Gianfranco Laccone, climateaid.it, 20/4/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
Un fil rouge relie le racisme, le sexisme et le spécisme, qui désigne la croyance que l’espèce humaine est différente et supérieure aux autres, alors que, selon notre Constitution, la République doit protéger l’environnement, la biodiversité et les écosystèmes.
La tragique affaire de l’ourse Gaia jj4 dans le Trentin est la némésis du rapport de l’humain à la nature et représente l’impasse dans laquelle s’est engagée la société italienne, composée d’individus qui, dans une période difficile pour la société, préfèrent se fermer aux “ennemis”, identifiés de temps en temps comme des éléments étrangers : les immigrés, la Russie, la France, les stations-service, l’UE, les amateurs de rave-parties, les sangliers, les loups et, maintenant, les ours. Ceux qui pratiquent cette fabrication du “bouc émissaire” se montrent incapables de penser à autre chose qu’à la protection de leur propre bien-être individuel, à obtenir bien sûr sans se soucier des autres, surtout lorsqu’il s’agit d’animaux non humains. Et ce n’est pas un hasard si, dans le discours public, on avance le récit d’un pays assiégé qui serait attaqué en essayant même de pratiquer la “substitution ethnique” [le fameux “Grand Remplacement”], comme l’a dit de manière ridicule un ministre de cette république [Francesco Lollobrigida, petit-neveu de Gina l’actrice, beau-frère de Giorgia Meloni et ministre de l’Agriculture]. Il s’agit d’une vision globale dans laquelle la tâche de chaque Italien est de protéger sa propre pureté, son propre territoire, comme s’il ne s’agissait pas d’un espace commun, mais d’une propriété à laquelle on a droit par descendance, à laquelle on attribue également la tâche de choisir les espèces animales ou végétales que l’on aime. On ne s’expliquerait pas autrement le malaise (parfois la haine) à l’égard de certaines espèces comme les étourneaux, les perruches, les mouettes, les loups, les sangliers, voire certaines plantes : autant d’êtres qui ne devraient pas vivre une vie propre selon cette logique, mais rester à l’endroit que l’on a choisi pour eux, même s’ils ne le savent pas. Ici, nous les retirons des zones, nous les confinons dans des espaces qui, bien que contrôlés et délimités, n’arrêtent certainement pas leurs mouvements. Que faire alors si les animaux ou les plantes ne restent pas à leur place ? Pour les plantes, la destruction par désherbage (généralement effectué avec des produits nocifs pour nous) ou l’abattage est considérée comme normale ; pour les animaux, la même solution est pratiquée, mais de manière plus déguisée : pour certains d’entre eux, définis comme d’élevage, la naissance et la mise à mort sont un destin programmé ; pour d’autres, la mise à mort est le même destin, médiatisé par des “états de nécessité” ou par la chasse.

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L’ourse Gaia jj4 est l’un des premiers ours nés en Italie, en 2006. Ses parents Joze et Jurka (‘où sa désignation comme "jj4"), étaient deux des dix ours importés de Slovénie pour repeupler les Alpes centrales de cette espèce. Elle a trois petits. Elle avait été condamnée à mort par une ordonnance du président de la province de Trente une première fois en 2020, pour avoir blessé deux chasseurs mais la sentence avait été suspendue. Le 5 avril, elle a tué un coureur, de toute apparence pour protéger ses petits et a donc été capturée le 18 avril, ses petits étant laissés en liberté, et installée dans un espace de confinement, au Casteller, qu’elle partage avec son dangereux congénère Papillon M49, enfermé là depuis 3 ans. L’exécution de l’ordonnance de mise à mort ayant été réactivée, une organisation animaliste (Ligue antivivisection) a pu la bloquer devant le Tribunal administratif régional, qui doit juger l’affaire le 11 mai prochain. Il y a aujourd’hui une centaine d’ursidés dans le Trentin. En Slovénie, où vivent 1100 ours, le gouvernement a donné le feu vert à l’exécution de 230 ours bruns en 2023. En 2022, on en avait tué 206. Les loups et les lynx y sont aussi victimes de semblables décisions, comme en Suède, en Autriche et en Suisse*. [NdT].