Informations préoccupantes : entre feu aux poudres et poudre aux yeux. Un écran de fumée idéal pour l’ARSEA
Avertissement : Ce texte ne vise pas à condamner en bloc tous les professionnels de la protection de l’enfance. Il existe des éducateurs, des assistants sociaux, des magistrats et des personnels administratifs sincèrement engagés, qui tentent de nager à contre-courant, parfois au prix de leur carrière, de leur santé mentale ou physique. Pour certains, l’épuisement, l’isolement ou l’absence de reconnaissance peuvent mener à une impasse tragique, dont la seule issue devient parfois le suicide. Par conviction, par humanité ou par soif de justice, ils résistent à une mécanique déshumanisante. Ils méritent respect et reconnaissance. (Articles Mediapart : Suicide d'un éducateur. - Violences sur mineurs)
À ne pas confondre : L’ARSEA Alsace actuelle est une association de droit locale, sans lien avec les ARSEA créées sous Vichy en 1943-1944, malgré la ressemblance surprenante d’acronyme et des missions.
Protection de l’enfance :
« L’ information préoccupante » est censée être un outil de protection des enfants. Elle peut-être adressée à plusieurs destinataires : Le procureur, le juge des enfant, l'Aide sociale à l'enfance, le 119... En réalité, elle agit souvent comme une mèche allumée, prête à enflammer toute une mécanique administrative et judiciaire. Transmise par un professionnel ou un particulier, elle n’a pas besoin de preuve : le soupçon suffit. C’est du pain béni pour l’ARSEA, "Association Régionale Spécialisée d'Action Sociale, d'Education et d'Animation) structure omniprésente en Alsace dans le traitement de ces signalements (SIE : Service en investigation Éducative de l'ARSEA). Chaque information est un levier d’action, une opportunité d’activité, et souvent une porte d’entrée pour de futures mesures et l'attribution de financements.
La notion de danger : floue et subjective
La loi ne définit pas clairement ce qu’est un danger pour l’enfant. Elle laisse place à des interprétations libres par les juges pour enfants, les éducateurs, les assistantes sociales ou tout autre professionnel en contact avec l’enfant. Pour l’un, « une claque n’a jamais tué personne », pour l’autre, « suivre assidûment la scolarité de son enfant » peut être vu comme une pression psychique excessive et dangereuse. Résultat : l’évaluation du danger devient égocentrée, guidée par les sensibilités, les croyances, parfois même les préjugés personnels.
Surinterprétation : une dérive fréquente
Un enfant réservé devient un enfant mutique, incapable de communiquer. Un adolescent critique ses conditions de vie, dénonce des agressions ? Il est présenté comme un marginal incapable de s’intégrer. Il évoque des maltraitances ? On suspecte aussitôt une aliénation parentale (un concept non reconnu juridiquement et scientifiquement). Des assistantes sociales s'improvisent psychiatre avec des diagnostiques infondés et illégitimes. Ces interprétations, loin d’être anecdotiques, structurent les rapports d’évaluation. Le discours de l’enfant est reconstruit, tordu, intégré à un récit prêt à justifier l’intervention, les parents sont dénigrés, déshumanisés, menacés...
Construction narrative du danger
À chaque étape, signalement, évaluation, réunion pluridisciplinaire, audience au tribunal pour enfants, le danger potentiel initial est amplifié, reconstruit, enrichi, jusqu’à devenir un récit cohérent… mais parfois totalement déconnecté de la réalité vécue.
Exemple : ce sont des avocats, en comparant les dossiers de deux familles suivies par la même structure, qui découvrent des passages rigoureusement identiques : mêmes tournures, mêmes hypothèses, mêmes inquiétudes exprimées. Le constat est sans appel : il ne s’agit pas d’une simple ressemblance d’analyse, mais d’un véritable copier-coller, révélateur d’une mécanique administrative automatisée, totalement déconnectée de la singularité des situations.
L’ARSEA, qui détient en Alsace un quasi-monopole sur le traitement des informations préoccupantes, joue un rôle central dans cette fabrique narrative. Chargée de la grande majorité des évaluations, elle applique des schémas interprétatifs préfabriqués, mobilise des outils d’analyse internes, et reproduit les mêmes formulations d’un dossier à l’autre.
