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Billet de blog 26 juin 2023

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“La terre ou la mort !” : entretien avec Hugo Blanco, révolutionnaire péruvien

Hugo Blanco Galdós, le révolutionnaire péruvien, est mort le dimanche 25 juin 2023 à l'âge de 88 ans dans un hôpital de Stockholm. Ci-dessous un entretien avec cette figure légendaire, réalisé en 2015.

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Eduardo Abusada Franco, Plaza Tomada, 8/1/2015
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

À cause des nombreux coups qu'il a reçus, son cerveau est très séparé de son crâne et il doit porter un chapeau à larges bords pour anticiper tout coup, aussi petit soit-il, qui pourrait faire éclater une veine. Il a vu plusieurs fois le film ¡Viva Zapata ! avec Marlon Brando. Il porte son éternelle barbe bien entretenue et des bracelets colorés donnent un air festif à son allure. Il est une légende, qu'on le veuille ou non. Une grande partie de l'histoire politique péruvienne du XXe siècle ne peut être écrite sans mentionner son nom. 


Don Hugo, qu'avez-vous fait ces dernières années, puisque vous aviez un peu disparu ces derniers temps ?

Nous avons publié le journal Lucha indígena. Aujourd'hui, en décembre, nous sortons notre 100e numéro. Le journal a été bien accueilli à l'étranger. Nous le publions et il est imprimé à Lima. Nous entretenons des relations avec des camarades à l'étranger via Skype. Nous étions à une réunion en Colombie et ils m'ont demandé de prendre la parole. Ils m'ont dit : « Pourquoi ne parles-tu pas de la Lucha indígena ? » Ils m'ont convaincu qu'il était important que je parle du journal et j'en ai parlé. Ils ont lancé une “minga” (action collective de solidarité) pour Lucha Indígena, et c'est ainsi qu'ils ont obtenu un soutien financier pour le journal.

C’est qui, nous ?

Nous sommes en fait quatre à éditer Lucha indígena. Il y a Enrique Fernández, un ancien ouvrier et dirigeant métallurgiste, qui est le rédacteur en chef, et deux camarades qui vivent à Cuzco.

Je n'ai pas beaucoup vu ce journal, où peut-on se le procurer ?

Ce qui se passe à Lima, c'est qu'il n'y a pas de distributeurs honnêtes. Ils reçoivent le journal en dépôt et ne rendent pas un centime. Grâce à l'aide financière que nous avons reçue de l'étranger, nous avons loué un local, mais nous essayons de trouver des personnes qui puissent s’en occuper.

Quel âge avez-vous, Don Hugo ?

Quatre-vingts ans.

Malgré votre âge, vous êtes bien conservé. Comment vous faites ?

Je fais attention à mon alimentation. Je n'ai recours aux médicaments que dans des cas extrêmes. J'ai recours à la médecine naturelle et à une alimentation fondamentalement saine. Par exemple, mon petit-déjeuner est composé d'eau avec de la farine de coca, de la cañihua et de la kiwicha.

Je vois que vous êtes à la pointe de la technologie. Vous utilisez un téléphone portable, vous connaissez Skype, vous avez un courrier électronique, vous utilisez un ordinateur portable. Comment avez-vous appris ?

Oui, j'ai dû apprendre. Je suis analphabète numérique, mais j'ai appris quelque chose. Je pose des questions et on m'apprend.

Parlez-moi de votre vie, étiez-vous un paysan ou un étudiant ? Vous avez dirigé les mouvements paysans, mais vous êtes aussi allé étudier en Argentine.

