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Billet de blog 15 novembre 2022

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Retraites: Enfumage général.

Ou en est la concertation bidon entre gouvernement, patronat et syndicats.

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Un article très factuel du Figaro résume bien la situation du point de vue chronologique. Après la tentative ratée d'instaurer le régime à point en 2019, Macron s'est résigné à revenir aux mesures "paramétriques" des ses nombreux prédécesseurs depuis plus de trente ans !

Ce sera donc le report de l'âge de départ à la retraite à 64 ou 65 ans, et peut être l'augmentation de la durée de cotisation au delà de 43 ans.

Mais le projet initial de passer tout cela en douceur dans un obscur article de la LFSS s'est heurté à l'opposition du Modem et de tous ceux/celles qui lorgnent sur 2027. Ce sera donc un projet de loi en décembre ou janvier, voté au Parlement en mars-avril, appliqué en juin.

En attendant il faut meubler et amuser la galerie. Trois cycles de négociations sont en route jusqu'à décembre:

  • 1er cycle: sur "l'emploi des seniors et la prévention de l'usure professionnelle" débuté le 11 octobre
  • 2ème cycle: sur "la justice sociale et l'équité" à partir du 7 novembre
  • 3ème cycle: sur "l'équilibre du régime" prévu pour le 28 novembre

Patronat et syndicats participeront à ces petits raouts, sauf la CGT qui ne viendra qu'au second cycle pour cause de grève pétrolière pendant le premier cycle. On n'attend rien du patronat qui n'a que deux propositions clés: plus d'exonérations de cotisations sociales et plus de primes à l'embauche et autres cadeaux fiscaux. Quand aux syndicats on sait ce qu'il est en, opposés à la "réforme" ET opposés à toutes actions sérieuses contre la "réforme".

Un article des Echos fait le point sur le premier cycle en interviewant le ministre Dussopt. Instructif. Hilarant parfois.

Un exemple à propos des mesures pour augmenter le nombre des travailleurs(ses) âgé(e)s, les "seniors" en novlangue. Le gouvernement propose d'imposer à toutes les entreprises un "index senior" qui mesure combien de personnes âgées elles emploient.

Interviewer: Le patronat ne veut pas d’index senior.

Réponse: Notre objectif, c’est d’inciter et de mesurer les efforts faits en faveur de l’emploi des seniors, pas de nous inscrire dans la coercition. L’index pourrait être obligatoire sans être accompagné de sanction.

En d'autres termes nous allons imposer une loi en faveur des salarié(e)s mais ... le patronat fera ce qu'il voudra. lol

En ce qui concerne la "pénibilité", une véritable fumisterie, un excellent article de Mediapart nous rappelait récemment qu'en 2017 Macron a supprimé les principaux facteurs de pénibilité retenus pour bénéficier d'une retraite précoce. Citation exacte:

Et comme le souligne Laurent Berger interrogé par Le Figaro, « les quatre facteurs exclus – les ports de charges, les postures pénibles, les vibrations et les agents chimiques – représentent 95 % des maladies professionnelles reconnues en 2019 ».

Je n'ose pas imaginer ce que le patronat reconnaît comme travail pénible, peut être les mines de sel en Sibérie ? Même pas sur !

En résumé les "négociations" du premier cycle n'ont rien apportées de nouveau. Sauf des mesures de détail dont on se demande si ceux qui osent les présenter ne fument que du tabac. Ainsi les fonctionnaires auront le "droit" de travailler jusqu'à 70 ans au lieu de 67 ans actuellement !

Le cas particulier du minimum vieillesse à 1000 euros puis maintenant 1100 euros mérite le détour, notamment parce beaucoup de salarié(e)s peuvent y voir, bien à tort, un progrès social.

La mesure concerne les personnes ayant une carrière complète, c'est à dire peu de gens en vérité. La carrière complète suppose 42 ans et bientôt 43 ans de travail. Les études et les périodes de chômage ne compteront pas ou si peu.

Pour les autres le minimum sera ramené au prorata du temps de travail, ainsi 40 ans de travail procurera un minimum retraite de 1100 x 40/43 = 1023 euros. Pour une carrière de 39 ans on descend à 997 euros. En remarquant que le minimum vieillesse est actuellement à 950 euros, on voit tout de suite le progrès social. Quasi nul une fois que l'inflation et quelques décrets scabreux seront passés la dessus.

Car tout est dans le détail (sordide), comme le dit Dussopt:

"certains pointent à juste titre la nécessité d’avoir un écart suffisant entre le minimum vieillesse (953 euros pour une personne seule aujourd’hui) et la retraite minimale, afin de valoriser le travail"

Ce qui signifie que la législation devra veiller à maintenir un écart significatif entre le minimum de 1100 euros (85% du smic) et la retraite vieillesse dont bénéficient ceux qui ont peu travaillé. Les femmes au foyer par exemple ?

En résumé la retraite minimale, produit d'appel de la "réforme", est une arnaque qui procurera - peut être - quelques dizaines d'euros par mois à des personnes qui finiront leur vie dans la pauvreté.

Le deuxième cycle de "négociations" produira certainement d'autres trouvailles géniales. Quand au troisième cycle il abordera le coeur du problème: comment réduire les retraites versées en reculant l'âge du départ et la durée de cotisation. 

Ces fumisteries peuvent agacer mais d'un point de vue tactique elles ouvrent la possibilité de s'organiser pour lutter contre le futur projet de loi. Il reste au moins deux mois avant que les choses soient trop avancées.

Les obstacles sont nombreux puisque sur le plan politique la droite fait bloc, dès maintenant, pour faire voter la loi retraite sans même recourir au 49.3. Macron semble disposer d'une majorité confortable pour démolir les retraites.

Les directions syndicales feront le minimum du même nom pour défendre les retraites.

Comme il n'existe pas de parti de gauche qui défende les intérêts des salarié(e)s (et seulement ceux là mdr) il  n'existe pas non plus de cadre politique pour organiser une mobilisation générale.

Enfin l'information/désinformation des salarié(e)s étant ce qu'elle est, le problème des retraites n'est pas leur sujet numéro un ?

La seule solution serait l'auto organisation des salarié(e)s, mais encore faudrait il une impulsion forte pour provoquer les mobilisations locales et la formation de comités de défense de la retraite. A part un regroupement informel, sans étiquettes et sans exclusives, de quelques cadres associatifs, politiques ou syndicaux, je ne vois pas.

Mais ma boule de cristal, fabriquée en Chine, est de très mauvaise qualité !  J'espère me tromper :)

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