De nombreux articles et commentaires débattent aujourd'hui de la nouvelle manoeuvre hollandaise consistant à soudainement modifier l'organisation territoriale de la République pour faire oublier aux français la purge fiscale et la montée continue du chômage. Nouvel adepte d'une vérité révélée en 10 jours, jamais évoquée auparavant et surtout rejettée quand la droite le proposait, Hollande s'apperçoit aujourd'hui que l'institution qui l'a chauffé, nourri logé pendant 30 ans de vie politique est soudain devenu le boulet de la République française.
Que l'on en s'y trompe pas, je suis convaincu depuis longtemps de la nécessité d'une réforme territoriale et plus particulièrement d'un recentrage vers le couple communes /intercommunalités au niveau micro et Etat/Région, structuré sur des bassins de vie et de masse critique géopolitique à l'échelle macro.
Toutes les structures intermédiaires inventées pour le plus grand plaisir des amis politiques et notables locaux à qui l'on pouvait ainsi garantir un siège, une occupation, une tribune ....et quelques indemnités ( syndicat de communes, pays, SEM, SPL, syndicats mixtes, SIVU, syndicat d'électrification, d'aduction d'eau, de collecte d'ordures, de transport d'ordures, de traitement d'ordures ...) devraient disparaître au profit de l'un ou l'autre niveau. Les constats sont on ne peut plus pertinent : un maire un conseiller général un vice président ou président régional un président de structure de coopération intercommunale sont des rois, viagers, parfois héréditaires et surtout cumulards sur leur territoire.
Effectivement l'échec absolu de la décentralisation de 1982 qui aboutit à une fragmentation de la souveraineté, c'est la concentration des pouvoirs et le cumul des fonctions en des mains uniques.
Des gens seront nés, auront communiés, se seront mariés et parfois même aurons été enterrés sous le "règne" du même élu local. Tout une vie sans autre horizon, discours, proposition que celle du même élu!!! C'est profondément malsain, car l'investissement d'un homme (ou femme) a aussi l'âge de ses artères et nombreux sont les exemples ou le valétudinaire accroché à son siège, après avoir tué tout ses "dauphins" (conception déjà bien peu démocratique) laisse mourrir sa ville avec lui (Chabans à Bordeaux, Gaudin à Marseille, Chirac à Paris, Poujade à Dijon, Chevènement à Belfort...)
Mais je suis profondément en désaccord sur la méthode retenue par le chef de l'Etat pour cette ultime pirouette d'un gouvernement en chute libre.
1/ En démocratie des élections périodiques sont la garantie du peuple : les manipuler tous les quatre matins ne fait que renforcer l'image de duplicité manoeuvrière de l'exécutif et décrédibiliser un peu plus les institutions démocratiques afin au final de maintenir le système en place.
2/ En Vème République la constitution votée par le peuple a institué trois collectivités territoriales administrées par des élus désignés par le suffrage universel et ce n'est pas au gouvernement de décider un beau matin modifier la constitution sans l'avis du souverain pour lui retirer l'un des seuls moyens d'expression que le gouvernement en maîtrise pas encore.
Outre la forfaiture démocratique que constituera le recours au congrès (qui postule que seuls les élus seraient capables de définir ce qui est bon pour eux et accessoirement pour le pays) mon sentiment aujourd'hui est que cette affaire est plus tactique qu'autre chose.
En refusant le référendum Hollande attend peut être que le blocage du congrès ( où siègent tous les cumulards de mandats, de pouvoirs, de fonction et d'indemnités qui ont refusé la fin des cumuls , y compris ses ministres ( de Fabius à Rebsamen et consorts) à qui il demande de se suicider, le ferait apparaître en 2016 à la veille de 2017 comme le grand réformateur bloqué par les conservateurs qui lui servirait ainsi un thème de campagne présidentielle faisant oublier l'échec du chômage et l'arrosage indécent des puissances d'argent.
3/ Derrière cette improvisation communicante jamais discutée, voir même rejetée dans son programme électoral, il y a des conséquences majeures que personne n'évoque, et surtout pas son gouvernement sur l'organisation même de l'Etat qui appelleraient un débat national devant le peuple :
- s'il n'y a plus de département, y aura t'il encore des préfectures, des sous préfectures des services départementaux de l'Etat?? et où ?? que fera des centaines d emilliers de fonctionnairs départementaux qui devront rejoindre telles ou telles collectivités substituées aux administrations départementales.
- Comment choisira t'on les villes qui vont mourrir et celles qui vont vivre? comment traitera t'on les gens qui partent et ceux, les plus vieux, les plus faibles, qui ne peuvent que rester ??
- Qui supportera les coûts de la défaisance du château de cartes ? Ceux qui vont être confortés (au nom d'une péréquation entre pauvres) ou ceux qui vont s'affaiblir par disparition d'une organisation séculaire?
- Comment organiser le regard des citoyens sur la représentation et l'administration locale (en supprimant le vote départemental) sans instituer le suffrage universel direct pour tous les échelons d'administration nouveaux ??? ce dont le projet du gouvernement ne parle pas un instant?
Bref hollande ne propose pas un nouveau "choc de simplification" administrative, il engage la modification de l'Etat et le passage à une nouvelle République en faisant un hold up sur la souverainté du peuple : en quoi a t'il été élu pour cela ?? en quoi est il crédible et légitime pour ce faire??
Seul un projet débattu avec les citoyens, qui ne sont d'ailleurs pas si fermés ni stupides que ça, validé par référendum populaire donnerait à cette nouvelle architecture de la République la légitimité nécessaire pour s'imposer. Seule la suppression immédiate et générale des cumuls de mandats et de fonctions éviterait que ces territoires nouveaux ne deviennent des féodalités plus puissantes qu'un Etat central en chute libre. Seule l'ouverture du suffrage universel à tous les habitants réguliers de ce pays (et j'en excluerais les fraudeurs fiscaux) est de nature à éviter un replis identitaire et sectaires sur des découpages d'ancien régime.
On est bien loin de ces objectifs, de ces enjeux et de cette vision à long terme d'un nouvel équilibre institutionnel de la République.
La perte de la majorité du Sénat à la fin de cette année par le PS ( qui de toute façon n'en avait rien fait) va empêcher toute avancée sur ce projet. Les derniers potentats socialistes survivants des municipales et des européennes vont freiner autant qu'ils peuvent ce dossier de nature à les envoyer au chômage pour longtemps y compris (j'en prend le paris) en faisant tomber le gouvernement.