Ils ont sorti les fourches et les tracteurs.
Des tonnes de fumier, de paille et d'oeufs ont été déversées ces dernières semaines devant une quinzaine de permanences LaREM. Certaines ont été murées, taguées. Il y a eu des tentatives d'incendie.
Ce n'est pas gentil du tout.
C'est même totalement répréhensible. Inqualifiable. Insupportable. Ça tombe sous le coup de la loi.
Ce coup de sang rustique fait suite à la ratification du CETA par l'Assemblée nationale le 23 juillet dernier. Une courte majorité de 266 voix contre 213, une fraction des députés LaREM s'étant abstenue ou ayant voté contre.
Le CETA est un traité de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne qui supprime 98 % des droits de douanes sur les produits échangés, hors appellations protégées. Petite précision : il est en déjà en vigueur en Europe depuis 2017 ! L'aval des eurodéputés a suffi pour que cet accord très contesté s'applique "à titre provisoire", en attendant sa ratification par les parlements nationaux. Un modèle de fonctionnement démocratique.
Même si la France avait les meilleures normes sanitaires au monde en matière d'élevage, avec le CETA elle pourra les envoyer au musée. Les Canadiens nous fourgueront leurs bidoches nourries aux farines animales. Oh, pas celles issues de bêtes malades bien sûr : celles de bêtes saines dont on recycle le sang, les poils et le gras après les avoir chauffés à très hautes températures. Des cochonneries UHT en quelque sorte. Interdites en Europe qui refuse le cannibalisme des vaches, ça risque de les rendre folles.
Pareil pour les antibiotiques, qui servent toujours à engraisser les bestiaux au Canada. Une pratique interdite en Europe. Mais plus avec le CETA.
Un texte vicieux, le CETA. Il n'autorise pas explicitement les farines animales et les antibiotiques : il n'en dit rien. Et qui ne dit rien...
Côté fraudes éventuelles, les contrôles vétérinaires et sanitaires ne contrôlent pas tout. Et bien moins encore avec l'augmentation attendue des échanges. De quoi rassurer les populations.
Sans parler de l'impact écologique de ce commerce mondial intensifié, à propos duquel Elisabeth Borne, demi-ministre de l'écologie, a estimé urgent de n'ouvrir aucun débat.
Donc, du fumier. Et des murs, devant les permanences LaREM. Histoire de dire que les agriculteurs ont l'impression de se heurter à un mur.
Car ils pourraient bien avoir été les dindons de la farce. Le CETA prévoit en effet que les marchés publics canadiens seront accessibles à 30 % aux entreprises européennes au lieu des 10 % actuels. On imagine la négo : je te sacrifie mes culs-terreux et mes manants, tu me files tes marchés publics. Mes Grandes compagnies en bavent d'impatience. Ce sont les seules à pouvoir postuler à cette échelle.
Une telle jaquerie est la négation de la démocratie, tonnent les démocrates bon teint. Qui se sont contentés de vagues déclarations lénifiantes concernant les tribunaux d'arbitrage. Car c'est ça, la révolution du CETA version 2019. Sa nouveauté par rapport à 2017 : la reconnaissance de ces juridictions d'exception. Toute entreprise pourra exiger devant l'Organisation mondiale du commerce la réunion d'un tribunal arbitral si elle s'estime lésée par un État. Les normes sanitaires, sociales et environnentales étant considérées comme des entraves au commerce international. Et que dire du principe de précaution !
Évidemment, aucun État ne peut traîner une Grande compagnie devant un tribunal arbitral. Bienvenue dans le Nouveau monde !
Après l'Assemblée, le Sénat se prononcera en octobre. Mais même s'il vote contre le CETA, l'Assemblée peut confirmer son premier vote et c'est elle qui a le dernier mot.
L'accord sulfureux n'en a pourtant pas fini avec la contestation. Seuls 13 Etats en Europe l'ont ratifié pour l'instant, et il suffit d'un seul refus pour que le traité soit caduc.