Enfin, on entre dans le vif du sujet. Je vais balancer mon fiel sur les politiques, raviver mon francoscepticisme (qui n'est pas de la francophobie) légendaire. Que nenni: au plus allez-vous pouvoir m'accuser de débiter des "généralités" (c'est une accusation portée à mon endroit par une facebookeuse qui ne voit plus en moi qu'un cas irrécupérable pour la famille socialiste).
Ma position au regard du PS n'est peut-être pas connue de vous. Je suis légendairement socialiste mais actuellement totalement "hors de la machine". Une machine à sélectionner que j'ai rejettée (et qui m'a rejetté) et donc je me sens libre d'en dire ce que je pense, pour le meilleur comme pour le pire.
Je vais faire bref dans ce "post" pour dire à quel point je pense qu'un des drames majeurs du PS (celui français: je ne parle pas des autres partis sociaux-démocrates européens qui n'ont pas ce même problème) est, au-delà de son incapacité à générer un régime d'arbitrage entre ses militants et dirigeants, son état de "parti de personnalités". Tout tourne aujourd'hui au PS (par un système de diffusion verticale, qui irrigue malheureusement, du sommet vers la base, les pratiques et habitus des simples adhérents) autour de "questions de personnalités". Je m'explique car cela peut paraître flou.
Rendez-vous dans une section socialiste et écoutez, observez. On parle d'idées, de programmes, de motions, de propositions. On refait parfois le monde pour le bonheur de tous et parfois dans une convivialité réelle, qui se termine dans le café du coin autour d'une bière où tout le monde discute avec tout le monde et se sent appartenir à une même grande famille.
La "société des Socialistes" est complexe, codée, endogénéisante et difficile à appréhender de l'extérieur, je le concède volontiers. Mais dès qu'on s'intéresse à ce que les Marxistes appelaient les "déterminants en dernière ressort", le PS est un parti régi par une logique structurante de sélection et de désignation de candidats, puis de gestion de l'ensemble de l'agenda interne du parti par les élus (comptes-rendus de mandats, conseils de quartier...) et par un appareil administratif qui est mal connu du grand public (il y a des permanents salariés, un Secrétariat général). Certes, le PS (certains courants en son sein) fait appel à un nombre croissant d'"experts", qui interviennent dans les réunions de section, parfois extérieurs au parti. Mais c'est un point de détail.
Dit autrement, le PS (comme les autres partis "mainstream" que sont l'UMP, le Modem...) n'existe plus que par l'élection et l'impératif périodique de désigner des candidats et de gérer des candidatures, puis des élus. Jusqu'ici rien de nouveau: c'est le principe de ce que Maurice Duverger nommait les "partis attrape-tout" (catch-all parties) !
Ce qui est nouveau, cependant, et très contemporain (les années 2000 ont vu l'exacerbation pathogène du phénomène) et qui eutrophise littéralement ce qui restait de vivant et de vivace dans le débat politique français, c'est la montée en puissance d'une hyper-personnalisation à tous les niveaux du champ politique, au-delà du seul cas présidentiel, devenu quasiment anecdotique.
Dit autrement, dès qu'il y a une candidature (par exemple locale, dans le cadre des Régionales, ou bien en interne au parti lorsqu'il s'agit de désigner un nouveau responsable de section...), il n'y a plus la moindre place "significative" pour des aspects programmatiques. L'ensemble du champ politique se trouve donc capté par des questions liées à la personnalité du candidat (surtout s'il peut être élu): sa vie privée, son look, ses réseaux, son "style", ses interventions, son éventuelle appartenance à une minorité visible.... Je ne citerai pas d'exemple car l'objet de ce billet est théorique.
Pourquoi j'évoque cela de façon si allusive, qui peut paraître une évidence et une description de ce que tout le monde voit ou observe ? Parce que les partis de gouvernement français sont les seuls en Europe à avoir accompagné et promu à ce point la personnalisation du champ politique en leur sein...Allez en Allemagne et observez ce que sont les pratiques...