tjkdl7483

Abonné·e de Mediapart

1 Billets

0 Édition

Billet de blog 17 décembre 2022

tjkdl7483

Abonné·e de Mediapart

« Nique les noirs » : racisme banalisé dans une grande école d’ingénieur

Plus d’un dixième des étudiants de la nouvelle promotion de l’Ecole Centrale de Lille s’est associé dans un groupe partageant des propos et memes racistes. La direction de l’école a été informée.

tjkdl7483

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L’École Centrale de Lille peut se prévaloir d’être une des meilleures écoles d’ingénieurs de France. Membre du groupe des Écoles Centrale, qui comprend la prestigieuse Centrale-Supélec, Centrale Lille se targue d’être l’une des cinq plus vieilles écoles d’ingénieur française. C’est peut-être cette ancienneté qui justifie aux yeux de ses étudiants les comportements racistes et passéistes auxquels ils se sont livrés en ce début d’année.

C’est pendant plusieurs semaines qu’une trentaine d’étudiants de première année (plus de 10% de la promotion, presque tous des hommes blancs) ont partagé du contenu explicitement raciste et discriminatoire dans un groupe messenger privé. Apologie de l’esclavage ou des concepts suprématistes blancs, caricature moqueuse de George Floyd (Noir américain assassiné par un policier), éloge du génocide ouïghour ou des Nazis, antisémitisme sont les sujets de prédilection de ces futurs ingénieurs.

Illustration 1
Extrait de la conversation* « centRacisme »

À la manière d’une association de grande école, les étudiants ont inventé un surnom qui est un jeu de mot sur le nom de leur école. Cyniquement, ils ont choisi « centRacisme ». Les associations dans les grandes écoles françaises sont souvent pointées du doigt pour leur culture toxique : violences sexuelles, racisme, homophobie, antisémitisme…

Ce groupe, qui reprend donc les codes d’une association, fait preuve d’une haine insensée envers les Noirs. Leur principal outil de communication est le meme, cette image ou vidéo que l’on partage et décline en de nombreuses versions sur les réseaux sociaux. L’extrême droite étatsunienne puis française s’est approprié depuis plusieurs années ce vecteur de propagande, chéri par les jeunes générations. C’est peut-être à l’heure actuelle son dispositif favori de propagation de la haine.

Illustration 2
Photo de couverture du groupe, un meme

L’influence de cette culture est visible jusque sur la photo du groupe centRacisme, qui représente des esclaves noirs travaillant dans un champ, sous les coups de fouet du héros éponyme du film Indiana Jones, représenté en Lego. Sans doute une manière de banaliser les idées haineuses partagées sous couvert de la plaisanterie. Le racisme récréatif (concept inventé par le chercheur brésilien Adilson Moreira) désigne une culture qui utilise l’humour pour exprimer son hostilité envers les minorités raciales. Celle-ci permet de diffuser le racisme et de dédouaner les individus blancs qui l’entretiennent. Mais l’humour reste une manifestation des valeurs sociales d'une société donnée. Ainsi, il reproduit des stéréotypes raciaux qui légitiment une structure sociale discriminatoire.

Illustration 3
Les membres de centRacisme utilisent le meme Yes Chad pour justifier et assumer leur racisme

Les conséquences de cette haine sont pourtant bien réelles et leur importance sociale est indéniable. Lorsqu’une liste appelée Black Sport’er, en référence au film Black Panther qui abonde de culture afrcaine, se forme pour prétendre au bureau des sports (BDS), un membre de centRacisme, qui semble penser parler pour le reste du groupe, affirme qu’il ne votera pas pour cette liste. L’abréviation du nom de la liste en « blacks » laisse penser que sa motivation est purement raciste.

Illustration 4
Extrait de centRacisme

Contactée par l’association Centrale Lille Inclusion, l’administration de l’École Centrale de Lille affirme prendre ces actes très au sérieux. Dur d’imaginer de quelle manière plus d’un dixième des étudiants de la promotion pourraient être sanctionnés.

Un étudiant de Centrale Lille a pris les devants en publiant une vidéo sur Instagram et TikTok, utilisant sa notoriété afin de pousser son école à agir. Néanmoins, la réputation des écoles est un enjeu capital pour la plupart des étudiants. Ces derniers ne sont donc pas très enclins à dénoncer les abus desquels ils sont témoins, car leur publicité décrédibiliserait leur école, faisant perdre de la valeur au diplôme pour lequel ils paient plusieurs milliers d’euros chaque année. Le racisme des élites semble encore avoir de beaux jours devant lui.

* Les noms et photos de profil des membres de centRacisme ont été caviardés

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.