Le rachat de Twitter par Elon Musk et al. obéit à une double logique: réaliser un bon coup financier et manipuler l'opinion publique.
1 - Le volet financier est décrit en détail dans cet article de La Tribune:
Contrairement à ce que racontent les titres des médias, Musk n'a pas dépensé 44 milliards mais seulement 27 milliards, le plan de financement se décomposant ainsi:
" ... le financement de cet accord repose sur quelque 5,2 milliards de dollars apportés par des fonds d'investissement et grandes fortunes, notamment le co-fondateur de l'éditeur de logiciel Oracle, Larry Ellison, qui a fait un chèque d'un milliard, ou Qatar Holding, contrôlé par le fonds souverain du Qatar, Qatar Investment Authtority. En échange de leur investissement, tous recevront des titres et deviendront actionnaires de Twitter. Ce groupe est complété par le prince saoudien Al-Walid ben Talal, qui a apporté à Elon Musk les presque 35 millions d'actions qu'il détenait déjà."
"Enfin, le solde, soit 13 milliards de dollars, est assuré par des prêts bancaires, débloqués par un groupe d'établissements dans lequel figurent Morgan Stanley, Bank of America, les Japonais Mitsubishi UFJ Financial Group et Mizuho, Barclays et les françaises Société Générale et BNP Paribas"
Les prêts bancaires étant adossés sur Twitter, c'est l'entreprise qui paiera les remboursements. On ne connaît pas les garanties bancaires mais on voit bien que l'opération n'a rien d'une "lubie" d'un milliardaire excentrique. Il s'agit au contraire d'un investissement financier collectif et réfléchi.
Le "business plan" consiste à porter le chiffre d'affaire de 5 milliards à 26 milliards et à transformer Twitter en une entreprise produisant des bénéfices. Par des méthodes classiques, dégraisser massivement pour alléger les charges, multiplier les services, optimiser la publicité, etc.
Première réforme significative: généraliser la formule payante à 8 dollars par mois.
2 - Faire du fric avec un outil de manipulation de l'opinion publique.
Comme tous les réseaux sociaux, Twitter repose sur un réseau de "leaders d'opinion". Des personnes ou des organismes qui se sont bâties une réputation qui leur donne le statut "d'influenceurs".
Pour les amateurs(trices) la méthode est simple: créer un compte et diffuser régulièrement du contenu de qualité. Ou simplement du contenu qui correspond à un certain public. Puis multiplier les liens et les références à ce compte partout ou l'on peut, sur Twitter et ailleurs. Avec du travail et de la persévérance le compte attirera de plus en plus de "suiveurs".
Il existe des entreprises privées ou étatiques qui ont monté des usines dans lesquelles des centaines de salarié(e)s créent des comptes fictifs et les alimentent quotidiennement. Et quand les comptes ont assez de "suiveurs" ils sont proposés à la location :)
Dans le cas de Twitter, la faible taille des messages autorisés (quelques centaines de caractères) en fait un réseau qui diffuse des "news" en temps réel. Ce qui permet d'obtenir rapidement les dernières nouvelles sur un sujet donné. C'est souvent utile, car tout n'est pas à jeter dans les réseaux sociaux.
Toutefois pour les diffuseurs d'intox ou d'idéologies mortifères c'est le paradis !
En s'y prenant bien on arrive à faire croire qu'au Brésil les partisans de Lulla proposent de casser les dents des enfants pour qu'ils puissent faire des fellations (sic) et autre absurdités. Tout repose sur la "crédibilité" des comptes suivis et cette crédibilité se travaille. Et aussi un peu sur la crédulité des "suiveurs" il faut bien l'admettre.
Les thuriféraires du capitalisme s'en donnent à coeur joie pour promouvoir l'idéologie capitaliste sous toutes ses variantes, du libéralisme bon teint au libertarisme complètement dézingué. Elon Musk et ses potes milliardaires sont plutôt orientés libertarisme: promouvoir le pouvoir de l'argent, le pouvoir des riches, leur pouvoir sur le monde.
En investissant dans Twitter ils joignent l'utile et l'agréable. En quelque sorte le beurre et l'argent du beurre. Renforcer l'idéologie capitaliste pour renforcer leur richesse.
3 - Boycotter Twitter ?
L'idée pourrait paraître saugrenue lorsque Twitter est gratuit et relativement peu invasif. Mais l'instauration de formules payantes et la modification des règles de modération change la donne. Changer de système est tentant.
Le problème est le même que lorsque l'on veut supprimer le capitalisme mais que l'on ne peut pas le faire faute de trouver un système de remplacement qui tienne la route.
Néanmoins dans le cas de Twitter il existe des réseaux alternatifs. Bien que je ne sois pas un spécialiste des réseaux sociaux je peux fournir deux pistes qui devraient être étudiées et/ou popularisées:
Il y a quelques années j'ai testé Diaspora qui ressemble à Facebook. En ce moment c'est Mastodon qui a la cote pour remplacer Twitter. L'exode des utilisateurs Twitter vers Mastodon a commencé.
Ces réseaux sont publics, le logiciel est "open source", ce qui évite les mauvaises surprises, et le financement se fait par les dons des utilisateurs. Les performances sont moindres que celles des "commerciaux" mais elles dépendent du nombre des utilisateurs. Plus il y a d'utilisateurs, plus les moyens augmentent et plus le réseau est performant.
Il est donc possible d'essayer de boycotter Twitter. Cela ne coute rien d'essayer et puis sinon ... c'est Elon Musk et son copain Trump !