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Billet de blog 21 juillet 2025

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AEMO : évaluer, placer, facturer ; recommencer

Derrière les portes closes du cabinet du juge des enfants, se joue une justice sans contradictoire ni contrôle. Associations sous-traitantes, établissements privés et magistrats forment un système verrouillé, où l’intérêt réel de l’enfant disparaît derrière les logiques institutionnelles et financières.

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Dans le huis clos arbitraire du cabinet de la juge des enfants

Une justice d’exception sous influence et sans contre-pouvoir

Depuis plusieurs années, un certain nombre d’observateurs, de professionnels et de proches de familles concernées témoignent d’un fonctionnement préoccupant de la justice des enfants dans certains territoires. Le cabinet du juge des enfants agit dans un huis clos où la concentration des pouvoirs entre les mains d’un seul magistrat favorise des dérives profondes. En voici une illustration, tirée de plusieurs dossiers suivis de près.

Un pouvoir sans contrôle, une écoute à géométrie variable

Dans les affaires observées, il ressort que la magistrate chargée des dossiers rend des décisions engageant profondément l’autorité parentale, le droit de visite et même le lien avec les enfants sans que les faits allégués soient sérieusement établis, ni débattus contradictoirement. Des informations préoccupantes sont souvent reprises comme des vérités, sans vérification, ni confrontation entre les parents, ni même audition systématique de l’enfant en âge de s’exprimer.

Le parent contestataire, souvent écarté ou critique à l’égard du dispositif en place, est marginalisé dans la procédure. Il arrive qu’une audience se poursuive en son absence, ou qu’elle ait lieu sans qu’il ait été régulièrement convoqué. Dans d’autres cas, les réponses aux demandes d’éclaircissements juridiques ne sont jamais apportées, même lorsque des erreurs manifestes sont signalées.

Des liens étroits avec l’ARSEA, prestataire exclusif des mesures d’AEMO

Dans la région observée, l’ARSEA (Association Régionale Spécialisée d’Action sociale d’Alsace) dispose d’un monopole de fait sur l’exécution des mesures d’AEMO (Assistance Éducative en Milieu Ouvert), ordonnées par le juge des enfants. Aucun autre opérateur n’est proposé, ce qui empêche toute mise en concurrence ou diversité d’approche.

Cette situation est d’autant plus préoccupante que l’ARSEA cumule à la fois la mission d’évaluation, l’accompagnement éducatif, et la transmission d’éléments à la magistrature, dans une position de monopole. Les rapports produits sont systématiquement repris, parfois littéralement, par le juge des enfants dans ses décisions, sans débat contradictoire préalable, et sans que leur contenu ne soit soumis à vérification ou contestation formelle.

Plus grave encore, même lorsque des documents objectifs, des témoignages, ou des preuves concrètes viennent contredire les affirmations contenues dans ces rapports, aucune remise en cause n’est opérée. Le contenu reste intouchable, comme si la parole du prestataire privé intervenant avait valeur d’autorité supérieure. Ainsi, le droit à la preuve, pourtant fondamental dans toute procédure équitable, se trouve neutralisé. Le doute ne profite pas à la famille, mais au prestataire.

Une audience dévoyée : entre violation des règles de déontologie et mise en scène partiale

Dans les cas observés, le déroulement des audiences devant la juge des enfants s’écarte radicalement de ce que l’on est en droit d’attendre d’une procédure judiciaire impartiale. Les principes élémentaires de déontologie, neutralité, impartialité, écoute équitable des parties, ne sont ni respectés, ni même simulés. L’audience, qui devrait être un espace de contradiction, de mesure et de rigueur, ressemble souvent à une mauvaise émission de téléréalité : le scénario est écrit d’avance, le parent critiqué est mis en scène comme fautif, et les intervenants sociaux jouent leur rôle dans une forme de théâtre institutionnel sans recours possible.

Des exemples concrets montrent que la magistrate poursuit les débats en l’absence d’une des parties, y compris lorsqu’un parent quitte l’audience après avoir été délibérément ignoré ou provoqué. Des décisions sont rendues sans convocation ni présence du parent concerné, en violation manifeste des droits de la défense. Elle cite des procédures en cours dans d’autres juridictions comme des éléments probants, sans attendre leur issue, et traite des projets ou simples déclarations comme des faits établis. Les réponses écrites du parent, même juridiques ou documentées, restent lettre morte, tandis que les propos non vérifiés des travailleurs sociaux sont érigés en vérité absolue. Son attitude en audience mêle ironie, désinvolture, voire moquerie, y compris vis-à-vis des enfants entendus, ce qui est totalement incompatible avec la solennité et la fonction protectrice de sa charge.