Ma mère était une petite propriétaire terrienne et mon père était avocat. J'avais un frère qui étudiait à La Plata [Argentine]. Comme j'aimais la campagne, je suis aussi allé y étudier l'agronomie. Mon père m'a payé. Mais comme le dit Eduardo Galeano, je suis né deux fois. La première naissance, c'est quand je suis venu au monde, et la seconde, c'est quand j'étais enfant et que j'ai appris qu'un propriétaire terrien avait marqué au fer rouge la fesse d'un indigène [il s'agissait du propriétaire terrien Bartolomé Paz, qui avait gravé ses initiales sur la fesse d'un paysan]. ça a eu un impact important sur moi et a marqué ma vie. Lorsque j'avais 13 ans, nous étions trois frères l’un de 19 ans, l’autre de 17 ans, et j'étais le seul à être resté libre, car ils étaient tous deux emprisonnés comme apristes. L'APRA et le parti communiste étaient persécutés. Cela a également eu un impact sur moi. J'avais un penchant pour les indigènes parce que la révolution de 1910 au Mexique avait influencé le Cuzco (...) Ensuite, je suis allé en Argentine et là, il y avait une réalité ouvrière. Là, on pourrait dire qu'entre lycéens, nous avions un groupe d'étude dans lequel nous lisions Haya de la Torre, Mariátegui, Gonzáles Prada, de manière désordonnée. Nous voulions que des universitaires nous guident, mais ils n'osaient pas nous parler, car l'Apra et le parti communiste étaient tellement persécutés que nous pouvions parler et les trahir sans le vouloir. Mais quand je suis parti en Argentine, j'ai pu en savoir plus. J'ai traversé la Bolivie et il y avait beaucoup de littérature révolutionnaire. Je ne le savais pas, mais ce qui s'est passé, c'est qu'en 52, il y a eu une révolution en Bolivie au cours de laquelle un gouvernement militaire a été renversé.

Qu'est-il advenu de vos études d'agronomie, vous les avez-vous abandonnées ?

Pas encore. Je voulais rejoindre une organisation de gauche. Là, nous avons travaillé avec le Centre des étudiants péruviens de La Plata ; et mon frère était le secrétaire général de la cellule de l'APRA à La Plata, parce que là, elle pouvait fonctionner tranquillement. C'est là que j'ai rencontré Villanueva del Campo et Melgar, qui ont été déportés. J'ai appris à mieux connaître l'APRA, mais je ne l'aimais plus, car elle commençait déjà à dévier. J'avais lu ici El antiimperialismo y el Apra, bien sûr je l'aimais bien, mais plus tard dans La defensa continental Haya de la Torre a commencé à capituler devant l'impérialisme usaméricain. Et quant au parti communiste... eh bien, mon frère se chargeait de m’en ire du mal et les communistes ne pouvaient pas le démentir. Je suis donc parti à la recherche d'une organisation et c'est là que j'ai rencontré les trotskystes péruviens et qu'il m'a présenté au parti trotskyste argentin que j'ai rejoint. Le coup d'État pro-impérialiste était en préparation - par les Yankees - à l'époque de Perón. La classe moyenne a soutenu le coup d'État. Je ne me sentais plus bien à l'université. C'est pourquoi j'ai décidé d'abandonner mes études et d'aller travailler dans l'usine de conditionnement de viande de Berisso, près de La Plata.

Combien de temps êtes-vous resté là-bas ?

Environ trois ans. Je suis rentré au Pérou. À l'époque, l'idée était que le prolétariat était l'avant-garde, et comme il n'y avait pas de prolétaires à Cuzco, je suis venu à Lima pour travailler dans des usines. Je suis entré dans une usine textile, mais j'étais habitué à travailler dans de grandes usines, avec 5 000 ou 10 000 ouvriers. Je ne me suis pas bien senti dans une usine où il y avait si peu de monde, où l'un était le filleul du patron, l'autre le neveu du contremaître, et où il n'y avait pas de syndicat. Il n'était même pas possible d'en créer un. J'ai donc quitté l'usine textile et je suis allé dans une usine de métallurgie, mais elle était également petite. Je suis donc allé à Chanchamayo pour apprendre la soudure. Puis je suis retourné à Lima et j'ai finalement trouvé une usine où il y avait déjà un syndicat. C'était une usine d'huile Friol et c'est là que j'ai commencé à travailler. Mais Nixon, qui était vice-président des USA, est arrivé au Pérou, et entre divers groupes de gauche, où ni le parti communiste ni l'Apra n'étaient présents, nous avons préparé une contre-manifestation qui s'est avérée beaucoup plus importante que nous ne l'avions imaginé. C'est alors que la répression a commencé et que j'ai dû quitter l'usine pour me rendre à Cuzco.

Comment avez-vous pu être élu leader paysan lors des soulèvements de La Convención dans les années 1960 si vous n'étiez pas un paysan ?

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