Son bras de fer était un bras élastique.
Il n'aura fallu que quelques semaines pour que Matteo Salvini, l'homme fort de l'Italie, accepte de réduire drastiquement le déficit nbudgétaire de son pays pour revenir dans les clous communautaires.
En juin dernier l'Italie était menacée d'une procédure pour déficit excessif, autrement dit d'une amende de 3,5 milliards d'euros, soit 0,2% de son PIB. Pierre Moscovici, commissaire européen aux affaires économiques et financières, inénarrable ex-ministre français de l'Economie lors de l'affaire Cahuzac, a fait les gros yeux. Salvini a eu très peur.
Pour réduire le déficit italien, ce dernier a beaucoup promis. Plus de 7 milliards d'euros d'économies. A gratter sur la réforme des retraites et le revenu citoyen qui "seront redimensionnés". Traduction : des montants diminués, et pour le moins de personnes possibles. On dirait du Macron. Le budget italien 2019, qui a reçu l'an dernier l'imprimatur de la Commission, promettait déjà de dégager 18 milliards d'euros grâce aux privatisations. Lesquelles ? L'info n'a pas filtré.
Pour masquer sa dernière reculade, le Zorro italien a clamé qu'il baisserait les impôts. Sans préciser que cela signifierait sans doute moins de services publics. Il a aussi martelé qu'il n'augmenterait pas la TVA de 3 % en 2020 et en 2021, ce qui fait +382 €/an et par contribuable, +889 €/an par famille. Or une "clause de sauvegarde" signée en décembre dernier impose à l'Italie une augmentation automatique de la TVA en cas de poursuite du déficit. Vu le courage de Salvini face à la Commission, on voit mal comment il pourra s'en affranchir.
Le bruit court qu'il envisagerait alors de vendre une partie des réserves d'or italiennes, les troisièmes plus importantes au monde. C'est-à-dire de priver le pays d'un moyen de paiement en dernier recours en cas de grave crise financière.
Tout ça est bien technique.
Ce qui passionne les commentateurs politiques ce sont les coups de menton. Les déclarations fracassantes. Et aujourdhui la rupture avec son allié, le M5S, que Salvini veut virer du gouvernement comme un malpropre. Sans oublier l'interdiction des ports aux migrants. Grâce à elle, Salvini apparaît vraiment comme un affreux populo-fasciste. Ce qui évite au passage d'interpeller l'Europe sur son vide sidéral en matière d'analyse des flux migratoires partis pour durer quelques décennies.
On l'aura compris : Matteo Salvini est un libéral qui avance masqué. Prêt à se renier, comme Tsipras en Grèce, pour rester dans l'Union européenne. L'homme du bras de fer est en train de devenir manchot. Car, comme le soulignait en 2014 la Luxembourgeoise Viviane Reding, vice-présidente de la Commission européenne, "il n'y a plus de politiques intérieures nationales". Les Italiens vont finir par s'en rendre compte.