Ce comportement ne relève pas d’un écart ponctuel, mais d’un mode de fonctionnement ancré, dans lequel la juge semble orienter les débats dans un sens unique, s’alignant systématiquement sur les positions des services sociaux avec lesquels elle entretient une relation de confiance exclusive, sans recul ni analyse critique. Le sentiment qui domine est celui d’un huis clos où le droit, les faits et la dignité des personnes cèdent la place à un récit construit, imposé, et jugé à huis clos, sans contrôle ni contradiction.

Une logique économique au cœur du dispositif

Certaines décisions judiciaires génèrent aussi des effets financiers majeurs, rarement analysés pour ce qu’ils sont. Il est observé que les prestations familiales (allocations CAF, aides diverses) continuent d’être versées par décision du juge, ou sont transférées, au parent qui n’assume pourtant plus la garde effective des enfants, ni les frais quotidiens afférents.

Mais au-delà de ces transferts sociaux, le cœur du système repose sur un mécanisme de financement public stable et non conditionné, largement capté par les associations privées délégataires comme l’ARSEA. En effet, les mesures d’AEMO donnent lieu à un budget annualisé par enfant, que l’association perçoit indépendamment du nombre réel d’heures consacrées aux enfants ou aux parents. Dans les cas documentés, il n’est pas rare que seuls quelques échanges téléphoniques ou visites symboliques soient effectués sur plusieurs années, sans véritable accompagnement éducatif ni suivi actif. Pourtant, les budgets sont maintenus, voire reconduits automatiquement, souvent à l’initiative de l’association elle-même, qui rédige les rapports préconisant la poursuite de son propre mandat.

Ce modèle circulaire, où l’intervenant évalue, recommande, puis exécute sa propre recommandation, garantit des ressources constantes, sans évaluation extérieure de l’impact réel sur la situation familiale. Ainsi, la logique de protection de l’enfance glisse insidieusement vers une logique de gestion budgétaire, où la reconduction d’une mesure devient un objectif en soi, non sa résolution.

Une particularité en Alsace : le placement éducatif sous-traité à l’enseignement privé catholique

Dans la région observée, une autre particularité mérite d’être soulignée : les enfants retirés à leur famille ne sont pas toujours orientés vers des structures publiques, mais placés dans des établissements relevant de l’enseignement privé catholique sous contrat, pour des motifs éducatifs ou de « rupture familiale ». Cette modalité de placement, se fait directement à l’initiative et avec l’appui de l'unique délégataires, comme l’ARSEA.

Les chefs d’établissement collaborent activement avec les services sociaux, acceptant l’accueil de ces mineurs dans leur structure, parfois sans information claire donnée aux familles, et sans encadrement psychologique ou éducatif spécifique lié à la mesure judiciaire. Ces établissements facturent ces placements à hauteur d’environ 5 000 euros par an et par enfant, montant pris en charge intégralement par les fonds publics.

Ce partenariat discret mais rentable crée un alignement d’intérêts peu questionné : l’association sociale maintient sa mesure. L’établissement augmente son chiffre d’affaires. L’autorité judiciaire « sécurise » une situation sans avoir à organiser de véritable suivi éducatif. Ainsi, l’enfant devient l’objet d’un circuit administratif et budgétaire, éloigné à la fois de sa famille et d’un projet éducatif individualisé, au profit d’un système où les acteurs institutionnels se confortent mutuellement.

Conclusion : une mécanique rentable, au mépris de l’essentiel

Au mépris des lois, du bon sens, de la morale, et surtout de l’intérêt supérieur de l’enfant, c’est une mécanique bien huilée qui s’observe dans certains cabinets de juges des enfants. L’association délégataire encaisse. L’établissement privé encaisse. L’administration valide. Et la justice entérine. Peu importe la situation réelle des mineurs concernés, souvent transformés en simples vecteurs de financement ou de justification de poste.

L’enfant, censé être sujet de droit, devient objet de gestion, instrument de contrôle ou source de revenu structurel. Bête de somme institutionnelle. Déplacé, jugé, évalué, placé, sans voix, sans recours, sans horizon. Rien n’est pensé pour lui, tout est organisé autour de lui, contre lui parfois, mais sans lui toujours.

Reste la question centrale, dérangeante, non résolue : qu’est-ce qui motive ces juges à agir ainsi ? La réponse demeure un mystère. Corruption silencieuse ? Troubles psychiques non identifiés ? Victimes elles-mêmes d’un système qui les broie ? Incompétence institutionnalisée ? Ou simple mépris social déguisé en vertu protectrice ? Nul ne peut le dire. Ce qui est certain, en revanche, c’est que tant que les audiences se tiendront à huis clos, sans débat contradictoire, sans contrôle extérieur et sans obligation de rendre des comptes, ces dérives continueront. Et les enfants, eux, paieront le prix d’un système qui les instrumentalise et les exploite au lieu de les protéger.

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