous revenir en boomerang. Les bombes que nous avons larguées partout dans le monde, elles sont en train d’exploser dans nos villes,  et l’utilisation massive de nos ressources nationales en soutien à cette violence a évidé le centre de ce qui constituait nos valeurs partagées.  Aujourd’hui, le « meilleur pays du monde » a le niveau d’instruction le plus bas au sein du soi-disant monde développé, avec un système scolaire affreusement sous-financé et handicapé du fait d’une incessante tendance à sa privatisation et à sa réduction.

Aujourd’hui, le « meilleur pays du monde » a le taux le plus élevé de mortalité infantile au sein du soi-disant monde développé. Aujourd’hui, dans le « meilleur pays du monde »,  une personne sur dix de sa population souffre de malnutrition. Aujourd’hui, nous ne pouvons absolument pas prétendre détenir la palme en quoi que ce soit, sauf en ce qui concerne le nombre de massacres par armes à feu.

La spiritualité de la violence et de la mort a glissé dans le moindre recoin de notre existence. Elle est une part incontournable de qui nous sommes en tant que nation. En nous arrêtant pour regarder dans la glace, nous ne verrons plus un peuple idéaliste qui aime la liberté et qui s’élance pour un monde meilleur, si jamais c’était autre chose qu’une illusion.  Eh bien non. Si nous nous regardons avec les yeux du reste du monde,  alors nous devenons rapidement des gens qu’on doit stopper. Nous ne sommes plus perçus comme des héros. Nous ne sommes plus les stars que tout le monde cherche à imiter. Nous sommes devenus une grave menace active pour toute la communauté  globale et ce n’est qu’une question de temps quand le monde s’assemblera afin de mettre un terme à notre folie spirituelle.

Le poids collectif de notre histoire violente a abouti à un état d’Esprit américain tordu et tourmenté. Nous sommes appelés à le renouveler. Le cœur américain s’est durci et refroidi. Nous devons le réchauffer avec de la compassion.  L’espérance américaine s’est rabougrie en un écho cynique de rêves brisés. Nous devons apporter une nouvelle forme d’espérance. Maintenant le temps est venu d’agir pour guérir la nation.  Maintenant le temps est venu de nommer les mensonges qui empoisonnent notre peuple. Maintenant le temps est venu de se lever et de prendre position.

Il ne s’agit pas d’un appel à la simple résistance à ce qui est rapidement en train de se transformer en un Etat autoritaire.  Il s’agit d’un appel à la conversion spirituelle. Débarrassons-nous de la tyrannie de nos propres désirs et aspirons à la prospérité pour toute la famille humaine.  Jetons l’esprit de mort qui s’est emparé de notre peuple et ensemble aspirons à la vie. Dénonçons le mensonge d’une violence rédemptrice et orientons nos vies vers la rédemption spirituelle offerte par l’amour et la compassion qui se donnent librement. Bref, sortons de cette culture tordue et maligne, bâtissons quelque chose de nouveau ensemble.  Commençons par poser les premières pierres de fondation pour une nouvelle Amérique dans laquelle les humains passent avant les profits et où la prospérité de la famille humaine est quelque chose dont nous sommes responsables collectivement.

Agissons maintenant en abattant les temples de la violence et de la cupidité avant qu’il ne soit trop tard.  Soyons les sages-femmes  qui aident à la naissance d’une nouvelle spiritualité qui s’entend  d’ores et déjà  dans les vagissements annonciateurs de sa naissance. Et au milieu de tout cela, cherchons une nouvelle spiritualité, une spiritualité d’unité et de santé, de justice et de compassion. Marchons vers ce but, dés à présent, avant qu’il ne soit trop tard.                                                                                             Rev. Schuyler Rhodes, pasteur méthodiste, Tx.USA .   

 

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Pari TIAN © sz

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