Ce mode de gouvernance ne laisse guère le choix aux travailleuses sociales de terrain,souvent jeunes, isolées, mal encadrées, que de produire ce qu’on attend d’elles. Certaines sont elles-mêmes issues de milieux défavorisés, ou marquées par une histoire familiale traumatique, ce qui les rend d’autant plus vulnérables. Entre pression hiérarchique, incompétence, emprise psychologique ou simple plaisir d’exercer un pouvoir nouveau, elles deviennent parfois les rouages d’un système où la critique est étouffée et l’analyse objective remplacée par la conformité dictée.
Économie du soupçon : l’enfant comme ressource
Dans le système actuel, ce ne sont ni les résultats obtenus, ni la qualité du suivi, ni même la protection effective de l’enfant qui déclenchent le financement des structures privées qui ont la charge d'analyser la situation des enfants. Ce qui compte, c’est l’activité : nombre d’évaluations, de placements, d’heures facturées, de suivis engagés.
En 2020, les départements ont consacré 8,9 milliards d’euros à l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE), dont 81 % pour les placements et mesures éducatives. À la fin 2022, 208 000 jeunes étaient accueillis par l’ASE (+ 1,7 % en un an), soit une hausse de 40 % depuis 1998.
L’ARSEA, en Alsace, illustre parfaitement cette dérive : chaque information préoccupante, même infondée, devient une amorce déclenchant évaluations, prises en charge, placements et rapports. Le développement exponentiel de L'Association Régionale Spécialisée d'Action Sociale, d'Education et d'Animation l’a rendue gourmande, presque boulimique : pour ne pas s’effondrer, elle doit alimenter en continu la machine, produire toujours plus, justifier de nouveaux recrutements et maintenir la pression sur son réseau financier.
Ce n’est plus la protection qui guide l’action, mais la nécessité de créer de l’activité. Dès lors, la protection de l’enfance s’apparente à un marché : chaque enfant devient une ressource dont la prise en charge est monétisable.
Le classement sans suite : ce pétard mouillé aux conséquences graves
Toutes les informations préoccupantes ne débouchent pas sur des mesures effectives. Exceptionnellement, quelques affaires sont classées sans suite faute d’éléments tangibles, ou parce que les accusations s’effondrent. Mais ce classement, souvent discret, n'efface ni les traces, ni les conséquences.
Le classement sans suite n’est ni public, ni réhabilitant. Il ne répare pas. Il n’efface pas les notes internes, ni les impressions laissées aux équipes éducatives ou aux institutions, à la famille, aux voisins, aux amis...à vous-même et surtout à vos enfants.
Pour les structures comme l’ARSEA, en revanche, c’est une mission accomplie : du temps passé, un dossier traité, des ressources engagées. Peu importe l’issue, l’activité a eu lieu, et donc, elle a été financée.
Conclusion
À l’origine, l’information préoccupante devait servir d’alerte, pas de condamnation. Elle devait permettre de protéger les enfants réellement en danger, pas de généraliser la suspicion, ni de faire fonctionner à plein régime des dispositifs où l’offre d’accompagnement génère elle-même sa propre clientèle.
Aujourd’hui, des milliers de familles sont confrontées à une mécanique silencieuse, où le soupçon prévaut sur la preuve, où l’enfant devient le réceptacle des projections adultes, où les acteurs du système sont à la fois juge, expert, et bénéficiaire. La culture du mépris ne laisse aucune place à l'empathie.
Pendant ce temps des délateurs menteurs et malveillants, souvent anonymes ont fait mouche, le mal est fait.
Et derrière les bonnes intentions affichées, les structures privées sous-traitantes de la justice, comme l’ARSEA, doivent faire du chiffre. Non pas des statistiques d'actions de protection ou de résultats obtenus, mais bien du chiffre d’affaires.
Le système de subvention ne finance pas des résultats concrets, ne récompense pas des objectifs atteints, mais entretient une logique d’activité : plus il y a de mesures, plus il y a de financements.
Peu importe l’efficacité, pourvu que ça tourne.
Il est urgent de remettre à plat ce système :
en redonnant une définition claire et légale de la notion de danger,
en séparant strictement les fonctions d’évaluation et d’exécution,
en garantissant le droit à un réel contradictoire,
en instaurant un véritable droit au recours et à la réparation.
- Que la mission de l'Etat et de la nation ne soit pas délégué concrètement à un(e) salarié(e) d'une association locale.
La protection de l’enfance ne devrait jamais servir d’alibi à une maltraitance institutionnelle à visée lucrative.