En 2010 un mouvement social d'une ampleur inégalée depuis 1968 a mis dans la rue des millions de salarié(e)s qui protestaient contre la réforme des retraites. Malgré cela l'âge de la retraite a été porté de 60 ans à 62 ans. Et Sarkozy a gagné la bataille. Tels sont les faits.
En 2023 un mouvement social de très grande ampleur va mettre dans la rue des millions de salarié(e)s afin de protester contre la réforme des retraites. Malgré cela l'âge de la retraite sera porté de 62 ans à 64 ans.
Car les mêmes causes produisant les mêmes effets, une mobilisation populaire strictement identique ne peut qu'échouer. Dans un article de Wikipedia, assez peu critique, on trouvera le détail des mobilisations successives.
Ce qui est en cause c'est la méthode, et il faut absolument tirer les leçons de 2010 sinon nous allons revivre le même échec. Je voudrais souligner quelques points qui m'interpellent.
1 - La bataille de l'opinion.
On nous fait croire que la bataille de l'opinion est gagnée, or rien n'est plus faux !
Selon les sondages de 2010 près de 70% approuvaient le mouvement social contre la réforme, en 2023 ce taux n'est plus que de 60%. (IFOP Politis)
L'une des raisons c'est la démobilisation. Après trente années de défaites sociales beaucoup de gens pensent que marcher de Bastille à Nation une fois par semaine ne fera pas reculer le pouvoir.
Il faut donc convaincre. Et dans le camp du patronat ce sont des moyens colossaux qui sont mobilisés. Acrimed
Dans le camp des salarié(e)s, hormis quelques articles dans les bonnes revues, c'est le calme plat. A titre d'exemple aucune propagande massive n'a été effectuée en décembre. Un mois de perdu alors que le report à 64 (ou 65) était certain !
Il nous faudrait donc des millions de tracts, des centaines de réunions publiques, des prises de positions de célébrités, etc et des collectifs pour organiser tout cela partout.
On ne voit rien venir sauf le minimum syndical, qui d'ailleurs ne nous demande pas tant de réfléchir mais de venir marcher au jour, à l'heure et au lieu qu'il aura décidé.
2 - Se fier aux leaders syndicaux.
En 2010 l'unité syndicale existait également. Avec quelques défaillances des syndicats réformistes au fil du temps.
Aujourd'hui on nous vend "l'unité syndicale" comme l'arme de destruction massive de la réforme. C'est une blague !!
En 2023 tous les syndicats sont obligés de faire semblant d'être unis tellement ils ont peur d'être débordés.
Avisés, les adhérents CFDT ont même fait voter un mandat impératif pour Berger lol. Les gilets jaunes ont laissé des traces et le collectif SNCF a montré que le syndicat était contournable. D'où la grande peur syndicale.
Pire. Cette unité de façade revient à aligner les actions communes sur les syndicats les moins combatifs afin de soit disant "préserver l'unité". Voir Berger appeler à la grève c'est grotesque, si ca se trouve il en a jamais fait de sa vie !
Cette "unité syndicale" c'est l'inefficacité garantie.
De plus cette "unité" n'empêchera pas les syndicats "traitres" de quitter le navire dès qu'ils en auront l'opportunité politique et de l'envoyer s'échouer !
3 - Créer des collectifs de lutte.
Pour autant il faut absolument utiliser les syndicats. Ils peuvent organiser un minimum de manifestations et disposent de moyens.
Puisque l'on sait que les directions syndicales feront le minimum, la solution c'est de regrouper les militants syndicaux et les non syndiqués pour engager une lutte plus efficace.
Le plus simple c'est de multiplier les collectifs locaux qui centralisent la lutte par secteurs géographiques. Celui de Montpellier par exemple a déjà commencé la mobilisation.
A coté des grandes manifestations, de très nombreuses actions (non violentes !) sont possibles. Mettons l'imagination au pouvoir :)
L'autre avantage de cette méthode c'est que si les directions syndicales ne contrôlent plus tous les aspects du combat social alors c'est la panique assurée parmi le gouvernement et le patronat. Et au fond c'est bien ce qu'il faut obtenir si l'on veut que notre voix soit entendue.
4 - Bloquer le pays.
Puisque 2010 nous a prouvé que des millions de manifestants ne suffisent pas pour sauver notre système de retraite il faut améliorer cette méthode de lutte.
Multiplier les grands défilés c'est bien. Mais se limiter à cet objectif cela ne fonctionne pas. Cf 2003 2010 2016 ..
Puisque le fond du problème c'est le refus du patronat de financer nos retraites à travers la cotisation sociale, le "salaire différé", il faut montrer que c'est le travail des salarié(e)s qui fait marcher le pays. Et pour cela il suffit d'arrêter de travailler en masse.
Le principal objectif de la mobilisation doit être de bloquer le pays. Peu importe la méthode, grève générale, grèves tournantes, blocage des grands secteurs de l'énergie et des transports, etc
En 2023 sans un blocage du pays par les salarié(e)s pas de victoire possible.
Cette liste de réflexion n'a rien d'exhaustif. Il y aurait beaucoup de choses à dire. Je trouve qu'il y en a beaucoup qui font l'impasse sur le fait que nous nous battons d'abord pour obtenir une part du gâteau contre les capitalistes.
La bataille des retraites c'est d'abord une lutte pour rétablir les cotisations sociales patronales.
Il est vrai que le nombre des retraités augmente, bien que l'espérance de vie stagne en réalité. Mais ce qui menace l'équilibre financier du système c'est que le patronat ne paye plus sa part des cotisations sociales.
90 milliards d'exonérations de cotisations patronales chaque année c'est la principale cause du déficit de la sécurité sociale.
Or bizarrement "gauche" et syndicats sont extrêmement discret sur ce point (anti)capital, à nous de le leur rappeler !