En ce moment une étude de l'INSEE est mise en avant par les médias. Sur le principe on devrait se méfier, une étude sponsorisée à ce point est toujours suspecte. Sur le fond est on en droit de se poser des questions.
La thèse c'est que la taxe foncière est un impôt inégalitaire car les "pauvres" sont taxés plus que les "riches".
D'abord on notera que ce théorème est vrai pour la plupart des charges des ménages: un ménage riche dépense proportionnellement beaucoup moins pour manger qu'un ménage pauvre. Du moins si on l'exprime en pourcentage du patrimoine ou du revenus global, comme le fait bêtement l'INSEE pour la taxe foncière.
Ensuite il faut s'entendre sur ce que l'INSEE considère comme "pauvres" et "riches" car la notion INSEE est très différente de notre compréhension ordinaire :)
Comme le montre leur graphique, les "pauvres" sont au centile 40, c'est à dire les gens dont le patrimoine est plus élevé que 40% de la population totale. Etre dans les 60% les plus riches ne me parait pas être une bonne définition du "pauvre" lol
L'INSEE a donc trouvé une dégressivité quand on rapporte la taxe payée par rapport au patrimoine.
Mais comme signalé plus haut il n'y a rien d'anormal, les plus gros patrimoines sont détenus par les plus riches, justement ceux dont le rapport taxe sur fortune est forcément plus faible. A titre d'exemple, en France, les riches paient moins de TVA que les pauvres, c'est aussi un impôt dégressif. La raison en est que le rapport dépenses/revenus des riches est toujours plus faible que pour les pauvres. Le dénominateur étant beaucoup plus gros (mais alors beaucoup) !
Pour la taxe foncière, telle n'est pas l'interprétation de l'INSEE qui voit dans cette discordance logique une anomalie qui serait causée par une mauvaise évaluation des locaux. Avec cette observation:
"Cette régressivité de la taxe foncière, relativement au patrimoine immobilier, s’explique en premier lieu par l’écart entre la base imposable issue des « valeurs locatives cadastrales » et les valeurs de marché [André, Meslin, 2024]. Les ménages ayant un patrimoine immobilier élevé possèdent plus fréquemment des logements dont la valeur locative cadastrale est faible au regard de leur valeur de marché. C’est notamment le cas des logements anciens situés dans le centre des grandes agglomérations, pour lesquels les valeurs locatives cadastrales sont obsolètes."
Là il faut rappeler que le montant de la taxe foncière est un produit: taxe = valeur locative x taux (taux au pluriel)
Ce qui fait qu'en pratique la comparaison de deux taxes foncières est difficile, parfois impossible. Ainsi la valeur d'une maison haut de gamme subissant un taux faible produit la même taxe que la valeur d'un appartement minable subissant un taux fort. Par exemple un propriétaire de Passy et un propriétaire des quartiers Nord pourront avoir des taxes proches, tout en disposant de logements disons ... assez différents.
Tout ceci pour montrer l'incongruité de tenter de comparer des choses non comparables.
De plus l'évaluation des valeurs locatives peut être parfaitement correcte, le local haut de gamme ayant une forte valeur et le local minable une faible valeur. Et pourtant le riche paiera autant que le pauvre. C'est injuste mais il y a des communes riches et des communes pauvres.
Et ce sont les collectivités qui fixent les taux en fonction de leurs ressources, c'est pourquoi les quartiers chics ont souvent des taux faibles car ils disposent de suffisamment de ressources (taxes professionnelles etc.) tandis que dans les communes pauvres il faut un taux fort juste pour équilibrer le maigre budget.
Et donc, à mon avis, la fable de "l'injustice" provoquée par une mauvaise évaluation des locaux ne tient pas la route.
Et au moment ou le gouvernement va mettre en oeuvre une révision générale des valeurs locatives des locaux des particuliers, je crois que l'article de l'INSEE est tout simplement "une étude de commande".
Il faut préciser que ladite révision générale est déjà en cours pour les locaux professionnels.
L'étape suivante consiste à réviser les valeurs des millions de locaux détenus par des particuliers. Elle était prévue pour 2026 mais a judicieusement été reportée à 2028, on se demande bien pourquoi :) Cf Particulier
Or depuis des dizaines d'années tous les gouvernements ont refusé de la faire pour des raisons évidentes: quand les valeurs locatives seront révisées la moitié des propriétaires paieront pareil ou moins tandis que l'autre moitié paiera davantage.
Et 50% des propriétaires qui s'estimeront surtaxés c'est l'amorce d'un mouvement social redoutable. Notamment électoral.
A mon avis cette étude adhoc de l'INSEE c'est une préparation psychologique, un peu comme les "fuites" opportunes qui se produisent quelques mois avant une réforme de casse sociale.
Quand à imaginer qu'il s'agira d'une réforme de justice sociale, selon les normes macronistes.
Je ne ferais pas de commentaire. mdr
PS. Cela dit la révision des valeurs des locaux ne serait pas inutile. Bien que la situation actuelle ne soit pas si déplorable. Techniquement plusieurs mécanismes assurent une mise à jour régulière des locaux. Les très grosses anomalies sont rares.
Mais reprendre les dizaines de millions de locaux sérieusement serait couteux, en période de réduction de l'Etat c'est peu probable. Ce que le gouvernement va faire c'est une réforme baclée qui risque plutôt d'augmenter les anomalies. Avec probablement des arrières pensées d'augmentation des impôts locaux pour diminuer la dépense de l'Etat. Mais ceci est une autre histoire.