Un excellent article de Mediapart (pub gratuite !) décrit l'opération financière de rachat de Twitter comme un LBO risqué.
Un LBO (leverage buy out ou "achat à effet de levier") consiste à racheter une entreprise à l'aide de crédits qui seront remboursés par l'entreprise. Pour cela le nouveau propriétaire doit transformer l'entreprise en usine à profit, ce qui se fait généralement en licenciant massivement, en vendant des actifs, en essayant d'améliorer le produit. Si l'opération réussit l'acquéreur s'est payé une entreprise à moindre cout. Si elle rate c'est l'entreprise qui fait faillite et l'acheteur ne perd pas grand chose.
Dans le cas de Twitter l'opération est risquée parce que l'acheteur a engagé une bonne partie de sa fortune, environ 27 Mds (en partie gagée par des actions de Tesla). Contrairement aux LBO classiques, en cas de faillite de Twitter le nouveau propriétaire serait bien affecté.
En attendant l'issue de cette affaire, le réseau Twitter va certainement connaître des modifications importantes. Notamment en matière de modération des contenus, ce qui transformera le réseau en centre international de propagande libérale, libertarienne, voire néo fasciste !
La question se pose donc de quitter Twitter pour ceux et celles qui l'utilisent et qui sont moyennement attirés par le néolibéralisme, le néofascisme, le racisme, la misogynie, l'obscurantisme, et j'en passe des meilleures !
On ne va pas se mentir, ce n'est pas simple.
Tout d'abord il faut préciser la place particulière de Twitter dans la galaxie des réseaux sociaux. Dès le début en 2006 Twitter est conçu comme une sorte de distributeur de l'information en temps réel. Ce qui me faisait bien rire, puisque j'imaginais un quidam twetter "ce matin je prends une douche", puis cinq minutes plus tard "je déguste mon petit déjeuner" suivi immédiatement par "et je me brosse les dents" lol
Mais finalement Twitter attira des producteurs d'information plus sérieux, que le marketing nomme des "leaders d'opinion": politiciens, journalistes, intellos, scientifiques, people, etc. Et aussi des organisations de toutes nature.
Au fil des années Twitter est devenue une source d'information réputée, bien que pas toujours fiable (euphémisme !).
Pour remplacer Twitter il faut examiner les points suivants, liste non exhaustive:
1 - Créer un point d'accès unique aux informations.
Twitter est différent des autres réseaux sociaux. Les messages limités à 280 caractères, l'immédiateté et (parfois) la qualité de l'information le différencient de Facebook, Diaspora, Discord, Reddit, CounterSocial.
Lorsque l'on cherche des informations brèves et très récentes c'est Twitter qui s'impose. Pour les détails ou la discussion on ira plutôt vers Facebook ou les quotidiens.
La seule alternative éventuelle à Twitter ce sont les agences de presse, AFP, Reuters et autres, mais qui sont - gravement - payantes !!
Il existe donc une sorte de monopole de Twitter sur le service des informations en temps réel. A mon avis il est illusoire de penser concurrencer Twitter en s'éparpillant sur de nombreux réseaux similaires. Tout simplement ce n'est plus le même service.
Donc le premier point à étudier c'est de trouver un point de chute unique. En l'état c'est Mastodon qui tient la corde, malheureusement il existe plusieurs serveurs Mastodon alors que ce que l'on cherche c'est un point d'entrée unique.
Le seul qui ressemble vaguement c'est ce serveur Mastodon. A suivre donc.
2 - Réunir des sources d'information de valeur.
Le principal intérêt de Twitter c'est de trouver rapidement des informations à peu près fiables sur un sujet d'actualité qui nous intéresse.
De ce point de vue Twitter est l'idéal puisqu'il intègre des "poids lourds" de l'information sur tous les sujets et dans tous les pays. De plus pour asseoir leur crédibilité un système de certification garantit l'authenticité de la source.
Le service qui remplacera Twitter devra donc attirer des "poids lourds" de l'information. Le mouvement est déjà engagé, des "influenceurs" sérieux ont transférés leurs comptes, le plus souvent sur Mastodon.
Ce mouvement pourrait être amélioré en faisant appel à des personnalités qui ne sont pas actuellement sur Twitter mais dont l'adhésion au nouveau service renforcera son attractivité.
Avis aux bonnes volontés :)
3 - Construire des services périphériques.
Autour de Twitter il existe un écosystème constitué par des logiciels et des services basés sur les données du réseau social.
Il faudrait donc que le remplaçant de Twitter s'accompagne d'un tel écosystème, à base de logiciels libres évidemment.
Ce n'est pas un point anecdotique car les utilisateurs de Twitter ont recours au moteur de recherche, aux logiciels clients qui permettent de se connecter depuis différents appareils, aux systèmes de filtrage des informations.
Je n'ai pas approfondi la question mais pour concurrencer Twitter il faut l'égaler aussi dans le domaine des services d'accompagnement.
4 - Etablir un système de modération fiable
Si l'on quitte Twitter c'est surtout pour éviter de tomber dans un système qui met en valeur la propagande réactionnaire. Si l'on admire Trump on a aucune raison de quitter un réseau social rempli de ses idées, et peut être bientôt de ses tweets !
Cette question est très délicate puisqu'il faut arbitrer entre le droit légitime à s'exprimer librement et les droits des usagers à ne pas subir insultes, mensonges, harcèlement, etc
En attendant de résoudre cette épineuse question, on peut toujours mettre en place un mécanisme de signalement automatique des contenus qui ne peuvent pas être tolérés.
Agressions verbales, injures, menaces de morts, etc. devraient être automatiquement supprimées et/ou signalées automatiquement aux autorités grâce à l'adresse IP accompagnant chaque message. Et signaler VPN et Tor pour prévenir les usagers ordinaires.
On peut conserver l'anonymat pour les usagers "normaux" et sévir contre les délinquants. Cela n'a rien de "sécuritaire", dans chaque rue celui qui casse une vitre ou dégrade ou voiture doit être signalé à la police. C'est banal. Le fait que la police ne fasse rien est un autre sujet :)
Le problème de la modération est tellement compliqué qu'il devrait être voté par les usagers en cas de conflit. Et que les mesures de bases devraient figurer dans une charte signée par chaque usager(e).
5 - Trouver un moyen de financement collectif.
Enfin il reste la question du financement qui présentement repose sur la charité publique. Le recours à la publicité rendrait le service dépendant des capitalistes ce qui serait fâcheux. L'organisation d'évènements festifs serait une piste.
Avis aux pros du recueil de fonds :)
Voilà j'ai examiné quelques aspects du remplacement de Twitter par un service offrant les mêmes usages, sans l'idéologie réactionnaire et ses manipulateurs professionnels. Et je n'avais pas menti: ce n'est pas simple !