Depuis l’université d’Oxford, Shlaim affirme que le Hamas incarne la résistance palestinienne, s’éloignant ainsi même de ses collègues les plus radicaux.
Ofer Aderet, Haaretz, 25/9/2025
Traduit par Tlaxcala

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Résumé : L’historien Avi Shlaim, universitaire juif israélien à l’université d’Oxford, est devenu une figure controversée [en Israël, NdT] en raison de ses critiques acerbes à l’égard d’Israël et de sa vision du Hamas comme un mouvement de résistance légitime, en particulier depuis les événements du 7 octobre. Dans une interview, Shlaim revient sur son parcours, qui l’a mené du patriotisme sioniste à la critique virulente, en s’appuyant sur son histoire personnelle en tant que Juif irakien et sur des décennies de recherches dans les archives. À l’approche de son 80e anniversaire, il appelle à une réévaluation fondamentale du discours israélien sur le conflit.
Six mois après l’attaque du 7 octobre, une vidéo a été mise en ligne, provoquant la colère de nombreux internautes. L’homme qui y apparaît est le professeur Avi Shlaim, historien juif israélien de l’université d’Oxford. À première vue, il ressemble à un gentil grand-père britannique, avec sa chevelure blanche et son élocution lente et douce. Mais ses propos sont loin d’être agréables à entendre pour les Israéliens.
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« Le Hamas est le seul groupe palestinien qui incarne la résistance à l’occupation israélienne », déclarait-il dans la vidéo. « En lançant l’attaque contre Israël le 7 octobre, le Hamas a envoyé un message fort : les Palestiniens ne seront pas mis à l’écart, la résistance palestinienne n’est pas morte. Même si l’Autorité palestinienne collabore avec Israël en Cisjordanie, le Hamas continuera à mener la lutte pour la liberté et l’indépendance des Palestiniens. »
En octobre, Shlaim fêtera son 80e anniversaire chez lui, à Oxford. « Depuis le début de la guerre, je suis devenu une sorte de célébrité. Les gens me reconnaissent dans la rue et me serrent la main. C’est une nouvelle expérience pour moi », déclare-t-il dans une interview accordée au magazine Haaretz Weekend.
« Les jeunes Arabes et musulmans me remercient de parler en leur nom, de leur donner une voix et de l’espoir pour l’avenir, et de leur redonner confiance dans les Juifs. »
Et qu’en est-il de l’autre côté ?
« Je reçois également des courriels hostiles et des menaces de mort, mais pour chacun d’entre eux, il y en a dix positifs. Je reçois de plus en plus de soutien et de moins en moins de critiques. Dans le passé, chaque fois que je m’exprimais devant un public, il y avait toujours un étudiant juif qui me contestait et défendait Israël. Depuis le début de la guerre à Gaza, cela ne s’est pas produit une seule fois. Israël a aliéné même ses propres partisans. Il est responsable de l’effondrement spectaculaire de sa réputation.
Les médias occidentaux continuent de pencher en faveur d’Israël et ne relaient pas le discours du Hamas, mais les jeunes n’écoutent plus la BBC et ne lisent plus les journaux : ils s’informent via les réseaux sociaux. C’est ainsi que j’explique le soutien croissant dont je bénéficie. »
Quel est le « discours » du Hamas dans ce cas ?
« J’ai étudié le récit du Hamas concernant l’attaque du 7 octobre et la guerre. Expliquer le comportement du Hamas n’est pas la même chose que le justifier. Tuer des civils est mal, point final. Mais comme toujours, le contexte est crucial. Les Palestiniens vivent sous occupation. Ils ont le droit de résister, y compris par la résistance armée. Les combattants du Hamas ont reçu des instructions explicites pour l’attaque, et il y avait des cibles militaires spécifiques. Le Hamas a d’abord frappé des bases militaires et tué des soldats, des policiers et des membres des forces de sécurité. Ce n’est pas un crime de guerre. Les choses ont ensuite dégénéré. »
Ce n’est pas vrai. Les militants du Hamas ont envahi les kibboutzim équipés de cartes, avec l’intention de tuer des civils.
« Je dénonce l’attaque du Hamas contre Israël parce qu’il s’agissait d’une attaque terroriste, dans le sens où elle a fait des victimes parmi les civils. Mais elle ne s’est pas produite dans le vide. Elle est le résultat de décennies d’occupation militaire, la plus longue et la plus brutale de l’histoire moderne. La réponse d’Israël a été complètement folle et irrationnelle. Même si Israël a le droit de se défendre – pour utiliser ce terme familier –, sa réponse doit rester dans les limites du droit international. Je condamne la réponse d’Israël à l’attaque. »
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Le 7 octobre n’était pas la première fois que les sionistes ont laissé tomber “Shlomo Mantzur” (Salman Mansour), par Avi Shlaim, février 2025